XTC
Nonsuch |
Label :
Virgin |
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N'écoutez pas les inconscients qui tentent de vous faire croire que Nonsuch est l'album de l'apaisement pour XTC. Pire même ! De la "maturité", bêrk. Alors comme ça le doux Colin Moulding et le dingue Andy Patridge seraient rentrés dans le rang sous le coup de l'arrivée des nineties ? Ils seraient devenus sages et auraient laissé de côté leurs frasques hyperactives ? Que nenni. Ne vous laissez pas avoir par la pochette très épurée (pour sûr après celle de Oranges & Lemons ça fait un choc), Nonsuch abrite la même folie que ses prédécesseurs, elle est simplement mieux canalisée et perle en loucedé pour jaillir là où on l'attend le moins.
Mais alors, vous demandez vous, vous qui vous en fichez sans doute pas mal, pourquoi un tel (faux) procès à l'encontre de ce disque ? Ce n'est certes pas sans raison. La production déjà. Le moins qu'on puisse dire c'est que la discographie 80's du groupe est fortement imprégnée de son époque (Skylarking en constituant une notable exception, merci Todd Rundgren). Il faut dire que le groupe a toujours été éperdument amoureux des sons de son temps. Déjà en 1978 ils s'étaient montrés excessivement new-wave (bien qu'ils rejetèrent l'étiquette, ainsi que celle de punk) ; durant toute la décennie qui suivit ils furent abondamment eighties, généreusement typés dans leur pop à guitare (évitant tout de même la grosse plâtrée synthétique). Et si je persiste à dire que ça fait partie de leur charme, qu'avec un peu de patience on se fait à ces indulgences soniques et on se prend même à les adorer, force m'est de constater que le temps a depuis fait son affaire, et pas toujours pour le meilleur. Nonsuch à ce titre est d'emblée une toute autre bestiole. Les britanniques font cette fois appel au producteur Gus Dudgeon, qui leur concocte un écrin aux petits oignons, tout en subtilité, chaque instrument brillant à sa façon mais pas de manière ostentatoire comme ça a pu être le cas auparavant. Non, XTC est loin de s'être calmé sur les expérimentations, c'est juste qu'avec une telle prod ça passe tellement tout seul qu'on est décontenancé en constatant que les inventions du groupe ne nous explosent pas à la figure comme de coutume. Pour la première fois de leur existence, XTC incarne une force tranquille.
Finalement seule la première piste, la glorieuse "The Ballad of Peter Pumpkinhead", avec ses grosses guitares, sa batterie tonitruante et son harmonica bien bourrin, rappelle le passif du groupe (ça et bien sûr la jouissive "Crocodile", gros rock trashy des familles). La chanson n'en est pas moins excellente, racontant l'histoire d'un messie des temps modernes qui rencontre le même destin funeste que Jésus, mis à mort devant les caméras de télé. Un liant essentiel entre la décennie précédente et celle qui commence, qui finit par laisser la place au premier morceau vraiment représentatif de l'album, le "My Bird Performs" de Moulding, qui laisse éclater toute la brillance des arrangements et du traitement sonore de Dudgeon (ces trompettes rah... on s'y noierait volontiers). À partir de là c'est le festival aux chefs-d'oeuvre classieux. On aura droit bien sûr à des pures perles pop à ne plus savoir qu'en faire ; aux premiers rangs desquelles "Then She Appeared" dont la mélodie est la cousine du "There She Goes" des La's (et s'il y avait un tant soit peu de justice en ce bas monde la popularité de la première aurait été aussi grande que celle de la seconde), "Wrapped In Grey" au développement Beach-Boyesque et dont l'universalité et l'immédiateté en fait à mon sens l'équivalent de "Imagine" pour les nineties (cette ligne de refrain : "Awaken, you dreamers") et "The Disappointed" qui n'est que caresse printanière avec ses notes de guitare muettes et ses chœurs qui se prélassent. Plus effacées mais non moins splendides, l'insondable "Humble Daisies" (et