Thursday
A City By The Light Divided |
Label :
Island |
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Waiting était l'anonyme naissance d'un mythe discret, Full Collapse était la révélation immédiate, War All The Time fut à la fois l'assise indélébile et la volonté d'avancer... Voilà que A City By The Light Divided ajoute sa pierre à l'édifice des gars du New Jersey. A l'image de la première impression confuse laissée par l'artwork, ce nouvel échelon de l'irrésistible ascension de Thursday marque, et c'est le cas de le dire, une étape plus complexe déjà amorcée sur War All The Time ; voire le "Jet Black New Year" de Five Stories Falling.
On peut tout d'abord définir une première partie en forme de rétrospective de la palette du groupe depuis ses débuts, cinq titres dont on reconnaît la patte sans se crasher dans la sédentarité. L'entrée à fond les manettes "The Other Side Of The Crash - Over And Out (Of Control)" établie dès le début d'un riff grossier un titre déroutant et dispersé dont le refrain est placé d'une telle manière (et seulement deux fois) qu'on a du mal a l'identifier lors des premières écoutes. L'un des points forts de Thursday depuis le dernier opus est donc ici présent : ils n'ont pas besoin d'abrutir nos oreilles d'un plan, d'une phrase, pour que la composition reste gravée dans nos mémoires si elles se font suffisamment gourmandes.
L'un des autres points fort du groupe, c'est la capacité qu'introduit le single indiscutable "Count 5-4-3-2-1", en contredisant tout de suite cette affirmation. Il renoue justement avec ces riffs et refrains scandés qui ont marqués les esprits, et rappelle l'efficacité des morceaux qui vont droit au but malgré une apparence désormais impersonnelle due au milliers de plagiaires post-punk (de plus en plus nombreux et de tous pays) apparus depuis Waiting...
Certains feront remarquer avec justesse que ce titre est par conséquent à entrevoir comme le plus faible écrit par le sextet, mais aussi le meilleur que certains de leurs contemporains n'écriront jamais... "Sugar In The Sacrament" embraye directement et de nouveau à contresens avec une plage de cinq minutes pour ne pas oublier l'autre saveur, plus douce, du voyage lorsque le conducteur prend son temps : l'art de faire monter la sauce sans ennuyer dans les moments les plus calmes est une autre vertu à affilier à ces musiciens.
On est ensuite vigoureusement rattrapé par le fantôme tendu de l'emo puisque "At This Velocity" prouve que le groupe, en partie grâce à l'essence mélodique qui le définit, demeure toujours roi du hardcore en ternaire, au point de le saboter (dès le passage voix-batterie) sans se corrompre. Le morceau n'en devient que plus intéressant et nous confirme que cette première partie de galette n'est pas qu'une simple piqûre de rappel. Le titre "We Will Overcome" est d'autant plus intéressant qu'il mime ces fins d'albums pessimistes prédisant (le titre est au futur...) l'avancé musicale d'un album à venir. Qu'il finisse tout en chœurs puis en un accord de keyboard suspendu égrainé d'un fade out le confirme, et tourne par la même occasion la page en mettant fin à cette première partie.
On remarque entre temps qu'en comparaison ces nouvelles pièces sont plus arrangées, plus riches que celles auxquelles elles semblent rendre hommage... que plus il prend en âge, plus Rickly (sa voix, ses textes, ses histoires...) semble s'affirmer comme le véritable digne héritier de l'univers mélancolique de Robert Smith. Thursday n'est-il pas finalement le The Cure du 21e siècle trempé dans le hardcore... ?! Une chose est sûre: la trame de l'œuvre est faite de titres qui se contredisent, se (pour)suivent mais ne se ressemblent pas, la suite en est la preuve.
Arrive ainsi la moitié de l'oeuvre, l'événement du disque: Là où on est habitué à la mention ‘album de transition' entre deux disques distincts, l'auditeur assiste ici à ce coup de collier au beau milieu de la même œuvre. "Arc-Lamps, Snignal Flares, A Shower Of White (The Light)" est alors un entracte instrumental assimilable à l'intro d'un album, ici de la seconde partie : un clavier mélodique qui n'a jamais été si présent, des guitares estompées au profit du subtil, des fûts se faisant une place d'honneur... "Running From The Rain" annonce de ce fait lentement la fraîche finesse acquise du groupe, dévoile les secrets de A City By The Light Divided, et pas par le seul constat de production léchée et de nostalgie...
...et là tout paraît passer de Pornography à The Head On The Door (à Desintegration ?), de post-punk hardcore à post-rock pop (sans pour autant passer de At The Drive-in à Coldplay) : On entre 'en direct' chez le nouveau Thursday, signant un emo plus atmosphérique que perforateur, plus pondéré et réfléchi. Rarement vu.
