Un Suicide Français
Christopher Bianconi nous en dit plus sur...Un Suicide Français [mardi 01 février 2022] |
Les habitués du forum connaissent Christopher Bianconi sous le pseudo de Mazokrist. Il vient depuis 5 ans poster régulièrement les vidéos de son projet de pop légèrement kitsch et faussement naïve chantée en français Un suicide français.
Totalement fasciné par les clips lunaires et les mélodies entêtantes napées de synthés qu’il bricole avec son acolyte François, il fallait absolument que j’en sache plus sur ce duo à la fois hors du temps et bien ancré dans son époque…
Interview menée par Plock
Interview menée par Plock
Salut Christopher, qui es-tu et que fais-tu dans la vie ?
Salut ! Je répondrais par une citation de Starmania « j’aurais voulu être un artiste ». Sinon, je suis au chômage.
Quand on tape sur google « Christopher Bianconi » on tombe sur un mec qui a un bar snack à Marseille et sur un dracénois qui a écrit une chanson et réalisé un clip sur les Gilets Jaunes. Peux-tu nous parler de cette chanson, si c’est bien toi qui l’as enregistré, qui avait bien fait parler à l’époque et de la raison pour laquelle tu l’avais écrite (et/ou du snack) ?
Pour le snack, j’avais découvert ça effectivement, non hélas ce n’est pas moi, dommage car ça voudrait dire que j’aurais enfin trouvé du boulot. Je suis assez circonspect cela dit à l’idée que je puisse avoir un homonyme et pour tout vous dire, je n’apprécie qu’à moitié. Force à lui malgré tout, j’espère juste que je pourrais manger et boire à volonté si je me retrouve à Marseille dans le futur.
Pour le morceau sur les Gilets Jaunes, oui c’est bien signé USF. Nous avons écrit, composé et monté cette chanson très rapidement au tout début du mouvement comme une sorte de capture d’écran du moment qui se déroulait sous nos yeux et sur nos écrans. Nous avons essayé de retranscrire cette irruption et émotion populaire dans une chanson avant que ça tourne au vinaigre (oui car tout finit toujours par tourner au vinaigre). Disons qu’on se reconnaissait beaucoup plus dans les débuts du mouvement, la sexy et sauvage médium Jacline Mouraud notamment, à l’origine de tout le délos et les mamies sur les ronds-points, ce que j’appelle dans le morceau « tous les oubliés de l’Histoire » que dans la surenchère de virilisme et complotisme débile que nous avons connu par la suite. Nous étions en tout cas à l’avant-garde sur ce sujet car notre morceau est sorti bien avant que le Gilet Jaune devienne une marque pour devenir chroniqueur chez Hanouna et bien avant le gros banger de Francis Lalanne sobrement intitulé « Gilet Jaune » que je vous conseille d’écouter : c’est une chanson évolutive que Francis n’est jamais arrivé à fixer en studio mais dont il a fait moultes versions au gré de ces pérégrinations gilets-jaunesques. La version de 8 min 27 avec solos de différentes flûtes et chœurs de l’arrière-pays est un petit bijou qu’il faut avoir écouté au moins une fois dans sa life.
Quand on tape « un suicide français » on tombe sur le, malheureusement célèbre livre d’Eric Zemmour, qui a l’air à l’opposé de tes idées. Pas trop gênant ? Surtout que dans les commentaires youtube/facebook j’ai l’impression que certaines personnes t’ont trouvé comme ça et qu’elles ne sont pas trop bienveillantes à ton égard ? (et du reste tu leurs réponds souvent avec flegme, humour et second degré)
Alors pour la question du nom, je donne une exclu pour X silence : à l’origine, le nom vient d’une blague. Je cherchais un nom provocateur qui pourrait marquer les esprits et attirer les clicks (je vous le confesse, je souhaitais être écouté) et comme nous étions deux sur le projet, tous deux fans de Suicide, le groupe de Alan Vega et Martin Rev, j’ai dit une phrase comme « et si on faisait un « Suicide » français ? » en prononçant « Suicide » avec l’accent anglais. Et voilà. Bon c’est sûr, c’est pas la blague la plus mainstream du monde, seul certains X-silencieux pourront comprendre, et je tiens à rassurer tout le monde, quand Valeurs Actuelles me posera la question « c’est en rapport avec le Z ? » je dirais « oui oui, on est fan du Z de ouf, vous allez écrire un article positif hein, ou nous donner un peu de moulax ? ». On survit comme on peut dans ce world. Après quand on a choisi d’utiliser ce nom, j’ai trouvé ça drôle le fait de changer deux lettres du titre de ce best-seller pour en faire une sorte de détournement pop, essayer de lui donner un sens différent, en sachant que je n’ai jamais lu le livre bien évidemment. Cela dit, je crois savoir qu’il y a un chapitre sur la mauvaise influence de Hélène et les garçons dedans, et en tant que gros fan de AB Productions depuis toujours, je dois être un bon exemple de cette décadence. J’étais, je dois l’avouer, un gros fan de Cricri et la période où il était hyper gang gang, complétement défoncé à l’héroïne et où il mit un coup de batte dans la tête de Nico, qui ne lui en tiendra pas rigueur bien sûr, m’a profondément marqué.
