Slowdive
Morningrise |
Label :
Creation |
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Sur ce premier maxi légendaire paru sur Creation, regroupant trois titres ("Morningrise", "She Calls" et "Losing Today"), la formation anglaise signe des compositions sublimes et éblouissantes dans leur légèreté. Alliant une extrême douceur dans le ton, voire une certaine nonchalance romantique, avec une exubérance sonore virant à la surcharge d'effets, la musique de Slowdive devient vite confondante. D'autant que les structures étirées, presque volontairement neurasthénique, sèment le trouble et embrouillent les pistes, pour ne conserver que finesse, luxe et magie.
Encore plus audacieux, plus radicaux et sans doute plus perturbés que ses contemporains, Slowdive réussit à créer une musique unique et jamais égalée depuis. Comme beaucoup, le groupe s'inscrivait dans un courant musical appelé shoegazing, mais le porta vite aux nues pour faire de son oeuvre la plus incroyable et belle déposition jamais faite de beauté absolue.
Face à la pléthore de formations, comme Chapterhouse, Secret Shine ou Blind Mr Jones -mais la liste est beaucoup plus longue-, qui s'adonnèrent à ce mouvement (qui regroupait aussi des maisons de disque et des producteurs attitrés sur une courte période, étalée autour de la première moitié des années 90), on les regroupa vite sous la bannière du shoegazing, en référence à leur attitude rigide sur scène et leur tendance à regarder leurs pieds. Les mauvaises langues iront même jusqu'à dire qu'il ne pouvait s'empêcher de regarder leurs guitares, faute de pouvoir aligner trois accords de suite. C'est à moitié faux, le leader de Slowdive déclarant être incapable de reproduire ses chansons à la guitare sèche.
Car les membres du courant shoegaze étaient avant tout des imprimeurs d'ambiances. Un univers unique en son genre, riche et très profond où l'on côtoie souvent le sublime avec l'irréel.
Les guitares ont la part belle et l'hyper-saturation est de mise pour créer un véritable mur du son dont il est très difficile de s'extraire sans être marqué à jamais. Mais faire du bruit ne signifie pas toujours jouer vite ou avec fracas. Chez Slowdive, justement, ce qui prime relève plutôt de la texture, chargée, poussant au confinement et très majestueux. L'ensemble est finement travaillé et au service de chansons impeccables, au charme intemporel où la grâce se dispute au divin. Hautement mélodique, très lente et vaporeuse, la poésie est au rendez-vous, conférant aux titres un éther doux et suave, saveur garantie par des voix caractéristiques (et empreintes de ce style shoegazing quasi révolu), très éthérée et presque angélique, celle de Neil Halstead et de la divine Rachel Goswell. A l'extrême opposé de la violence instrumentale environnante, elles tirent vers des sommets d'élégance trouble et fragile. Les structures classiques couplet-refrain sont abandonnées, pour mieux entraîner l'auditeur vers un tourbillon et le perdre dans le chamboulement émotionnel que provoque cette vague remuante. On reste souvent ébloui par tant de vigueur lié à un raffinement infini. On a sans cesse l'impression de côtoyer la féerie.
Si cette musique trouve autant de résonances, c'est qu'elle met en exergue à la fois la part de rêve et de fantasme qui est propre à chacun, comme l'intensité et l'empressement à les désirer. Le shoegazing et ses hymnes romantiques mettent en scène l'incertitude des passions, capables de souhaiter ce qu'il y a de plus honorable comme de se laisser assujettir par un sadisme auto-destructeur. Cette quête de la beauté absolue se trouve rompue suite à l'écrasante vérité de sa non prise dans la réalité. Cette musique est à la fois une revendication du Beau, comme elle est un refuge contre la laideur du réel. Elle est vue pour ce qu'elle est : non pas une réponse, mais un questionnement sans cesse renouvelé. Le céleste se trouve en choc frontal avec la hargne pour que la résultante soit aussi riche que possible. Dans les nuances, l'incertitude, l'absence de parti pris pour l'un ou pour l'autre, on découvre, émerveillé, un ton extraordinaire, profond et dont la grâce dépasse l'entendement.