Ces cinq prochains titres sont donc le pur reflet du miroir, ('On the other side of...' annonçaient-ils discrètement dans le tout premier titre du disque), l'affirmation que rien n'est facile ni gagné. "Telegraph Avenue Kiss" ose en ces termes s'aventurer sur des rythmes disco-rock détournés pour singer dans une finesse new-wave (pléonasme) la récente scène de Bloc Party et compagnie.
"The Lovesong Writer" est une des grosses perles sur les onze : du faux air The Mars Volta minimaliste à la déferlante de guitares en gimmick, jusqu'au petit thème carrousel et l'outro noisy brisée dans une réverbération du vide... Cela laisse présager des choses très excitantes pour les prochaines galettes... Le "Into The Blinding Light" qui le suit en est l'antidote parfait, construit de remplissages nerveux et brutaux, de clavier aux effluves de Depeche Mode appuyant la figure haletante de ce titre faisant monter la pression sans jamais accorder une once de repos. Ce dernier est finalement lui-même prit à revers par "Autumn Leaves Revisited". Un final généreux et surtout flatteur pour les similitudes suscitées avec le romantisme de The Cure : une longue complainte ici sous forme d'épilogue, semée par quelques pincées de guitares acoustiques, qu'on se plairait à prêter aux derniers chef-d'œuvres des anglais comme Bloodflowers. On se dit finalement que le changement de cap a bel et bien eu lieu et que le groupe l'a si bien négocié tout au long de A City By The Light Divided qu'on ne s'est rendu compte de rien. Nous nous sommes endormi dès le départ, avons rêvé tout le voyage pour que le réveil et l'arrivée nous enchantent : on ne savait pas où on allait mais on ressent le soulagement d'être rendu à bon port puisqu'on a prit du plaisir.
Dans le prolongement de War All The Time, on est merveilleusement prit en traître par autant de surprises impudiques et de prises de risques telle que les structures labyrinthiques, la surenchère bruitiste volontaires d'arrangements comme la propreté de la production, l'abondance de mélodies, l'intégration définitive de ce sixième membres qu'est le clavier à des fins plus ambiantes qu'auparavant ou encore des guitares moins envahissantes que le commun du screamo et hardcore (mélodique ou non). C'est en ce sens que Thursday tire tout le grand mérite d'être un groupe d'emocore paradoxalement pop(ulaire) et underground. Le talent de ce groupe n'étant plus à découvrir ni à confirmer, il se contente désormais de modestement avancer à coups de chef-d'œuvres. Une des grandes réussites de l'année.
On peut tout d'abord définir une première partie en forme de rétrospective de la palette du groupe depuis ses débuts, cinq titres dont on reconnaît la patte sans se crasher dans la sédentarité. L'entrée à fond les manettes "The Other Side Of The Crash - Over And Out (Of Control)" établie dès le début d'un riff grossier un titre déroutant et dispersé dont le refrain est placé d'une telle manière (et seulement deux fois) qu'on a du mal a l'identifier lors des premières écoutes. L'un des points forts de Thursday depuis le dernier opus est donc ici présent : ils n'ont pas besoin d'abrutir nos oreilles d'un plan, d'une phrase, pour que la composition reste gravée dans nos mémoires si elles se font suffisamment gourmandes.
L'un des autres points fort du groupe, c'est la capacité qu'introduit le single indiscutable "Count 5-4-3-2-1", en contredisant tout de suite cette affirmation. Il renoue justement avec ces riffs et refrains scandés qui ont marqués les esprits, et rappelle l'efficacité des morceaux qui vont droit au but malgré une apparence désormais impersonnelle due au milliers de plagiaires post-punk (de plus en plus nombreux et de tous pays) apparus depuis Waiting...
Certains feront remarquer avec justesse que ce titre est par conséquent à entrevoir comme le plus faible écrit par le sextet, mais aussi le meilleur que certains de leurs contemporains n'écriront jamais... "Sugar In The Sacrament" embraye directement et de nouveau à contresens avec une plage de cinq minutes pour ne pas oublier l'autre saveur, plus douce, du voyage lorsque le conducteur prend son temps : l'art de faire monter la sauce sans ennuyer dans les moments les plus calmes est une autre vertu à affilier à ces musiciens.
On est ensuite vigoureusement rattrapé par le fantôme tendu de l'emo puisque "At This Velocity" prouve que le groupe, en partie grâce à l'essence mélodique qui le définit, demeure toujours roi du hardcore en ternaire, au point de le saboter (dès le passage voix-batterie) sans se corrompre. Le morceau n'en devient que plus intéressant et nous confirme que cette première partie de galette n'est pas qu'une simple piqûre de rappel. Le titre "We Will Overcome" est d'autant plus intéressant qu'il mime ces fins d'albums pessimistes prédisant (le titre est au futur...) l'avancé musicale d'un album à venir. Qu'il finisse tout en chœurs puis en un accord de keyboard suspendu égrainé d'un fade out le confirme, et tourne par la même occasion la page en mettant fin à cette première partie.