Et pour ce qui est d’être assimilé à Zemmour par certains, si j’avais une vie sociale ça pourrait être gênant mais je n’en ai plus alors ça va. Puis je me dis que si certains sont assez bêtes pour se baser uniquement sur un nom, ils ne pourront pas écouter Nirvana à moins d’être bouddhiste, ils ne pourront pas écouter Queen à moins d’être royaliste et ils doivent penser que Booba est un petit ourson et que les Sex Pistols ont des zgegs en forme de pistolet. Bref un nom reste un nom, c’est un contenant ; évidemment il a été choisi aussi de façon à titiller l’auditoire mais si certains ne peuvent pousser la curiosité jusqu’au contenu, je les plains les pauvres loulous de se construire toutes ces barrières mentales. Être curieux n’est pas toujours récompensé dans la vie, mais parfois ça peut vous emmener dans de merveilleux endroits, comme la page youtube d’USF (smiley qui fait un clin d’œil).
Parle-nous justement de ton projet « Un suicide français » ? Tu es tout seul à bosser dessus ?
Alors le projet a débuté fin 2016 quand je me suis retrouvé au RSA après être sorti de la fac de lettres avec un master. D’ailleurs, si vous avez un boulot pour moi, de correction, de transcription etc… n’hésitez pas à écrire à X-silence qui transmettra. Pour la composition des chansons, nous sommes deux dessus avec François qui est un vrai musicien contrairement à moi qui gratouille seulement la guitare. Ce qui ne m’empêche pas d’être à l’origine de certains morceaux parfois, mais la plupart du temps c’est François qui s’occupe à cent pour cent de la partie technique musicale, composition, arrangements, mix etc.. De mon côté je me concentre sur les concepts des morceaux, les textes, et je monte les clips aussi. Mais le plus gros de la chanson, on le crée ensemble en la jouant dans une pièce, en mode à l’ancienne serais-je tenté de dire.
Le projet c’était d’arriver à créer un projet artisanal lo-fi et de pouvoir diffuser nos différentes productions au fil de notre progression. Accepter le fait de finir une chanson et de passer à une autre pour pouvoir se construire un répertoire petit à petit. La démarche lo-fi était aussi une nécessité puisqu’on disposait quand on a commencé du minimum requis : un vieux synthé acheté d’occasion sur le boncoin, et un huit pistes. Depuis on a beaucoup évolué puisque… bon on a toujours le même synthé, mais on enregistre sur ordinateur. Le but, en tout cas, était de rendre nos chansons vivantes, de les faire exister quelque part, même si n’avions pas d’audience et que nous ne faisions pas de concerts afin de voir si elles pourraient plaire. La plupart du temps, pour une chanson, on part d’une vague idée – on en a un paquet en stock - et puis, pièce par pièce à partir là aussi du minimum requis, parfois une mélodie, parfois deux phrases, un thème qu’on a envie de traiter… on avance et on lutte pour développer cette idée et la mener à son terme. En cherchant à nous surprendre nous-même avant tout car, si on a toujours une idée de départ, on ne sait jamais à quoi ça va ressembler à la fin, et c’est aussi là que nous trouvons notre intérêt. Une fois qu’on ne pense plus pouvoir améliorer la chanson, on la publie en assumant sa part d’imperfection, ses défauts et sa naïveté ; et ensuite je me prépare mentalement pour les clashs sur les forums et dans les commentaires facebook ou youtube.
J’ai retrouvé un titre du groupe que tu avais avant . Ça avait l’air terrible, bien noisy avec des paroles en français énervées. Peux-tu nous en parler ?