ses "dumpa dumpa dumpadum" qui auraient sonné terriblement kitsch s'ils n'étaient pas traités avec tant de soin et si finement intégrés dans le mix) et la bipolaire "The Ugly Underneath" sont d'autres joyaux sombres de cette collection de pierres précieuses. La souplesse inédite de ce nouvel écrin sonore permet à Patridge de se surpasser dans l'inventivité et de créer des formats inédits qui fonctionnent grâce aux arrangements classieux : "Rook" est l'une des toutes meilleures chansons de sa carrière, elle qui parvient à parler intelligemment de mortalité le long d'une étrange marche funèbre primesautière menée par un piano et une trompette tantôt graves tantôt pleins de vie, alors que juste derrière voilà "Omnibus" qui offre une explosion de couleurs et de saveurs instrumentales, des cuivres en canon, un piano tressautant, une batterie en constante syncope, pour accompagner une ritournelle exotisante (ça se dit?). Et comment ne pas évoquer cette composition formidablement mature (aaargh j'ai laissé échappé le mot...), le "The Smartest Monkeys" de Colin Moulding, hantée et pince-sans-rire, qui parvient avec l'alliance de son texte cynique et de son instrumentation entre premier et second degré, à créer une atmosphère à la fois pessimiste et hilarante. Sarcastique, quoi.
Cessons là le catalogue, le message à ce stade est déjà clair comme de l'eau de roche (ou comme la production de Gus Dudgeon) ; Nonsuch c'est une suite ininterrompue de succès, résultant sur un des tout meilleurs albums des trois anglais. Si à mes yeux rien ne dépassera jamais dans leur discographie l'immaculée grâce de Apple Venus vol.1, il n'empêche que selon le jour je placerais bien ce Nonsuch en égal de Skylarking... voire en supérieur ? La maturité artistique du groupe est certes là, je ne le nierai pas, il suffit de contempler les fondations de ces morceaux tous mieux composés les uns que les autres (la quantité de ponts qui démontent dans cet album, c'est affolant), mais ne faisons pas l'erreur de l'associer à un assagissement de leur part, au risque de se faire boulotter l'arrière-train par un crocodile impromptu. Le drame, c'est que la parution de l'album aboutira à une castagne entre XTC et Virgin, causant une grève discographique du groupe qui durera pendant 7 longues années...
Mais alors, vous demandez vous, vous qui vous en fichez sans doute pas mal, pourquoi un tel (faux) procès à l'encontre de ce disque ? Ce n'est certes pas sans raison. La production déjà. Le moins qu'on puisse dire c'est que la discographie 80's du groupe est fortement imprégnée de son époque (Skylarking en constituant une notable exception, merci Todd Rundgren). Il faut dire que le groupe a toujours été éperdument amoureux des sons de son temps. Déjà en 1978 ils s'étaient montrés excessivement new-wave (bien qu'ils rejetèrent l'étiquette, ainsi que celle de punk) ; durant toute la décennie qui suivit ils furent abondamment eighties, généreusement typés dans leur pop à guitare (évitant tout de même la grosse plâtrée synthétique). Et si je persiste à dire que ça fait partie de leur charme, qu'avec un peu de patience on se fait à ces indulgences soniques et on se prend même à les adorer, force m'est de constater que le temps a depuis fait son affaire, et pas toujours pour le meilleur. Nonsuch à ce titre est d'emblée une toute autre bestiole. Les britanniques font cette fois appel au producteur Gus Dudgeon, qui leur concocte un écrin aux petits oignons, tout en subtilité, chaque instrument brillant à sa façon mais pas de manière ostentatoire comme ça a pu être le cas auparavant. Non, XTC est loin de s'être calmé sur les expérimentations, c'est juste qu'avec une telle prod ça passe tellement tout seul qu'on est décontenancé en constatant que les inventions du groupe ne nous explosent pas à la figure comme de coutume. Pour la première fois de leur existence, XTC incarne une force tranquille.