On remarque entre temps qu'en comparaison ces nouvelles pièces sont plus arrangées, plus riches que celles auxquelles elles semblent rendre hommage... que plus il prend en âge, plus Rickly (sa voix, ses textes, ses histoires...) semble s'affirmer comme le véritable digne héritier de l'univers mélancolique de Robert Smith. Thursday n'est-il pas finalement le The Cure du 21e siècle trempé dans le hardcore... ?! Une chose est sûre: la trame de l'œuvre est faite de titres qui se contredisent, se (pour)suivent mais ne se ressemblent pas, la suite en est la preuve.
Arrive ainsi la moitié de l'oeuvre, l'événement du disque: Là où on est habitué à la mention ‘album de transition' entre deux disques distincts, l'auditeur assiste ici à ce coup de collier au beau milieu de la même œuvre. "Arc-Lamps, Snignal Flares, A Shower Of White (The Light)" est alors un entracte instrumental assimilable à l'intro d'un album, ici de la seconde partie : un clavier mélodique qui n'a jamais été si présent, des guitares estompées au profit du subtil, des fûts se faisant une place d'honneur... "Running From The Rain" annonce de ce fait lentement la fraîche finesse acquise du groupe, dévoile les secrets de A City By The Light Divided, et pas par le seul constat de production léchée et de nostalgie...
...et là tout paraît passer de Pornography à The Head On The Door (à Desintegration ?), de post-punk hardcore à post-rock pop (sans pour autant passer de At The Drive-in à Coldplay) : On entre 'en direct' chez le nouveau Thursday, signant un emo plus atmosphérique que perforateur, plus pondéré et réfléchi. Rarement vu.
Ces cinq prochains titres sont donc le pur reflet du miroir, ('On the other side of...' annonçaient-ils discrètement dans le tout premier titre du disque), l'affirmation que rien n'est facile ni gagné. "Telegraph Avenue Kiss" ose en ces termes s'aventurer sur des rythmes disco-rock détournés pour singer dans une finesse new-wave (pléonasme) la récente scène de Bloc Party et compagnie.
"The Lovesong Writer" est une des grosses perles sur les onze : du faux air The Mars Volta minimaliste à la déferlante de guitares en gimmick, jusqu'au petit thème carrousel et l'outro noisy brisée dans une réverbération du vide... Cela laisse présager des choses très excitantes pour les prochaines galettes... Le "Into The Blinding Light" qui le suit en est l'antidote parfait, construit de remplissages nerveux et brutaux, de clavier aux effluves de Depeche Mode appuyant la figure haletante de ce titre faisant monter la pression sans jamais accorder une once de repos. Ce dernier est finalement lui-même prit à revers par "Autumn Leaves Revisited". Un final généreux et surtout flatteur pour les similitudes suscitées avec le romantisme de The Cure : une longue complainte ici sous forme d'épilogue, semée par quelques pincées de guitares acoustiques, qu'on se plairait à prêter aux derniers chef-d'œuvres des anglais comme Bloodflowers. On se dit finalement que le changement de cap a bel et bien eu lieu et que le groupe l'a si bien négocié tout au long de A City By The Light Divided qu'on ne s'est rendu compte de rien. Nous nous sommes endormi dès le départ, avons rêvé tout le voyage pour que le réveil et l'arrivée nous enchantent : on ne savait pas où on allait mais on ressent le soulagement d'être rendu à bon port puisqu'on a prit du plaisir.
Dans le prolongement de War All The Time, on est merveilleusement prit en traître par autant de surprises impudiques et de prises de risques telle que les structures labyrinthiques, la surenchère bruitiste volontaires d'arrangements comme la propreté de la production, l'abondance de mélodies, l'intégration définitive de ce sixième membres qu'est le clavier à des fins plus ambiantes qu'auparavant ou encore des guitares moins envahissantes que le commun du screamo et hardcore (mélodique ou non). C'est en ce sens que Thursday tire tout le grand mérite d'être un groupe d'emocore paradoxalement pop(ulaire) et underground. Le talent de ce groupe n'étant plus à découvrir ni à confirmer, il se contente désormais de modestement avancer à coups de chef-d'œuvres. Une des grandes réussites de l'année.
Excellent ! 18/20 | par X_YoB |
Posté le 06 juin 2006 à 22 h 42 |
Thursday revient après un Full Collapse magistral et un War All The Time surprenant. La barre est donc placée très haute pour ce quatrième album, A City By The Light Divided, attendu par de nombreux fans.