Je n’ai eu que deux projets musicaux dans ma vie. Celui-là était le premier. J’avais créé ce groupe au lycée en 2004 environ avec mes amis, personne ne savait encore jouer d’un instrument, et je chantais encore plus mal que maintenant. Après une longue évolution et un long travail, on a fini par sortir un album auto-produit en 2009 « Jusqu’à la dernière goutte » que vous pouvez retrouver sur Deezer et d’autres plateformes même si on a jamais touché un centime dessus psssssssss. C’était du rock noisy influencé 90 en français avec de longs textes déclamés pour la plupart. On a aussi fait plusieurs dizaines de concert, surtout dans le sud. Il y a d’ailleurs quelques extraits de concerts dans le clip d’USF « Les yeux en face des trous ». Deux des quatre premiers morceaux d’USF, « Les yeux en face des trous » et « Le clou du spectacle » étaient des textes tirés de mon ancien groupe qui ont été remaniés, accompagnés d’une nouvelle musique et qui ont en quelque sorte servi à faire le lien entre mon défunt groupe et USF.
J’aime beaucoup « Un suicide français ». Il y a de la naïveté, de l’ironie, un son joliment kitsch avec plein de clavier et des refrains et des paroles assez cash et à gauche de la barricade qui restent en tête. Est-ce que cette description te convient ?
Et bien merci, ça me va très bien comme description. C’est très carré. De plus en plus, nous avons envie d’arriver à créer des chansons pop dans le sens noble du terme, des chansons qui restent en tête et se retiennent donc ce que tu dis fait plaisir. Petite précision pour le côté de gauche toutefois, je te laisse la responsabilité de ton jugement, ahah, tu sais le monde est devenu tellement complexe, alors je n’oserais plus me prévaloir tout seul de ce qualificatif. Si je le suis encore de gauche, c’est d’une gauche sociale old school qui savait manier humour, décontraction et provocation, c’est-à-dire tout l’inverse de la gauche actuelle influencée par les Woke US tout ça, enfin vous avez tous capté le délire, les nouveaux nazis qui brûlent les livres et les artistes en jouant aux chevaliers de la pureté. Ceux-là je les passerai bien au fameux karcher de Sarkozy. Je crois d’ailleurs que si quelqu’un de cette nouvelle gauche voyait ma bibliothèque, ma bluray-thèque, ma discothèque, il serait tellement offusqué qu’il ne prendrait même pas la peine de trier, il mettrait directement le feu à l’appartement tellement il est rempli d’œuvres d’art à canceller. Sinon, petit aparté sur la question politique, au-delà du clivage gauche-droite dans lequel je ne me reconnais plus vraiment, le vrai combat dans lequel je me retrouve totalement sans avoir envie de me boucher le nez, c’est la protection et la défense des animaux et j’espère un jour pouvoir faire une chanson sur ce thème.
Tes clips lo-fi sont vraiment bien. Tu te mets en scène avec humour et j’ai l’impression que ça plait beaucoup aux gens qui te suivent…principalement sur Youtube. C’est volontaire ce combo clip/chanson ?
Merci beaucoup. Oui le combo clip / chanson est à l’origine de la création du projet. L’idée que chaque chanson soit illustrée dans un clip visible par tous. Et aussi que l’on décompose chaque « saison » en trois morceaux originaux + une cover. Disons que j’avais déjà essayé par le passé de faire un groupe de rock à l’ancienne avec En Eaux Troubles en répétant très régulièrement, en essayant de se faire connaître à travers les concerts, un album etc… Mais en 2016, dans l’inconnu où j’étais, tout ça m’est apparu totalement obsolète, surtout dans un monde où l’image est devenue prioritaire sur la musique. Se relancer dans un projet de la même manière qu’avant, sans prendre en compte l’évolution de la diffusion de la musique, aurait été là pour le coup réellement du suicide. Alors que là, en étant seulement deux et en ne pensant pas à l’idée de jouer en public, ça nous permettait de pouvoir tout faire et tout contrôler sur nos chansons sans rien attendre de personne, avec des moyens limités certes, mais en toute indépendance et en toute liberté. C’est ce qui fait que rien ne peut nous empêcher de produire désormais. Nous préférons produire peu de chansons mais diffuser chacune avec le package complet si je puis dire, en essayant à chaque fois de faire quelque chose de nouveau. Et si un jour nous devions faire ce qu’un groupe classique de musique fait, c’est-à-dire des concerts ou un album, ce sera parce que le public l’aura décidé et qu’on pourra en vivre. En attendant, profitez-en les loulous, c’est artisanal, on a des défauts ok mais c’est gratuit !
Quelles sont tes influences ? Tu as fait une reprise d’Antoine et c’est vrai qu’il y a une ressemblance dans ta musique avec la chanson française des 70’s notamment.
