Screaming Trees
Anthology: SST Years 1985–1989 |
Label :
SST |
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Anthology: SST Years 1985–1989 revient sur les jeunes années des Screaming Trees, alors composés des frères Van et Gary Lee Conner et des deux Mark, Lanegan et Pickerel. Les titres retenus pour cette compilation parue en juillet 1991 témoignent, comme son nom l'indique, de la période où le groupe était signé sur le fameux label californien SST, fondé par le non moins célèbre Greg Ginn, la tête pensante de Black Flag. Ce label fut partie prenante dans l'émergence du rock alternatif américain des années 80, permettant à des groupes comme Minutemen, Hüsker Dü, les Meat Puppets, Soundgarden, Sonic Youth, ou encore Dinosaur Jr (la crème de la crème en quelques mots) de sortir leurs premiers albums. Et ce fut donc également le cas des Screaming Trees au milieu de ces mêmes années 80.
Les deux premières sorties du groupe, l'EP Other Worlds (1985) et leur premier LP Clairvoyance (1986), tous deux produits par Steve Fisk (qui travailla, entre autres, avec Beat Happening, Soundgarden, Nirvana, Mary Lou Lord, The Afghan Whigs, Mudhoney, toujours la crème), furent enregistrés aux Velvetone Studios de leur ville d'Ellensburg dans l'État de Washington et sortirent sur le label Velvetone Records, ces deux entités étant alors gérées par Sam Albright, ami personnel de Fisk. Et si Other Worlds fut réédité en 1988 par SST en CD et vinyle (le pressage initial ayant uniquement eu lieu sous forme de cassette) et que l'on en retrouve par conséquent des titres sur la compilation qui nous occupe ici (au nombre de trois), Clairvoyance ne connut pas un tel égard et cela explique la raison pour laquelle aucun morceau de cet album n'y figure (si l'on excepte le morceau "The Turning", que l'on retrouve sur les deux sorties). Ceci est bien dommage, car nous aurions pu bénéficier d'un panorama complet de la période pré-major du groupe. Autrement, des extraits de tous les autres disques de cette époque, Even If and Especially When (1987), Invisible Lantern (1988) et Buzz Factory (1989), sont évidemment présents (six par album), puisque parus chez SST. Mais passons sur cette réserve mineure pour nous concentrer sur l'essentiel, la musique.
La principale vertu de cette Anthology est de nous faire entendre l'évolution des Screaming Trees en tant que musiciens et songwriters durant cette deuxième partie des 80's. On les voit débuter avec cette espèce de pop-rock bordélique, insouciante et fraîche, des premiers titres, aux contours psychédéliques, très marquée par les 60's (irrésistible "Barriers" tirée de Other Worlds, mais aussi "Transfiguration" issu de Even If ou encore "Smokerings" de Invisible Lantern), marques d'un groupe jeune et totalement décomplexé avide de jouer du rock. Les Trees mélangent leur mixture à des influences garage et punk qui s'affirment au fil que le disque avance ("Ivy" sur Invisible Lantern, où Lanegan impressionne déjà vocalement par ses éructations primales). Le groupe se permet de lâcher quelques perles, toujours venant d'Invisible Lantern : l'audacieuse balade "Grey Diamond Desert", rehaussée d'un piano fantomatique joué par Fisk, les excellentes "Night Comes Creeping" et "Invisible Lantern", qui balancent bien comme il faut, les solos de Gary Lee étant particulièrement acérés.
Les extraits de Buzz Factory sont plus sombres, un peu moins exaltés dans leur interprétation, peut-être plus introspectifs, mais mieux écrits et davantage maîtrisés que les compositions du début. Le son, assuré par le légendaire Jack Endino (je vous épargne son glorieux CV) donne un cachet "grunge-Sub Pop-made in Seattle" à l'ensemble de ces ultimes titres, qui dégagent une obscure flamboyance. Ce rendu sonore tranche fortement avec les précédentes productions plus claires tout autant qu'un peu hasardeuses de Fisk (le charme de l'indépendance dirons-nous). Tous ces extraits de Buzz Factory (leur meilleur album de cette période) sont excellents, que ce soit "Subtle Poison" et sa rage qui explose lors des refrains, "Black Sun Morning" où Lanegan a rarement autant poussé sa voix, la longue chevauchée "End of the Universe" ou encore l'élégante "Flower Web". L'affaire se conclut sur "Where the Twain Shall Meet", peut-être le meilleur argument de ces Screaming Trees première période. Le morceau est dominé par une ligne de basse fabuleuse et bien crasseuse, des guitares entêtantes au moins aussi sales sont placées en embuscade et Lanegan prend peu à peu conscience de ses pouvoirs de chanteur occulte (il reprend d'ailleurs toujours ce morceau lors de ses concerts acoustiques).
Le meilleur était pourtant à venir, même si le groupe était, à la fin des années 80, en proie à de nombreux dysfonctionnements (mésentente entre les membres, abus d'alcool et de drogues diverses...) et menait une existence pour le moins erratique. Cette décennie qui les avait vu naître les avait aussi vu évoluer d'un groupe un peu amateur et désordonné à une valeur sûre du rock indé américain du temps. Pourvu d'un duo rythmique impeccable, d'un guitariste repoussant toujours ses limites et d'un des plus grands chanteurs des décennies à venir (l'évolution de la voix de Lanegan est fascinante à écouter sur ce disque), les Screaming Trees avaient leur avenir entre leurs mains, malgré les difficultés. Comme nombre de leurs pairs happés par la déferlante "grunge", ils signèrent sur une major (Epic en 1990, également label de Pearl Jam) et connurent leur période la plus faste, quoiqu'ils ne sortirent jamais vraiment de leur statut "indé-culte". Cette période est documentée par l'excellente compilation Ocean of Confusion: Songs of Screaming Trees 1990–1996, sortie en 2005, parfaite suite à notre Anthology des années SST, années bouillantes, libres et prolifiques. Mais ceci est une autre histoire.