Mais les six musiciens du New Jersey ne déçoivent pas. A City By The Light Divided est un album de qualité, qui se divise aisément en deux parties. La première se rattacherait aux premiers efforts du groupe, tandis que la seconde explore de nouvelles pistes musicales avec un son plus aérien.
Le disque débute donc par cinq brûlots emo, dans la plus pure tradition du groupe. La voix de Geoff Rickley, toujours légèrement fausse (un trait qui contribue grandement au charme de Thursday), atteint régulièrement la limite de la rupture. Ainsi, la superbe "Sugar In The Sacrament" accumule une tension très forte, pour la relâcher finalement dans un chant désespéré. Notons également "We Will Overcome", qui, malgré une structure somme-toute basique, possède des choeurs à couper le souffle.
L'instrumentale "Arc-Lamps, Signal Flares, A Shower Of White" agit comme un trait d'union, révélant clairement le clavier du sixième membre. Et introduit cinq autres pistes plus rock et aériennes. Le groupe aurait d'ailleurs beaucoup écouté le post-rock d'Explosions In The Sky pendant l'enregistrement de cet album. D'ailleurs, la guitare lointaine de "Running From The Rain" m'évoque les mélodies des anglais d'Oceansize. "The Lovesong Writer" illustre assez bien le nouveau son du groupe : utilisation d'un piano, flirt avec la new-wave, et break bluffant d'intensité.
La dernière piste, "Autumn Leaves Revisited", est une petite pépite sonore : 7 minutes de mélodies fugaces entrecoupées de magnifiques montées en puissance. C'est assurément l'un des meilleurs titres que le groupe n'ait jamais composé.
Cet album presque sans reproche n'est par contre absolument pas servi par la production de Dave Fridmann. Même si les divers arrangements sont agréables, le son des guitares est malheureusement trop brouillon, trop saturé. Mais Thursday a peut-être décidé de se démarquer des autres groupes emo en adoptant des sonorités plus brutes.
Thursday nous procure encore beaucoup de bonheur avec A City By The Light Divided. Plus difficile d'accès que les précédents albums, il mérite néanmoins quelques écoutes attentives pour apprécier toutes ses subtilités. Le groupe prouve par ailleurs sa capacité à créer des albums qui ne se ressemblent pas.
A écouter : "Sugar In The Sacrament", "We Will Overcome", "Telegraph Avenue Kiss", "The Lovesong Writer", "Autumn Leaves Revisited".
Mais les six musiciens du New Jersey ne déçoivent pas. A City By The Light Divided est un album de qualité, qui se divise aisément en deux parties. La première se rattacherait aux premiers efforts du groupe, tandis que la seconde explore de nouvelles pistes musicales avec un son plus aérien.
Le disque débute donc par cinq brûlots emo, dans la plus pure tradition du groupe. La voix de Geoff Rickley, toujours légèrement fausse (un trait qui contribue grandement au charme de Thursday), atteint régulièrement la limite de la rupture. Ainsi, la superbe "Sugar In The Sacrament" accumule une tension très forte, pour la relâcher finalement dans un chant désespéré. Notons également "We Will Overcome", qui, malgré une structure somme-toute basique, possède des choeurs à couper le souffle.
L'instrumentale "Arc-Lamps, Signal Flares, A Shower Of White" agit comme un trait d'union, révélant clairement le clavier du sixième membre. Et introduit cinq autres pistes plus rock et aériennes. Le groupe aurait d'ailleurs beaucoup écouté le post-rock d'Explosions In The Sky pendant l'enregistrement de cet album. D'ailleurs, la guitare lointaine de "Running From The Rain" m'évoque les mélodies des anglais d'Oceansize. "The Lovesong Writer" illustre assez bien le nouveau son du groupe : utilisation d'un piano, flirt avec la new-wave, et break bluffant d'intensité.
La dernière piste, "Autumn Leaves Revisited", est une petite pépite sonore : 7 minutes de mélodies fugaces entrecoupées de magnifiques montées en puissance. C'est assurément l'un des meilleurs titres que le groupe n'ait jamais composé.
Cet album presque sans reproche n'est par contre absolument pas servi par la production de Dave Fridmann. Même si les divers arrangements sont agréables, le son des guitares est malheureusement trop brouillon, trop saturé. Mais Thursday a peut-être décidé de se démarquer des autres groupes emo en adoptant des sonorités plus brutes.
Thursday nous procure encore beaucoup de bonheur avec A City By The Light Divided. Plus difficile d'accès que les précédents albums, il mérite néanmoins quelques écoutes attentives pour apprécier toutes ses subtilités. Le groupe prouve par ailleurs sa capacité à créer des albums qui ne se ressemblent pas.
A écouter : "Sugar In The Sacrament", "We Will Overcome", "Telegraph Avenue Kiss", "The Lovesong Writer", "Autumn Leaves Revisited".