Je suis très fan d’Antoine oui, sa période de chanteur entre 65 et 67 en particulier, et j’ai toujours trouvé qu’il était largement sous-estimé lorsqu’on évoque les chanteurs français de cette période au vu de la révolution qu’il a provoqué dans la chanson française. Pour les influences, j’avoue que je ne réfléchis plus trop à cette question tellement j’ai mangé à tous les râteliers pour être trivial mais beaucoup de chanteurs français m’ont inspiré en tout cas, de toutes les périodes. Du classique Ferré Brel Brassens à Antoine, Christophe, Daniel Darc, Bashung, Mano Solo, Damien Saez, Noir Désir, Gainsbourg, Dominique A ; certains dont nous avons fait une cover sur notre page d’ailleurs. Une autre de nos références, ce sont les songwriters anglo-saxons comme Leonard Cohen que j’ai pu voir 5 fois en concert et qui est pour moi le plus grand, mais aussi Neil Young, Bob Dylan, Nick Cave, PJ Harvey, Tom Waits, Nick Drake, Daniel Johnston, Adam Green et d’autres. Après, la base de notre culture, c’est, comme pour beaucoup de X-silencieux j’imagine, le rock des années 80-90 : Nirvana, Oasis et Radiohead étant parmi les groupes que j’ai le plus écouté dans ma vie, mais aussi les Smashing Pumpkins, Sonic Youth, Chokebore, Pearl Jam, Shellac, Nine Inch Nails, Korn, Deftones, Weezer, Pixies Dinosaur Jr, les Cure, les Smiths etc… On pourrait rajouter aussi en regardant encore un peu en arrière Suicide, Kraftwerk, Can, les Beatles, les Kinks, Led Zep, Iggy & les Stooges etc… et ce n’est évidemment pas exhaustif.
Peux-tu nous faire une petite liste de disques, chansons, films, livres, séries, œuvres d’art que tu apprécies et que tu nous recommandes pour finir ?
Alors, bon ben déjà il y a tout ce que j’ai cité au-dessus niveau musical, pour le reste, littérature, cinéma, séries etc… j’aime énormément de choses et d’artistes alors plutôt que me lancer dans une liste de 8 pages, je vais essayer d’évoquer quelques œuvres qui m’ont marqué ces derniers temps. En série je dirais « The Third Day », une série de 2020 avec Jude Law inspirée folk horror à la « Wicker Man ». C’est une minisérie découpée en « saisons », les trois premiers épisodes c’est l’été, les trois derniers l’hiver, et entre les deux il y a l’automne qui est un épisode à part puisque c’est une performance de théâtre immersif qui dure douze heures d’un seul plan séquence qui a été diffusé sur Facebook en temps réel. La caméra, commence en nous embarquant sur la route qui mène jusqu’à l’île où se déroule l’intrigue puis on assiste durant douze heures au long rituel qui se pratique sur l’île avec tous les acteurs de la série et une multitude de figurants. Vous pourrez voir une rave, Jude Law creuser une tombe pendant une heure, et autres joyeusetés. Disons que c’est une expérience unique en son genre.
Pour une série incontournable, dans un tout autre genre, je dirais qu’un de mes rituels est l’épisode de Plus belle la vie journalier. Non, ce n’est pas du second degré. Bon en tant que geek, je regarde les épisodes trois jours avant la diffusion sur France 3 (à une époque, c’était sept jours mais les censeurs ont sévi) grâce à un site de streaming qui diffuse les épisodes en avance. Je peux refiler le tuyau à qui le veut, je laisse les liens à X-silence, au cas où d’autres amateurs veulent se projeter dans le turfu avec moi.
Pour les films, j’en citerais trois dans des genres très différents que j’ai vu récemment : - Haxan la sorcellerie à travers les âges, un faux film documentaire muet de 1922 réédité récemment en blu-ray. « Under the silver lake » de David Robert Mitchell et Midsommar » de Ari Aster. En film français, je dirais « L’été meurtrier » de Jean Becker avec Alain Souchon et Isabelle Adjani que j’ai revu il y a deux jours. Pour un disque, je conseillerais les deux albums d’un groupe anglais merveilleux et trop méconnu : Flotation Toy Warning. En français, je dirais que mon dernier coup de cœur c’est le groupe de folk « Facteurs Chevaux » qui a sorti un très bel album « Chante-nuit » en 2020. En livre, je conseillerais le dernier Houellebecq « Anéantir » que je m’apprête à lire. Ah et dernier petit tuyau, j’ai découvert hier sur Youtube « An evening with Rivers Cuomo at San Francisco », un concert acoustique de Rivers Cuomo de 27 chansons dans un lieu intimiste où la foule chante chaque chanson et où il joue tous les classiques de Weezer + des covers des Smashing Pumpkins, Oasis, Green Day, entre autres, et surtout beaucoup de chansons d’un des plus grands albums de tous les temps : « Pinkerton ».
