Jack White

Chaque amateur de musique ou presque doit avoir le même type de fantasme d'album hypothétique. Ici, on aurait par exemple aimé un album des Smashing Pumpkins époque 96/97/98 fait de perles pop avec plein de petits "Pennies", "Do You Close Your Eyes" et autres "Let Me Give The World To You". Ou le grand jeu de prendre les albums solos des Beatles de 1970/1971 et imaginer la suite de Abbey Road. Un album de ballades acoustiques de Jack White figurait en bonne place dans cette longue liste et le résultat est hautement satisfaisant. Il est souvent reproché à Jack de faire passer le vernis avant le reste, les concepts avant l'écriture, blâmes ayant pris du poids ces dernières années avec 2 albums s'amusant à construire des châteaux de sable dans le seul but de les détruire en passant dessus en quad une fois achevés. Mais ce vernis –qu'il soit structurel ou sonique- ne cachait ni ne gâchait la qualité de leur écriture, même s'il fallait parfois jouer au spéléologue pour y trouver la grâce.

Aujourd'hui arrive Entering Heaven Alive, album en forme d'oasis sonore pour les fans de Jack White peu versés dans la spéléo. Ambiance rétro, guitares "fingerpickées", cordes effleurées, piano de saloon, comme on le pressentait en écoutant Fear Of The Dawn, un excès dans un sens en cachait un autre opposé. "A Tip From You To Me" ouvre une série de quatre chansons de très haute volée, parmi les plus belles écrites par notre homme et l'on dénombre un peu plus loin encore deux voire trois grandes choses. Avantageusement courtes et efficaces, les compositions oscillent entre ambiance légère ("Queen Of The Bee"), lumineuse ("Help Me Along"), majestueuse ("A Tree On Fire From Within") ou parfois plus enclines à l'introspection ("If I Die Tomorrow") ou à la confession ("Love Is Selfish") et Jack n'oublie pas l'air de rien de tenter des choses ("I've Got You Surrounded" ou "A Madman From Manhattan"). Afin de ne pas pouvoir dissocier ses deux derniers enfants, la conclusion de Entering Heaven Alive répond à l'introduction de Fear Of The Dawn avec "Taking Me Back (Gently)" acoustique délicate et primesautière là où "Taking Me Back" était une furie de riffs, conclusion en forme de clin d'œil : Jack White met tellement de vernis qu'il peut faire deux chansons diamétralement changeantes avec un même squelette. Admirablement, tout va à ce squelette, c'est ce qu'on appelle la classe, ou la grâce.