Rufus Wainwright
Want Two |
Label :
Geffen |
||||
Rufus Wainwright est inclassable. Ce type a une voix incroyable, un univers complexe, entre résurgences d'opéra (Wagner est un de ses compositeurs favoris), pop baroque, opéra de quatre sous; des paroles inventives et très bien ficelées, et il s'est même payé le luxe d'avoir comme producteur-mentor Monsieur Van Dyke Parks en personne pour son premier album.
Mais l'opulence de sa musique peut agacer, surtout quand elle devient outrancière. Want One, le précédent opus du Canadien avait tendance à tomber dans le pompier, avec reprise du boléro de Ravel en morceau d'ouverture, et crise de mégalomanie aigue. On pouvait donc craindre le pire avec l'annonce de Want Two, suite logique et attendue qui devait conclure la série Want.
Heureusement il n'en est rien et Wainwright se permet même de sortir, avec ce quatrième album, son œuvre la plus aboutie. Certains morceaux comme "This Love Affair" ou "The Art Teacher" retrouvent la simplicité des débuts, un piano, sa voix et le tour est joué. D'autres, au contraire, bénéficient d'une production plus étoffée mais toujours pertinente.
Le morceau d'ouverture "Agnus Dei" installe un climat de recueillement comme l'indique son titre. Les références religieuses abondent, Want One le voyait en chevalier sur la pochette, ici c'est en princesse moyen-âgeuse qu'on le retrouve, et en messie gay dans l'album. Le morceau "Gay Messiah" lui vaudra, par ailleurs, d'être interdit dans un grand magasin franchisé outre-atlantique (eh oui on ne plaisante pas là-bas).
Le morceau suivant, "The One I Love", est le single idéal. Une chanson pop qui, dans un monde plus soucieux de respecter la musique, passerait sur toutes les ondes. Le refrain est imparable et des chœurs divins viennent parachever l'ensemble.
Puis arrive "Peach Tree" chanson indolente qui donne vraiment l'impression d'y être, sous cet arbre, tranquillement. "Peach Tree" est ce genre de morceau qui vous remet en mémoire cette phrase : "tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté" de... de qui déjà ?
"Little Sister" est une chanson pour sa sœur Martha Wainwright, présente dans les chœurs sur tous ses albums et qui a signé un premier album très intéressant cette année. Le morceau a des arrangements classiques comme si Wainwright avait envie de se mesurer à Mozart.
Le sommet du disque est sans nul doute "Memphis Skyline". Commencé au piano, le morceau s'enrichit de violons discrets et la voix de Wainwright est plus impériale que jamais. Le pont est magnifique, on a l'impression d'entendre une partition de Debussy. Des cuivres font leur entrée et envoient le morceau (et nous avec) dans les étoiles.
Bref, la palette de Wainwright s'est encore élargie avec ce quatrième album, puisqu'on aura droit à un live dépouillé "The Art Teacher", à un "Waiting For A Dream" un peu psyché, et un final incroyable avec un duo Wainwright / Antony (chanteur extra-terrestre, que le grand Lou Reed a invité lors de sa dernière tournée, et qui a lui aussi sorti un disque magnifique cette année – disque dans lequel Wainwright chante aussi).
Avec ce Want Two plus humble, Wainwright tient là une poignée de chansons d'une grande classe et son meilleur album à ce jour. Vivement la suite.
Mais l'opulence de sa musique peut agacer, surtout quand elle devient outrancière. Want One, le précédent opus du Canadien avait tendance à tomber dans le pompier, avec reprise du boléro de Ravel en morceau d'ouverture, et crise de mégalomanie aigue. On pouvait donc craindre le pire avec l'annonce de Want Two, suite logique et attendue qui devait conclure la série Want.
Heureusement il n'en est rien et Wainwright se permet même de sortir, avec ce quatrième album, son œuvre la plus aboutie. Certains morceaux comme "This Love Affair" ou "The Art Teacher" retrouvent la simplicité des débuts, un piano, sa voix et le tour est joué. D'autres, au contraire, bénéficient d'une production plus étoffée mais toujours pertinente.
Le morceau d'ouverture "Agnus Dei" installe un climat de recueillement comme l'indique son titre. Les références religieuses abondent, Want One le voyait en chevalier sur la pochette, ici c'est en princesse moyen-âgeuse qu'on le retrouve, et en messie gay dans l'album. Le morceau "Gay Messiah" lui vaudra, par ailleurs, d'être interdit dans un grand magasin franchisé outre-atlantique (eh oui on ne plaisante pas là-bas).