Allez un dernier mot ?
N'hésitez pas à aller sur Youtube, et si jamais vous vous abonniez, ce serait carré !
Force à tous les X-silencieux, on est ensemble. De ouf.
Salut ! Je répondrais par une citation de Starmania « j’aurais voulu être un artiste ». Sinon, je suis au chômage.
Quand on tape sur google « Christopher Bianconi » on tombe sur un mec qui a un bar snack à Marseille et sur un dracénois qui a écrit une chanson et réalisé un clip sur les Gilets Jaunes. Peux-tu nous parler de cette chanson, si c’est bien toi qui l’as enregistré, qui avait bien fait parler à l’époque et de la raison pour laquelle tu l’avais écrite (et/ou du snack) ?
Pour le snack, j’avais découvert ça effectivement, non hélas ce n’est pas moi, dommage car ça voudrait dire que j’aurais enfin trouvé du boulot. Je suis assez circonspect cela dit à l’idée que je puisse avoir un homonyme et pour tout vous dire, je n’apprécie qu’à moitié. Force à lui malgré tout, j’espère juste que je pourrais manger et boire à volonté si je me retrouve à Marseille dans le futur.
Pour le morceau sur les Gilets Jaunes, oui c’est bien signé USF. Nous avons écrit, composé et monté cette chanson très rapidement au tout début du mouvement comme une sorte de capture d’écran du moment qui se déroulait sous nos yeux et sur nos écrans. Nous avons essayé de retranscrire cette irruption et émotion populaire dans une chanson avant que ça tourne au vinaigre (oui car tout finit toujours par tourner au vinaigre). Disons qu’on se reconnaissait beaucoup plus dans les débuts du mouvement, la sexy et sauvage médium Jacline Mouraud notamment, à l’origine de tout le délos et les mamies sur les ronds-points, ce que j’appelle dans le morceau « tous les oubliés de l’Histoire » que dans la surenchère de virilisme et complotisme débile que nous avons connu par la suite. Nous étions en tout cas à l’avant-garde sur ce sujet car notre morceau est sorti bien avant que le Gilet Jaune devienne une marque pour devenir chroniqueur chez Hanouna et bien avant le gros banger de Francis Lalanne sobrement intitulé « Gilet Jaune » que je vous conseille d’écouter : c’est une chanson évolutive que Francis n’est jamais arrivé à fixer en studio mais dont il a fait moultes versions au gré de ces pérégrinations gilets-jaunesques. La version de 8 min 27 avec solos de différentes flûtes et chœurs de l’arrière-pays est un petit bijou qu’il faut avoir écouté au moins une fois dans sa life.
Quand on tape « un suicide français » on tombe sur le, malheureusement célèbre livre d’Eric Zemmour, qui a l’air à l’opposé de tes idées. Pas trop gênant ? Surtout que dans les commentaires youtube/facebook j’ai l’impression que certaines personnes t’ont trouvé comme ça et qu’elles ne sont pas trop bienveillantes à ton égard ? (et du reste tu leurs réponds souvent avec flegme, humour et second degré)
Alors pour la question du nom, je donne une exclu pour X silence : à l’origine, le nom vient d’une blague. Je cherchais un nom provocateur qui pourrait marquer les esprits et attirer les clicks (je vous le confesse, je souhaitais être écouté) et comme nous étions deux sur le projet, tous deux fans de Suicide, le groupe de Alan Vega et Martin Rev, j’ai dit une phrase comme « et si on faisait un « Suicide » français ? » en prononçant « Suicide » avec l’accent anglais. Et voilà. Bon c’est sûr, c’est pas la blague la plus mainstream du monde, seul certains X-silencieux pourront comprendre, et je tiens à rassurer tout le monde, quand Valeurs Actuelles me posera la question « c’est en rapport avec le Z ? » je dirais « oui oui, on est fan du Z de ouf, vous allez écrire un article positif hein, ou nous donner un peu de moulax ? ». On survit comme on peut dans ce world. Après quand on a choisi d’utiliser ce nom, j’ai trouvé ça drôle le fait de changer deux lettres du titre de ce best-seller pour en faire une sorte de détournement pop, essayer de lui donner un sens différent, en sachant que je n’ai jamais lu le livre bien évidemment. Cela dit, je crois savoir qu’il y a un chapitre sur la mauvaise influence de Hélène et les garçons dedans, et en tant que gros fan de AB Productions depuis toujours, je dois être un bon exemple de cette décadence. J’étais, je dois l’avouer, un gros fan de Cricri et la période où il était hyper gang gang, complétement défoncé à l’héroïne et où il mit un coup de batte dans la tête de Nico, qui ne lui en tiendra pas rigueur bien sûr, m’a profondément marqué.