Très bon 16/20
Posté le 22 janvier 2010 à 17 h 31 |
Il y a certaines choses qu'il ne faut pas passer sous silence. L'horreur de la Shoah, le prix exorbitant des chips au vinaigre et la prod' de Dave Fridmann sur cet album. Plus habitué à produire des popeux un peu nébuleux, genre Flaming Lips ou Sparklehorse, le gus orchestre ici une production étrange, bancale mais qui, au final, donne un charme fou à l'album. Concrètement, les parties instrumentales sont ici hyper brouillonnes, brutes de décoffrage, alors même que les parties vocales sont aussi chiadées que sur un disque de Britney Spears. Ce qui me valut d'ailleurs de payer au plus vite le cd au prix fort à la FNAC du coin, croyant à l'intime défection de ma version téléchargée... en vain. Le contraste, cependant est saisissant et ouvre de nouvelles perspectives.
Quid, de la musique sinon? Les gentils fils à papa responsables d'un des plus grands fléaux du tout début du IIIème millénaire, soit la mode émo/mascara-rebels, ont sans doute enregistré là leur meilleur album. La rage (post?) adolescente y est ici magnifiée. Geoff Rickly en fait un milliard de fois trop, mais c'est comme si il n'en faisait pas assez. Les sentiments sont exacerbés, A City By The Light Divided est un disque que l'on vit à fond, ou qu'on ne vit pas. Sans jamais tomber dans le travers du pur étalage technique (m'est avis que ces natifs du New Jersey en seraient de toutes façons incapables), les différents morceaux sont des mines de trouvailles. En faire la liste serait extrêmement long... c'est pourquoi je décide de la faire (et j'emmerde la concordance de temps). Pour les flemmars, vous pouvez sauter 11 paragraphes (c'est vraiment ce que je ferais à votre place).
L'introductif "The Other Side of The Crash" rend complètement obsolète la notion de couplets/refrains, montre le bond en avant de ces jeunots, servi par un travail d'arrangement extrêmement riche. Rickly y montre une fois de plus son obsession pour la métaphore de l'accident de la route, mêle considérations purement personnelles et diatribes existentielles. En introduction, un bruit sourd monte doucement et aboutit à un crachat de guitares pourtant éminemment mélodique. Rapidement, la luxuriance des arrangements (xylophone à l'avenant) dévoile un Thursday nouveau. Le rythme est enlevé, la voix de Rickly s'envole. Puis arrivent cette guitare rythmique, secondée par une volée d'arpèges lumineux. "In The Other Side of The Crash" est un appel à regarder la réalité en face. Puis l'accident arrive, le bruit des cymbales fait s'écrouler le morceau. Qui repart sur de nouvelles bases, piano en renfort. Le morceau se termine en apothéose, mouchoirs sortis. A la fois une injonction à courir vers l'inconnu et une perte de repères. Le désespoir n'a jamais semblé aussi lumineux.
Le très mélodique "5-4-3-2-1" est plus classique, et pourrait marcher sur NRJ, si la France avait suivi avec autant de ferveur la mode émo que les ricains, et si le son de gratte n'était pas aussi brouillon. Rickly veut cette fois brûler une ville, et bien que l'acte semble à fortiori fortement contreproductif, on a presque envie de l'accompagner, cocktail Molotov en main. Que dire du pont tout en contrepoint vocaux.
Les questionnements métaphysiques de "Sugar In The Sacrement" permettent un pic d'émotion. La montée est cette fois progressive, la batterie tout en roulements. Sur quelques vers, Rickly montre ses talents de poètes, notamment lorsqu'il évoque la foi qu'il aurait découvert dans le jardin de son père, ou quand il compare le corps d'une amante au sucre se dissolvant... Je pense évidemment à Chino Moreno sur ce refrain, en forme de cri du dauphin devant l'éternel. Une fois de plus, le morceau s'interrompt à son apogée et remonte doucement (voilà un des passages témoins de la tentative de Thursday de faire du post-rock suite à leur découverte de Mogwai et consort. A City By The Light Divided était même prévu, initialement comme un dique post-rock!). Rickly s'arrache la voix, tente de nous convaincre de la grandeur de Dieu, sans doute, et même le plus averti des athées que je suis croit en Dieu pendant 20 secondes.