Le morceau suivant, "The One I Love", est le single idéal. Une chanson pop qui, dans un monde plus soucieux de respecter la musique, passerait sur toutes les ondes. Le refrain est imparable et des chœurs divins viennent parachever l'ensemble.
Puis arrive "Peach Tree" chanson indolente qui donne vraiment l'impression d'y être, sous cet arbre, tranquillement. "Peach Tree" est ce genre de morceau qui vous remet en mémoire cette phrase : "tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté" de... de qui déjà ?
"Little Sister" est une chanson pour sa sœur Martha Wainwright, présente dans les chœurs sur tous ses albums et qui a signé un premier album très intéressant cette année. Le morceau a des arrangements classiques comme si Wainwright avait envie de se mesurer à Mozart.
Le sommet du disque est sans nul doute "Memphis Skyline". Commencé au piano, le morceau s'enrichit de violons discrets et la voix de Wainwright est plus impériale que jamais. Le pont est magnifique, on a l'impression d'entendre une partition de Debussy. Des cuivres font leur entrée et envoient le morceau (et nous avec) dans les étoiles.
Bref, la palette de Wainwright s'est encore élargie avec ce quatrième album, puisqu'on aura droit à un live dépouillé "The Art Teacher", à un "Waiting For A Dream" un peu psyché, et un final incroyable avec un duo Wainwright / Antony (chanteur extra-terrestre, que le grand Lou Reed a invité lors de sa dernière tournée, et qui a lui aussi sorti un disque magnifique cette année – disque dans lequel Wainwright chante aussi).
Avec ce Want Two plus humble, Wainwright tient là une poignée de chansons d'une grande classe et son meilleur album à ce jour. Vivement la suite.
Excellent ! 18/20 | par Ben kenobi |
Posté le 24 décembre 2005 à 23 h 54 |
Suite logique et lyrique à Want One, Want Two parachève son prédécesseur à grands coups de romantisme mielleux, mixant avec tact les vestiges de la séduction langoureuse et pudique d'antan avec la célérité et la folie de l'amour contemporain. Fidèle à ses racines classiques, c'est le cœur qui est visé et à tout coup touché à chaque élan d'archet, à chaque doigté de piano et surtout à chaque délirement lascif de la voix dépouillée et sinueuse de ce montréalais au talent hors-norme.
Bricoleur pastiche des sentiments amoureux, Rufus étale les soubresauts émotifs de son existence chevrotante tout en livrant sa prose sous un cachet qui tient plus du conte épique que de l'introspection psychologique. Plus mélancolique que ses aînés, Want Two embaume plus souvent qu'à son tour par ses traits olfactifs de regrets ardents ("The Art Teacher"), de passion déchue ("The One You Love"), de confusion du destin ("Hometown Waltz") et laisse traîner tout au long de l'album le spectre d'une désillusion circonspecte. Se complaisant dans sa mornitude, Rufus délaisse ses illusions capitonnées de désirs absolus et se résigne sagement à la solitude (Yesterday I Heard They Cloned A Baby, Now Can I Finally Sleep With Me?).
Tout au long de ce pseudo-opéra pop contemporain, se détache quelques savoureuses ballades dignes de ses plus sublimes compositions dont "Little Sister" et "Old Whore's Diet" qu'il interprète d'ailleurs avec Antony (Antony & the Johnsons). Outrageusement authentique, Want Two s'inscrit comme l'un des premiers albums qui expose le romantisme homosexuel sans avoir la finalité de provoquer mais bien de charmer...
Bricoleur pastiche des sentiments amoureux, Rufus étale les soubresauts émotifs de son existence chevrotante tout en livrant sa prose sous un cachet qui tient plus du conte épique que de l'introspection psychologique. Plus mélancolique que ses aînés, Want Two embaume plus souvent qu'à son tour par ses traits olfactifs de regrets ardents ("The Art Teacher"), de passion déchue ("The One You Love"), de confusion du destin ("Hometown Waltz") et laisse traîner tout au long de l'album le spectre d'une désillusion circonspecte. Se complaisant dans sa mornitude, Rufus délaisse ses illusions capitonnées de désirs absolus et se résigne sagement à la solitude (Yesterday I Heard They Cloned A Baby, Now Can I Finally Sleep With Me?).
Tout au long de ce pseudo-opéra pop contemporain, se détache quelques savoureuses ballades dignes de ses plus sublimes compositions dont "Little Sister" et "Old Whore's Diet" qu'il interprète d'ailleurs avec Antony (Antony & the Johnsons). Outrageusement authentique, Want Two s'inscrit comme l'un des premiers albums qui expose le romantisme homosexuel sans avoir la finalité de provoquer mais bien de charmer...
Très bon 16/20
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