Echo de la lutte émotionnel qui nous habite, des injustices et des paradoxes des conditions, Morningrise, avec ces voix légères et ce son exténuant, se rapproche au plus juste du discours artistique, placé comme une épuration de l'expression humaine, toute en contradiction. Plein de doutes, d'aspirations et de part de rêve, le cœur se veut un bouillonnement intense. Etre touché ainsi se veut la preuve que cette musique colle au plus prés de la mélancolie, ce sentiment qui n'existe pas en tant que tel mais qui est la somme de deux sentiments contraires (ce n'est pas une forme de tristesse, contrairement à ce que l'on définit en général, mais une alternance entre un optimisme et un pessimisme).
Passant du rire aux larmes sans savoir pourquoi, mais sans non plus essayer de comprendre, certains esprits se laissent séduire par cette musique qui reconnaît l'importance de l'ambiguïté qui nous compose tous. On se prend alors à s'interroger, à s'imaginer des futurs qui n'existeront jamais en dehors de ce que la musique nous fait ressentir et, par un miracle, on se sent vibrer de toute part.
Car l'important, ici est ce qui est éprouvé, sensations qui nous renvoient non pas à ce que nous sommes sur l'instant, mais juste sur le simple fait que nous sommes justement à l'instant, ce qui est déjà beaucoup. Mais cette mise en abîme, loin d'être évidente, est difficilement rendue accessible par un style musical qui lui-même n'était pas sûr de son identité. Sans mission, sans revendication autre que celle d'exister, elle n'a pas su trouver de support et d'écho pour se supporter. Obligé d'évoluer pour survivre mais condamner d'autre part à rester fidèle à lui-même, le shoegazing resta donc une affaire d'éternels autistes, plus préoccupés par leur trouble intérieur que par un obligatoire impact sur les gens.
On critiqua d'ailleurs beaucoup Slowdive, à cause de leur refus des régles de la pop et du mercantilisme, d'être soit trop radicaux, soit trop flous dans leur message.
Seulement aucune réponse, aucune révélation n'est à attendre de ces morceaux. Ils ne servent que de tremplin pour un voyage contemplatif, paresseux et flémard, qui flirte avec le sensible pur et véritable, celui qui met tous les sens en avant ...
Encore plus audacieux, plus radicaux et sans doute plus perturbés que ses contemporains, Slowdive réussit à créer une musique unique et jamais égalée depuis. Comme beaucoup, le groupe s'inscrivait dans un courant musical appelé shoegazing, mais le porta vite aux nues pour faire de son oeuvre la plus incroyable et belle déposition jamais faite de beauté absolue.
Face à la pléthore de formations, comme Chapterhouse, Secret Shine ou Blind Mr Jones -mais la liste est beaucoup plus longue-, qui s'adonnèrent à ce mouvement (qui regroupait aussi des maisons de disque et des producteurs attitrés sur une courte période, étalée autour de la première moitié des années 90), on les regroupa vite sous la bannière du shoegazing, en référence à leur attitude rigide sur scène et leur tendance à regarder leurs pieds. Les mauvaises langues iront même jusqu'à dire qu'il ne pouvait s'empêcher de regarder leurs guitares, faute de pouvoir aligner trois accords de suite. C'est à moitié faux, le leader de Slowdive déclarant être incapable de reproduire ses chansons à la guitare sèche.
Car les membres du courant shoegaze étaient avant tout des imprimeurs d'ambiances. Un univers unique en son genre, riche et très profond où l'on côtoie souvent le sublime avec l'irréel.