Vient le single "At This Velocity", qui est finalement le morceau le plus vénère de l'album. Un des rares où ressurgissent les fameux chœurs hurlés, pompés éhontément à gogo par des milliers de groupes sans aucune imagination. Le rythmes tendus, et les riffs secs rappellent les grandes heures de At The Drive-In, les meilleurs morceaux de Relations of Commandship. Rappellons d'ailleurs que Thursay à commencer en tournant avec les half-chicanos, et leur style leur doit beaucoup, même si ils ont su le transcender pour encore plus d'émotion. At The Drive-In, précurseurs de l'émo new school, et Thursday fondateur, que ça soit dit. Le reste est imposture. Bref, "At This Velocity" condamne avec naïveté mais avec sincérité les excès du capitalisme. Le passage batterie/voix donne l'occasion à Rickly de dire ce qu'il pense de la marchandisation du monde, le monde étant comparé à un avion filant droit dans le mur (il faut voir le clip dudit morceau pour bien filer la métaphore). Le single se termine alors dans un sentimentalisme malsain, mélangeant dissonances et amour familial. Thursday ont sans doute sorti le morceau le moins radiophonique en single, et rien que ça démonte la théorie à priori imparable selon laquelle les mèches sont un facteur de non-rock'n'rollitude intégrale.
"We Will Overcome" aurait dû être le single de la gloire. Sa mélodie simple mais poignante tout en power chords, son synthé en guise de flûte et ses paroles limpides condamnant sans ambiguïté la seconde guerre d'Irak (toujours via une approche micro-psychologique du problème) malgré une verve poétique indémontable, son refrain arrivant dès les 30 premières secondes étant autant d'éléments probants et potentiellement facteurs de succès. Quoi qu'il en soit, le morceau est monstrueux d'efficacité et de conviction.
Puis vient le morceau de transition, instrumental, entre une première partie finalement assez classiquement émocore (même si il s'agit probablement des meilleurs morceaux jamais composés pour le genre) vers une partie plus mélodique, calme et atypique. En gros, "Arc - Lamp, Signal Flares, A Shower of White (The Light)", c'est un beat proto-hip hop, une mélodie simple mais belle à l'orgue puis une saturation grandissante qui évoque un mélange naïf de Mogwai et d'Explosions in The Sky. Ou de Sigur Ros, ça se tient aussi.
L'enchainement se fait alors sur ce que je considère comme le morceau le plus faiblard de l'album, qui commence par des guitares cristallines qu'on jureraient samplé de The Earth Is Not A Dead Cold Place des Texans d'Explosions in The Sky, avant se transformer en ballade doucâtre qui rappelle un peu, dans l'ambiance, le clip de Kyo où l'on voit un jeune collégien courir dans les couloirs de son école, car c'est dur d'être un sans ami. Enfin, si on transpose cette scène sous la pluie (oui, le morceau s'appelle "Running From The Rain").
"Telegraphe Kis"s Avenue commence comme un morceau de Bloc Party (remember la passion de Thursday pour tout le post-punk, sans Cure en tête, probablement), gorgés d'effets électroniques de bon aloi. Puis arrive cette guitare urgente, et cette ligne de basse chaleureuse. Méconnu, le morceau repose sur des multiples changements de climax, et notamment sur un changement de rythme. Le pont final, vaut lui aussi son pesant de cacahouète, xylophone de retour et ligne de basse new wave, servi par un jeu de batterie groovy.
"The Lovesong Writer" est ensuite une ballade avouée dont les premiers arpèges rappellent l'intro d'"A.T.W.A" de System of A Down, avant le chant ne prenne des allures de Freddy Mercury émotif (ce "Can anyone hear me now?"). La rythmique ternaire nous entraîne dans la valse qu'est cette mémorable chanson d'amour, véritable danse de la vie dans tout ce qu'elle peut montrer aux yeux les plus émerveillés. A passer dans tous les bals de village, inévitablement.
Secondés, ce me semble, par les hardcoreux chaotiques de Converge, Thursday redélivre un morceau un peu tranchant. "Into The Blinding Light", nouvel appel à l'aide. Le morceau garde un côté urgent avant de finir dans un maëlstrom de bruit (je déconseille l'écoute au casque à fond du final, quoique, le bruit perçant s'arrête juste avant de devenir insoutenable, mais de peu).
Puis vient la vraie ballade, "Autumn Leaves Revisited", qui conclue l'album avec Maestria (on a tout de même du mal à voir le rapport avec l'ultra classique de jazz, "Autumn Leaves", joué par tous les plus grands, et dont le thème est tiré d'un vieux morceau français made in Saint-Germains). Guitare acoustique sortie, joli arpège et rythme une fois de plus ternaire sont les ingrédients de ce morceau qui se termine par une montée post-rock revitalisé, à l'heure où le genre commençait sérieusement à tourner en rond.