Et pour ce qui est d’être assimilé à Zemmour par certains, si j’avais une vie sociale ça pourrait être gênant mais je n’en ai plus alors ça va. Puis je me dis que si certains sont assez bêtes pour se baser uniquement sur un nom, ils ne pourront pas écouter Nirvana à moins d’être bouddhiste, ils ne pourront pas écouter Queen à moins d’être royaliste et ils doivent penser que Booba est un petit ourson et que les Sex Pistols ont des zgegs en forme de pistolet. Bref un nom reste un nom, c’est un contenant ; évidemment il a été choisi aussi de façon à titiller l’auditoire mais si certains ne peuvent pousser la curiosité jusqu’au contenu, je les plains les pauvres loulous de se construire toutes ces barrières mentales. Être curieux n’est pas toujours récompensé dans la vie, mais parfois ça peut vous emmener dans de merveilleux endroits, comme la page youtube d’USF (smiley qui fait un clin d’œil).
Parle-nous justement de ton projet « Un suicide français » ? Tu es tout seul à bosser dessus ?
Alors le projet a débuté fin 2016 quand je me suis retrouvé au RSA après être sorti de la fac de lettres avec un master. D’ailleurs, si vous avez un boulot pour moi, de correction, de transcription etc… n’hésitez pas à écrire à X-silence qui transmettra. Pour la composition des chansons, nous sommes deux dessus avec François qui est un vrai musicien contrairement à moi qui gratouille seulement la guitare. Ce qui ne m’empêche pas d’être à l’origine de certains morceaux parfois, mais la plupart du temps c’est François qui s’occupe à cent pour cent de la partie technique musicale, composition, arrangements, mix etc.. De mon côté je me concentre sur les concepts des morceaux, les textes, et je monte les clips aussi. Mais le plus gros de la chanson, on le crée ensemble en la jouant dans une pièce, en mode à l’ancienne serais-je tenté de dire.
Le projet c’était d’arriver à créer un projet artisanal lo-fi et de pouvoir diffuser nos différentes productions au fil de notre progression. Accepter le fait de finir une chanson et de passer à une autre pour pouvoir se construire un répertoire petit à petit. La démarche lo-fi était aussi une nécessité puisqu’on disposait quand on a commencé du minimum requis : un vieux synthé acheté d’occasion sur le boncoin, et un huit pistes. Depuis on a beaucoup évolué puisque… bon on a toujours le même synthé, mais on enregistre sur ordinateur. Le but, en tout cas, était de rendre nos chansons vivantes, de les faire exister quelque part, même si n’avions pas d’audience et que nous ne faisions pas de concerts afin de voir si elles pourraient plaire. La plupart du temps, pour une chanson, on part d’une vague idée – on en a un paquet en stock - et puis, pièce par pièce à partir là aussi du minimum requis, parfois une mélodie, parfois deux phrases, un thème qu’on a envie de traiter… on avance et on lutte pour développer cette idée et la mener à son terme. En cherchant à nous surprendre nous-même avant tout car, si on a toujours une idée de départ, on ne sait jamais à quoi ça va ressembler à la fin, et c’est aussi là que nous trouvons notre intérêt. Une fois qu’on ne pense plus pouvoir améliorer la chanson, on la publie en assumant sa part d’imperfection, ses défauts et sa naïveté ; et ensuite je me prépare mentalement pour les clashs sur les forums et dans les commentaires facebook ou youtube.
J’ai retrouvé un titre du groupe que tu avais avant . Ça avait l’air terrible, bien noisy avec des paroles en français énervées. Peux-tu nous en parler ?
