Charlotte Gainsbourg

IRM

IRM

 Label :     Because / Elektra 
 Sortie :    lundi 07 décembre 2009 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

S'il fallait n'en conseiller qu'un, ce serait certainement celui-ci. Malgré l'admiration de Beck Hansen pour Serge Gainsbourg et l'Histoire de Melody Nelson, le musicien américain a eu la science et l'intelligence de ne pas tomber dans l'hommage trop appuyé ou dans le pompeux pompage d'idées et d'images musicales invoquant l'univers autour de la rue de Verneuil. Au final, IRM serait peut-être même l'album permettant à Charlotte Gainsbourg de n'être que Charlotte, en toute simplicité.

Et étrangement, le titre le plus Gainsbourgeois de l'album, "Le Chat Du Café Des Artistes", est une reprise de Jean-Pierre Ferland, artiste québécois, ayant lancé son album concept un an avant le Serge. Un juste effet des choses revenant comme un boomerang ? Probablement. Une façon de rendre hommage tout en s'écartant de l'ombre trop importante du Papa Chanteur ? Certainement.

La fille et le disciple proposent donc un disque qui passe tout seul, davantage bricolé avec finesse que produit avec emphase (5 :55, Rest...): la réalisation y est ici légère, les chansons sont courtes et les atmosphères variées. La continuité est fluide. Loin de l'univers situé entre le 6e et le 7e arrondissement, Charlotte retrouve une certaine forme de liberté musicale et d'expression (même si, bien entendu, Beck a écrit, composé, arrangé et produit les chansons d'IRM et c'est sans doute sa version / vision de Charlotte qui est relatée ici, selon les propos de la chanteuse elle-même qui prendra davantage de contrôle sur Rest).

La légèreté que nous avons évoquée n'était pourtant pas forcément acquise au départ : sortant d'un tournage avec Lars Von Trier, d'un accident et d'une opération qui auraient pu la faire basculer du mauvais côté de la tartine de l'existence ("IRM" et "Master's Hands" évoquent ces moments particuliers), la couleur de l'album aurait effectivement pu vite sombrer du côté du pathos boursouflé avec cordes d'orchestre et cordes pour se pendre. Heureusement, il n'en fut rien. Ce fut plutôt même l'occasion de se débarrasser du superflu et d'amorcer un nouveau départ, avec conscience et sérénité. Inutile de se prendre la tête de chou, IRM sera un album spontané et naturel.
Enregistré sous le soleil californien, les trois-quarts des titres seront chantés en anglais ("Voyage", "Le Chat du Café Des Artistes" et le sublime "La Collectionneuse" reprenant la poésie d'Apollinaire étant les titres en Français). Les chansons choisiront plutôt les rythmes déstructurés ou fignolés au lieu des cordes pour mieux coller au chant de Charlotte, et elles seront le plus souvent vêtues de guitares acoustiques aériennes et bariolées ("Master's Hands", "Me And Jane Doe", " Heaven Can Wait"...).
Les singles se révèlent non pas être plus faibles par rapport à l'ensemble mais plus dispensables : "Time Of The Assassins" est le plus radiophonique, et même s'il est bien troussé, peine à transporter. Quant à "Heaven Can Wait", on est davantage dans l'occasion de faire un duo officiel avec Beck (qui néanmoins assure pas mal de chœurs sur le reste du disque), là encore bien fichu et ayant la qualité de prendre de la distance avec les évènements douloureux qui ont frappé Charlotte Gainsbourg, mais qui ne fonctionne qu'en tant que tel. Le reste est bien plus captivant.
Captivant par surprise tout d'abord avec l'enchaînement "Trick Pony" / "Greenwich Mean Time", affichant des tonalités plus Rock. Le premier rôde du côté de The Kills, avec ses coups de butoirs et ses effets cradingues sur les voix et les guitares, tandis que le second nous emmène, sans dire que c'est du Sonic Youth, vers des territoires plus expérimentaux, où le bizarre permet d'alléger l'urgence sous-jacente. Ce côté un peu plus sauvage s'offrira également le dernier mot avec "Looking Glass Blues" qui clôt l'album en Bonus Track, un blues un peu sale et décontracté justement, bienvenu pour terminer sur une note plus légère.
IRM est aussi hypnotique sur le fatal "Le Chat Du Café Des Artistes", et ses arrangements Nelsoniens du côté obscur de la force sont sur un fil tendu prêt à craquer du début à la fin, s'abandonnant dans une batterie à bout de souffle tandis que Charlotte conte avec angoisse et détachement, tout en se l'appropriant, le texte original de Jean-Pierre Ferland. Plus loin, à l'achèvement du disque, c'est au tour du mélancolique et fascinant "La Collectionneuse" de nous emporter avec son piano en fausses variations, sa basse sourde et sa litanie désabusée ("J'ai eu le courage de regarder en arrière. Les Cadavres de Mes Jours..."). Une splendeur crépusculaire, tout simplement, mais dont la production parvient paradoxalement à nous sortir, sans que l'on tombe dans un trou noir.
Cohérent de bout en bout, avec ses variations sur le même thème, IRM présente également l'avantage d'être plus diversifié et de ne pas s'attarder tout en prenant son temps. On alterne les ambiances, on se laisse aller au gré du vent : qu'il soit fort dans "Voyage" ou qu'il nous berce dans "Me And Jane Doe", on passe d'un dégradé à l'autre, avec cette lumière plein d'étoiles dans la nuit.

Hautement recommandable donc, IRM a le mérite d'offrir d'autres écrins musicaux à Charlotte Gainsbourg. Ici, la production est soignée sans être pompeuse, les révérences ne sont pas faites avec zèle et une étape supplémentaire vers l'émancipation artistique a été franchie.


Excellent !   18/20
par Machete83


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