Finalement seule la première piste, la glorieuse "The Ballad of Peter Pumpkinhead", avec ses grosses guitares, sa batterie tonitruante et son harmonica bien bourrin, rappelle le passif du groupe (ça et bien sûr la jouissive "Crocodile", gros rock trashy des familles). La chanson n'en est pas moins excellente, racontant l'histoire d'un messie des temps modernes qui rencontre le même destin funeste que Jésus, mis à mort devant les caméras de télé. Un liant essentiel entre la décennie précédente et celle qui commence, qui finit par laisser la place au premier morceau vraiment représentatif de l'album, le "My Bird Performs" de Moulding, qui laisse éclater toute la brillance des arrangements et du traitement sonore de Dudgeon (ces trompettes rah... on s'y noierait volontiers). À partir de là c'est le festival aux chefs-d'oeuvre classieux. On aura droit bien sûr à des pures perles pop à ne plus savoir qu'en faire ; aux premiers rangs desquelles "Then She Appeared" dont la mélodie est la cousine du "There She Goes" des La's (et s'il y avait un tant soit peu de justice en ce bas monde la popularité de la première aurait été aussi grande que celle de la seconde), "Wrapped In Grey" au développement Beach-Boyesque et dont l'universalité et l'immédiateté en fait à mon sens l'équivalent de "Imagine" pour les nineties (cette ligne de refrain : "Awaken, you dreamers") et "The Disappointed" qui n'est que caresse printanière avec ses notes de guitare muettes et ses chœurs qui se prélassent. Plus effacées mais non moins splendides, l'insondable "Humble Daisies" (et ses "dumpa dumpa dumpadum" qui auraient sonné terriblement kitsch s'ils n'étaient pas traités avec tant de soin et si finement intégrés dans le mix) et la bipolaire "The Ugly Underneath" sont d'autres joyaux sombres de cette collection de pierres précieuses. La souplesse inédite de ce nouvel écrin sonore permet à Patridge de se surpasser dans l'inventivité et de créer des formats inédits qui fonctionnent grâce aux arrangements classieux : "Rook" est l'une des toutes meilleures chansons de sa carrière, elle qui parvient à parler intelligemment de mortalité le long d'une étrange marche funèbre primesautière menée par un piano et une trompette tantôt graves tantôt pleins de vie, alors que juste derrière voilà "Omnibus" qui offre une explosion de couleurs et de saveurs instrumentales, des cuivres en canon, un piano tressautant, une batterie en constante syncope, pour accompagner une ritournelle exotisante (ça se dit?). Et comment ne pas évoquer cette composition formidablement mature (aaargh j'ai laissé échappé le mot...), le "The Smartest Monkeys" de Colin Moulding, hantée et pince-sans-rire, qui parvient avec l'alliance de son texte cynique et de son instrumentation entre premier et second degré, à créer une atmosphère à la fois pessimiste et hilarante. Sarcastique, quoi.
Cessons là le catalogue, le message à ce stade est déjà clair comme de l'eau de roche (ou comme la production de Gus Dudgeon) ; Nonsuch c'est une suite ininterrompue de succès, résultant sur un des tout meilleurs albums des trois anglais. Si à mes yeux rien ne dépassera jamais dans leur discographie l'immaculée grâce de Apple Venus vol.1, il n'empêche que selon le jour je placerais bien ce Nonsuch en égal de Skylarking... voire en supérieur ? La maturité artistique du groupe est certes là, je ne le nierai pas, il suffit de contempler les fondations de ces morceaux tous mieux composés les uns que les autres (la quantité de ponts qui démontent dans cet album, c'est affolant), mais ne faisons pas l'erreur de l'associer à un assagissement de leur part, au risque de se faire boulotter l'arrière-train par un crocodile impromptu. Le drame, c'est que la parution de l'album aboutira à une castagne entre XTC et Virgin, causant une grève discographique du groupe qui durera pendant 7 longues années...
Excellent ! 18/20 | par X_Wazoo |
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