Je n’ai eu que deux projets musicaux dans ma vie. Celui-là était le premier. J’avais créé ce groupe au lycée en 2004 environ avec mes amis, personne ne savait encore jouer d’un instrument, et je chantais encore plus mal que maintenant. Après une longue évolution et un long travail, on a fini par sortir un album auto-produit en 2009 « Jusqu’à la dernière goutte » que vous pouvez retrouver sur Deezer et d’autres plateformes même si on a jamais touché un centime dessus psssssssss. C’était du rock noisy influencé 90 en français avec de longs textes déclamés pour la plupart. On a aussi fait plusieurs dizaines de concert, surtout dans le sud. Il y a d’ailleurs quelques extraits de concerts dans le clip d’USF « Les yeux en face des trous ». Deux des quatre premiers morceaux d’USF, « Les yeux en face des trous » et « Le clou du spectacle » étaient des textes tirés de mon ancien groupe qui ont été remaniés, accompagnés d’une nouvelle musique et qui ont en quelque sorte servi à faire le lien entre mon défunt groupe et USF.
J’aime beaucoup « Un suicide français ». Il y a de la naïveté, de l’ironie, un son joliment kitsch avec plein de clavier et des refrains et des paroles assez cash et à gauche de la barricade qui restent en tête. Est-ce que cette description te convient ?
Et bien merci, ça me va très bien comme description. C’est très carré. De plus en plus, nous avons envie d’arriver à créer des chansons pop dans le sens noble du terme, des chansons qui restent en tête et se retiennent donc ce que tu dis fait plaisir. Petite précision pour le côté de gauche toutefois, je te laisse la responsabilité de ton jugement, ahah, tu sais le monde est devenu tellement complexe, alors je n’oserais plus me prévaloir tout seul de ce qualificatif. Si je le suis encore de gauche, c’est d’une gauche sociale old school qui savait manier humour, décontraction et provocation, c’est-à-dire tout l’inverse de la gauche actuelle influencée par les Woke US tout ça, enfin vous avez tous capté le délire, les nouveaux nazis qui brûlent les livres et les artistes en jouant aux chevaliers de la pureté. Ceux-là je les passerai bien au fameux karcher de Sarkozy. Je crois d’ailleurs que si quelqu’un de cette nouvelle gauche voyait ma bibliothèque, ma bluray-thèque, ma discothèque, il serait tellement offusqué qu’il ne prendrait même pas la peine de trier, il mettrait directement le feu à l’appartement tellement il est rempli d’œuvres d’art à canceller. Sinon, petit aparté sur la question politique, au-delà du clivage gauche-droite dans lequel je ne me reconnais plus vraiment, le vrai combat dans lequel je me retrouve totalement sans avoir envie de me boucher le nez, c’est la protection et la défense des animaux et j’espère un jour pouvoir faire une chanson sur ce thème.
Tes clips lo-fi sont vraiment bien. Tu te mets en scène avec humour et j’ai l’impression que ça plait beaucoup aux gens qui te suivent…principalement sur Youtube. C’est volontaire ce combo clip/chanson ?
Merci beaucoup. Oui le combo clip / chanson est à l’origine de la création du projet. L’idée que chaque chanson soit illustrée dans un clip visible par tous. Et aussi que l’on décompose chaque « saison » en trois morceaux originaux + une cover. Disons que j’avais déjà essayé par le passé de faire un groupe de rock à l’ancienne avec En Eaux Troubles en répétant très régulièrement, en essayant de se faire connaître à travers les concerts, un album etc… Mais en 2016, dans l’inconnu où j’étais, tout ça m’est apparu totalement obsolète, surtout dans un monde où l’image est devenue prioritaire sur la musique. Se relancer dans un projet de la même manière qu’avant, sans prendre en compte l’évolution de la diffusion de la musique, aurait été là pour le coup réellement du suicide. Alors que là, en étant seulement deux et en ne pensant pas à l’idée de jouer en public, ça nous permettait de pouvoir tout faire et tout contrôler sur nos chansons sans rien attendre de personne, avec des moyens limités certes, mais en toute indépendance et en toute liberté. C’est ce qui fait que rien ne peut nous empêcher de produire désormais. Nous préférons produire peu de chansons mais diffuser chacune avec le package complet si je puis dire, en essayant à chaque fois de faire quelque chose de nouveau. Et si un jour nous devions faire ce qu’un groupe classique de musique fait, c’est-à-dire des concerts ou un album, ce sera parce que le public l’aura décidé et qu’on pourra en vivre. En attendant, profitez-en les loulous, c’est artisanal, on a des défauts ok mais c’est gratuit !
Quelles sont tes influences ? Tu as fait une reprise d’Antoine et c’est vrai qu’il y a une ressemblance dans ta musique avec la chanson française des 70’s notamment.