Les guitares ont la part belle et l'hyper-saturation est de mise pour créer un véritable mur du son dont il est très difficile de s'extraire sans être marqué à jamais. Mais faire du bruit ne signifie pas toujours jouer vite ou avec fracas. Chez Slowdive, justement, ce qui prime relève plutôt de la texture, chargée, poussant au confinement et très majestueux. L'ensemble est finement travaillé et au service de chansons impeccables, au charme intemporel où la grâce se dispute au divin. Hautement mélodique, très lente et vaporeuse, la poésie est au rendez-vous, conférant aux titres un éther doux et suave, saveur garantie par des voix caractéristiques (et empreintes de ce style shoegazing quasi révolu), très éthérée et presque angélique, celle de Neil Halstead et de la divine Rachel Goswell. A l'extrême opposé de la violence instrumentale environnante, elles tirent vers des sommets d'élégance trouble et fragile. Les structures classiques couplet-refrain sont abandonnées, pour mieux entraîner l'auditeur vers un tourbillon et le perdre dans le chamboulement émotionnel que provoque cette vague remuante. On reste souvent ébloui par tant de vigueur lié à un raffinement infini. On a sans cesse l'impression de côtoyer la féerie.
Si cette musique trouve autant de résonances, c'est qu'elle met en exergue à la fois la part de rêve et de fantasme qui est propre à chacun, comme l'intensité et l'empressement à les désirer. Le shoegazing et ses hymnes romantiques mettent en scène l'incertitude des passions, capables de souhaiter ce qu'il y a de plus honorable comme de se laisser assujettir par un sadisme auto-destructeur. Cette quête de la beauté absolue se trouve rompue suite à l'écrasante vérité de sa non prise dans la réalité. Cette musique est à la fois une revendication du Beau, comme elle est un refuge contre la laideur du réel. Elle est vue pour ce qu'elle est : non pas une réponse, mais un questionnement sans cesse renouvelé. Le céleste se trouve en choc frontal avec la hargne pour que la résultante soit aussi riche que possible. Dans les nuances, l'incertitude, l'absence de parti pris pour l'un ou pour l'autre, on découvre, émerveillé, un ton extraordinaire, profond et dont la grâce dépasse l'entendement.
Echo de la lutte émotionnel qui nous habite, des injustices et des paradoxes des conditions, Morningrise, avec ces voix légères et ce son exténuant, se rapproche au plus juste du discours artistique, placé comme une épuration de l'expression humaine, toute en contradiction. Plein de doutes, d'aspirations et de part de rêve, le cœur se veut un bouillonnement intense. Etre touché ainsi se veut la preuve que cette musique colle au plus prés de la mélancolie, ce sentiment qui n'existe pas en tant que tel mais qui est la somme de deux sentiments contraires (ce n'est pas une forme de tristesse, contrairement à ce que l'on définit en général, mais une alternance entre un optimisme et un pessimisme).
Passant du rire aux larmes sans savoir pourquoi, mais sans non plus essayer de comprendre, certains esprits se laissent séduire par cette musique qui reconnaît l'importance de l'ambiguïté qui nous compose tous. On se prend alors à s'interroger, à s'imaginer des futurs qui n'existeront jamais en dehors de ce que la musique nous fait ressentir et, par un miracle, on se sent vibrer de toute part.
Car l'important, ici est ce qui est éprouvé, sensations qui nous renvoient non pas à ce que nous sommes sur l'instant, mais juste sur le simple fait que nous sommes justement à l'instant, ce qui est déjà beaucoup. Mais cette mise en abîme, loin d'être évidente, est difficilement rendue accessible par un style musical qui lui-même n'était pas sûr de son identité. Sans mission, sans revendication autre que celle d'exister, elle n'a pas su trouver de support et d'écho pour se supporter. Obligé d'évoluer pour survivre mais condamner d'autre part à rester fidèle à lui-même, le shoegazing resta donc une affaire d'éternels autistes, plus préoccupés par leur trouble intérieur que par un obligatoire impact sur les gens.
On critiqua d'ailleurs beaucoup Slowdive, à cause de leur refus des régles de la pop et du mercantilisme, d'être soit trop radicaux, soit trop flous dans leur message.
Seulement aucune réponse, aucune révélation n'est à attendre de ces morceaux. Ils ne servent que de tremplin pour un voyage contemplatif, paresseux et flémard, qui flirte avec le sensible pur et véritable, celui qui met tous les sens en avant ...
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Vic |
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