Les deux premières sorties du groupe, l'EP Other Worlds (1985) et leur premier LP Clairvoyance (1986), tous deux produits par Steve Fisk (qui travailla, entre autres, avec Beat Happening, Soundgarden, Nirvana, Mary Lou Lord, The Afghan Whigs, Mudhoney, toujours la crème), furent enregistrés aux Velvetone Studios de leur ville d'Ellensburg dans l'État de Washington et sortirent sur le label Velvetone Records, ces deux entités étant alors gérées par Sam Albright, ami personnel de Fisk. Et si Other Worlds fut réédité en 1988 par SST en CD et vinyle (le pressage initial ayant uniquement eu lieu sous forme de cassette) et que l'on en retrouve par conséquent des titres sur la compilation qui nous occupe ici (au nombre de trois), Clairvoyance ne connut pas un tel égard et cela explique la raison pour laquelle aucun morceau de cet album n'y figure (si l'on excepte le morceau "The Turning", que l'on retrouve sur les deux sorties). Ceci est bien dommage, car nous aurions pu bénéficier d'un panorama complet de la période pré-major du groupe. Autrement, des extraits de tous les autres disques de cette époque, Even If and Especially When (1987), Invisible Lantern (1988) et Buzz Factory (1989), sont évidemment présents (six par album), puisque parus chez SST. Mais passons sur cette réserve mineure pour nous concentrer sur l'essentiel, la musique.
La principale vertu de cette Anthology est de nous faire entendre l'évolution des Screaming Trees en tant que musiciens et songwriters durant cette deuxième partie des 80's. On les voit débuter avec cette espèce de pop-rock bordélique, insouciante et fraîche, des premiers titres, aux contours psychédéliques, très marquée par les 60's (irrésistible "Barriers" tirée de Other Worlds, mais aussi "Transfiguration" issu de Even If ou encore "Smokerings" de Invisible Lantern), marques d'un groupe jeune et totalement décomplexé avide de jouer du rock. Les Trees mélangent leur mixture à des influences garage et punk qui s'affirment au fil que le disque avance ("Ivy" sur Invisible Lantern, où Lanegan impressionne déjà vocalement par ses éructations primales). Le groupe se permet de lâcher quelques perles, toujours venant d'Invisible Lantern : l'audacieuse balade "Grey Diamond Desert", rehaussée d'un piano fantomatique joué par Fisk, les excellentes "Night Comes Creeping" et "Invisible Lantern", qui balancent bien comme il faut, les solos de Gary Lee étant particulièrement acérés.
Les extraits de Buzz Factory sont plus sombres, un peu moins exaltés dans leur interprétation, peut-être plus introspectifs, mais mieux écrits et davantage maîtrisés que les compositions du début. Le son, assuré par le légendaire Jack Endino (je vous épargne son glorieux CV) donne un cachet "grunge-Sub Pop-made in Seattle" à l'ensemble de ces ultimes titres, qui dégagent une obscure flamboyance. Ce rendu sonore tranche fortement avec les précédentes productions plus claires tout autant qu'un peu hasardeuses de Fisk (le charme de l'indépendance dirons-nous). Tous ces extraits de Buzz Factory (leur meilleur album de cette période) sont excellents, que ce soit "Subtle Poison" et sa rage qui explose lors des refrains, "Black Sun Morning" où Lanegan a rarement autant poussé sa voix, la longue chevauchée "End of the Universe" ou encore l'élégante "Flower Web". L'affaire se conclut sur "Where the Twain Shall Meet", peut-être le meilleur argument de ces Screaming Trees première période. Le morceau est dominé par une ligne de basse fabuleuse et bien crasseuse, des guitares entêtantes au moins aussi sales sont placées en embuscade et Lanegan prend peu à peu conscience de ses pouvoirs de chanteur occulte (il reprend d'ailleurs toujours ce morceau lors de ses concerts acoustiques).
Le meilleur était pourtant à venir, même si le groupe était, à la fin des années 80, en proie à de nombreux dysfonctionnements (mésentente entre les membres, abus d'alcool et de drogues diverses...) et menait une existence pour le moins erratique. Cette décennie qui les avait vu naître les avait aussi vu évoluer d'un groupe un peu amateur et désordonné à une valeur sûre du rock indé américain du temps. Pourvu d'un duo rythmique impeccable, d'un guitariste repoussant toujours ses limites et d'un des plus grands chanteurs des décennies à venir (l'évolution de la voix de Lanegan est fascinante à écouter sur ce disque), les Screaming Trees avaient leur avenir entre leurs mains, malgré les difficultés. Comme nombre de leurs pairs happés par la déferlante "grunge", ils signèrent sur une major (Epic en 1990, également label de Pearl Jam) et connurent leur période la plus faste, quoiqu'ils ne sortirent jamais vraiment de leur statut "indé-culte". Cette période est documentée par l'excellente compilation Ocean of Confusion: Songs of Screaming Trees 1990–1996, sortie en 2005, parfaite suite à notre Anthology des années SST, années bouillantes, libres et prolifiques. Mais ceci est une autre histoire.
Excellent ! 18/20 | par Poukram |
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