En résumé, A City By the Light divided est finalement un album qu'on peut diviser en deux faces. Une première relativement classique mais essentielle, revivifiante, un véritable catharsis qui mêlent nos questionnement métaphysiques à un désabusement politique. Dans sa seconde part, Rickly et consorts, explorent d'avantage les sentiments humains dans ce qu'ils ont de plus viscéral, et quoi de plus viscéral que le désespoir amoureux. A City By the Light divided est un album dense, que ça soit émotionnellement ou structurellement, gorgés d'idées et de tripes. Il est, à mon sens, l'album d'une génération déboussolée. Derrière cet artwork urbain mais lumineux se cache en fait un disque vital. Urbain mais profondément ancré au plus profond des cœurs, il est finalement la quintessence d'une existence bafouée. Oulà, je suis véritablement en train de me transformer en émo, méa culpa.
Quid, de la musique sinon? Les gentils fils à papa responsables d'un des plus grands fléaux du tout début du IIIème millénaire, soit la mode émo/mascara-rebels, ont sans doute enregistré là leur meilleur album. La rage (post?) adolescente y est ici magnifiée. Geoff Rickly en fait un milliard de fois trop, mais c'est comme si il n'en faisait pas assez. Les sentiments sont exacerbés, A City By The Light Divided est un disque que l'on vit à fond, ou qu'on ne vit pas. Sans jamais tomber dans le travers du pur étalage technique (m'est avis que ces natifs du New Jersey en seraient de toutes façons incapables), les différents morceaux sont des mines de trouvailles. En faire la liste serait extrêmement long... c'est pourquoi je décide de la faire (et j'emmerde la concordance de temps). Pour les flemmars, vous pouvez sauter 11 paragraphes (c'est vraiment ce que je ferais à votre place).
L'introductif "The Other Side of The Crash" rend complètement obsolète la notion de couplets/refrains, montre le bond en avant de ces jeunots, servi par un travail d'arrangement extrêmement riche. Rickly y montre une fois de plus son obsession pour la métaphore de l'accident de la route, mêle considérations purement personnelles et diatribes existentielles. En introduction, un bruit sourd monte doucement et aboutit à un crachat de guitares pourtant éminemment mélodique. Rapidement, la luxuriance des arrangements (xylophone à l'avenant) dévoile un Thursday nouveau. Le rythme est enlevé, la voix de Rickly s'envole. Puis arrivent cette guitare rythmique, secondée par une volée d'arpèges lumineux. "In The Other Side of The Crash" est un appel à regarder la réalité en face. Puis l'accident arrive, le bruit des cymbales fait s'écrouler le morceau. Qui repart sur de nouvelles bases, piano en renfort. Le morceau se termine en apothéose, mouchoirs sortis. A la fois une injonction à courir vers l'inconnu et une perte de repères. Le désespoir n'a jamais semblé aussi lumineux.
Le très mélodique "5-4-3-2-1" est plus classique, et pourrait marcher sur NRJ, si la France avait suivi avec autant de ferveur la mode émo que les ricains, et si le son de gratte n'était pas aussi brouillon. Rickly veut cette fois brûler une ville, et bien que l'acte semble à fortiori fortement contreproductif, on a presque envie de l'accompagner, cocktail Molotov en main. Que dire du pont tout en contrepoint vocaux.
Les questionnements métaphysiques de "Sugar In The Sacrement" permettent un pic d'émotion. La montée est cette fois progressive, la batterie tout en roulements. Sur quelques vers, Rickly montre ses talents de poètes, notamment lorsqu'il évoque la foi qu'il aurait découvert dans le jardin de son père, ou quand il compare le corps d'une amante au sucre se dissolvant... Je pense évidemment à Chino Moreno sur ce refrain, en forme de cri du dauphin devant l'éternel. Une fois de plus, le morceau s'interrompt à son apogée et remonte doucement (voilà un des passages témoins de la tentative de Thursday de faire du post-rock suite à leur découverte de Mogwai et consort. A City By The Light Divided était même prévu, initialement comme un dique post-rock!). Rickly s'arrache la voix, tente de nous convaincre de la grandeur de Dieu, sans doute, et même le plus averti des athées que je suis croit en Dieu pendant 20 secondes.
Vient le single "At This Velocity", qui est finalement le morceau le plus vénère de l'album. Un des rares où ressurgissent les fameux chœurs hurlés, pompés éhontément à gogo par des milliers de groupes sans aucune imagination. Le rythmes tendus, et les riffs secs rappellent les grandes heures de At The Drive-In, les meilleurs morceaux de Relations of Commandship. Rappellons d'ailleurs que Thursay à commencer en tournant avec les half-chicanos, et leur style leur doit beaucoup, même si ils ont su le transcender pour encore plus d'émotion. At The Drive-In, précurseurs de l'émo new school, et Thursday fondateur, que ça soit dit. Le reste est imposture. Bref, "At This Velocity" condamne avec naïveté mais avec sincérité les excès du capitalisme. Le passage batterie/voix donne l'occasion à Rickly de dire ce qu'il pense de la marchandisation du monde, le monde étant comparé à un avion filant droit dans le mur (il faut voir le clip dudit morceau pour bien filer la métaphore). Le single se termine alors dans un sentimentalisme malsain, mélangeant dissonances et amour familial. Thursday ont sans doute sorti le morceau le moins radiophonique en single, et rien que ça démonte la théorie à priori imparable selon laquelle les mèches sont un facteur de non-rock'n'rollitude intégrale.
"We Will Overcome" aurait dû être le single de la gloire. Sa mélodie simple mais poignante tout en power chords, son synthé en guise de flûte et ses paroles limpides condamnant sans ambiguïté la seconde guerre d'Irak (toujours via une approche micro-psychologique du problème) malgré une verve poétique indémontable, son refrain arrivant dès les 30 premières secondes étant autant d'éléments probants et potentiellement facteurs de succès. Quoi qu'il en soit, le morceau est monstrueux d'efficacité et de conviction.
Puis vient le morceau de transition, instrumental, entre une première partie finalement assez classiquement émocore (même si il s'agit probablement des meilleurs morceaux jamais composés pour le genre) vers une partie plus mélodique, calme et atypique. En gros, "Arc - Lamp, Signal Flares, A Shower of White (The Light)", c'est un beat proto-hip hop, une mélodie simple mais belle à l'orgue puis une saturation grandissante qui évoque un mélange naïf de Mogwai et d'Explosions in The Sky. Ou de Sigur Ros, ça se tient aussi.
L'enchainement se fait alors sur ce que je considère comme le morceau le plus faiblard de l'album, qui commence par des guitares cristallines qu'on jureraient samplé de The Earth Is Not A Dead Cold Place des Texans d'Explosions in The Sky, avant se transformer en ballade doucâtre qui rappelle un peu, dans l'ambiance, le clip de Kyo où l'on voit un jeune collégien courir dans les couloirs de son école, car c'est dur d'être un sans ami. Enfin, si on transpose cette scène sous la pluie (oui, le morceau s'appelle "Running From The Rain").
"Telegraphe Kis"s Avenue commence comme un morceau de Bloc Party (remember la passion de Thursday pour tout le post-punk, sans Cure en tête, probablement), gorgés d'effets électroniques de bon aloi. Puis arrive cette guitare urgente, et cette ligne de basse chaleureuse. Méconnu, le morceau repose sur des multiples changements de climax, et notamment sur un changement de rythme. Le pont final, vaut lui aussi son pesant de cacahouète, xylophone de retour et ligne de basse new wave, servi par un jeu de batterie groovy.
"The Lovesong Writer" est ensuite une ballade avouée dont les premiers arpèges rappellent l'intro d'"A.T.W.A" de System of A Down, avant le chant ne prenne des allures de Freddy Mercury émotif (ce "Can anyone hear me now?"). La rythmique ternaire nous entraîne dans la valse qu'est cette mémorable chanson d'amour, véritable danse de la vie dans tout ce qu'elle peut montrer aux yeux les plus émerveillés. A passer dans tous les bals de village, inévitablement.
Secondés, ce me semble, par les hardcoreux chaotiques de Converge, Thursday redélivre un morceau un peu tranchant. "Into The Blinding Light", nouvel appel à l'aide. Le morceau garde un côté urgent avant de finir dans un maëlstrom de bruit (je déconseille l'écoute au casque à fond du final, quoique, le bruit perçant s'arrête juste avant de devenir insoutenable, mais de peu).
Puis vient la vraie ballade, "Autumn Leaves Revisited", qui conclue l'album avec Maestria (on a tout de même du mal à voir le rapport avec l'ultra classique de jazz, "Autumn Leaves", joué par tous les plus grands, et dont le thème est tiré d'un vieux morceau français made in Saint-Germains). Guitare acoustique sortie, joli arpège et rythme une fois de plus ternaire sont les ingrédients de ce morceau qui se termine par une montée post-rock revitalisé, à l'heure où le genre commençait sérieusement à tourner en rond.
En résumé, A City By the Light divided est finalement un album qu'on peut diviser en deux faces. Une première relativement classique mais essentielle, revivifiante, un véritable catharsis qui mêlent nos questionnement métaphysiques à un désabusement politique. Dans sa seconde part, Rickly et consorts, explorent d'avantage les sentiments humains dans ce qu'ils ont de plus viscéral, et quoi de plus viscéral que le désespoir amoureux. A City By the Light divided est un album dense, que ça soit émotionnellement ou structurellement, gorgés d'idées et de tripes. Il est, à mon sens, l'album d'une génération déboussolée. Derrière cet artwork urbain mais lumineux se cache en fait un disque vital. Urbain mais profondément ancré au plus profond des cœurs, il est finalement la quintessence d'une existence bafouée. Oulà, je suis véritablement en train de me transformer en émo, méa culpa.
Exceptionnel ! ! 19/20
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