Je suis très fan d’Antoine oui, sa période de chanteur entre 65 et 67 en particulier, et j’ai toujours trouvé qu’il était largement sous-estimé lorsqu’on évoque les chanteurs français de cette période au vu de la révolution qu’il a provoqué dans la chanson française. Pour les influences, j’avoue que je ne réfléchis plus trop à cette question tellement j’ai mangé à tous les râteliers pour être trivial mais beaucoup de chanteurs français m’ont inspiré en tout cas, de toutes les périodes. Du classique Ferré Brel Brassens à Antoine, Christophe, Daniel Darc, Bashung, Mano Solo, Damien Saez, Noir Désir, Gainsbourg, Dominique A ; certains dont nous avons fait une cover sur notre page d’ailleurs. Une autre de nos références, ce sont les songwriters anglo-saxons comme Leonard Cohen que j’ai pu voir 5 fois en concert et qui est pour moi le plus grand, mais aussi Neil Young, Bob Dylan, Nick Cave, PJ Harvey, Tom Waits, Nick Drake, Daniel Johnston, Adam Green et d’autres. Après, la base de notre culture, c’est, comme pour beaucoup de X-silencieux j’imagine, le rock des années 80-90 : Nirvana, Oasis et Radiohead étant parmi les groupes que j’ai le plus écouté dans ma vie, mais aussi les Smashing Pumpkins, Sonic Youth, Chokebore, Pearl Jam, Shellac, Nine Inch Nails, Korn, Deftones, Weezer, Pixies Dinosaur Jr, les Cure, les Smiths etc… On pourrait rajouter aussi en regardant encore un peu en arrière Suicide, Kraftwerk, Can, les Beatles, les Kinks, Led Zep, Iggy & les Stooges etc… et ce n’est évidemment pas exhaustif.
Peux-tu nous faire une petite liste de disques, chansons, films, livres, séries, œuvres d’art que tu apprécies et que tu nous recommandes pour finir ?
Alors, bon ben déjà il y a tout ce que j’ai cité au-dessus niveau musical, pour le reste, littérature, cinéma, séries etc… j’aime énormément de choses et d’artistes alors plutôt que me lancer dans une liste de 8 pages, je vais essayer d’évoquer quelques œuvres qui m’ont marqué ces derniers temps. En série je dirais « The Third Day », une série de 2020 avec Jude Law inspirée folk horror à la « Wicker Man ». C’est une minisérie découpée en « saisons », les trois premiers épisodes c’est l’été, les trois derniers l’hiver, et entre les deux il y a l’automne qui est un épisode à part puisque c’est une performance de théâtre immersif qui dure douze heures d’un seul plan séquence qui a été diffusé sur Facebook en temps réel. La caméra, commence en nous embarquant sur la route qui mène jusqu’à l’île où se déroule l’intrigue puis on assiste durant douze heures au long rituel qui se pratique sur l’île avec tous les acteurs de la série et une multitude de figurants. Vous pourrez voir une rave, Jude Law creuser une tombe pendant une heure, et autres joyeusetés. Disons que c’est une expérience unique en son genre.
Pour une série incontournable, dans un tout autre genre, je dirais qu’un de mes rituels est l’épisode de Plus belle la vie journalier. Non, ce n’est pas du second degré. Bon en tant que geek, je regarde les épisodes trois jours avant la diffusion sur France 3 (à une époque, c’était sept jours mais les censeurs ont sévi) grâce à un site de streaming qui diffuse les épisodes en avance. Je peux refiler le tuyau à qui le veut, je laisse les liens à X-silence, au cas où d’autres amateurs veulent se projeter dans le turfu avec moi.
Pour les films, j’en citerais trois dans des genres très différents que j’ai vu récemment : - Haxan la sorcellerie à travers les âges, un faux film documentaire muet de 1922 réédité récemment en blu-ray. « Under the silver lake » de David Robert Mitchell et Midsommar » de Ari Aster. En film français, je dirais « L’été meurtrier » de Jean Becker avec Alain Souchon et Isabelle Adjani que j’ai revu il y a deux jours. Pour un disque, je conseillerais les deux albums d’un groupe anglais merveilleux et trop méconnu : Flotation Toy Warning. En français, je dirais que mon dernier coup de cœur c’est le groupe de folk « Facteurs Chevaux » qui a sorti un très bel album « Chante-nuit » en 2020. En livre, je conseillerais le dernier Houellebecq « Anéantir » que je m’apprête à lire. Ah et dernier petit tuyau, j’ai découvert hier sur Youtube « An evening with Rivers Cuomo at San Francisco », un concert acoustique de Rivers Cuomo de 27 chansons dans un lieu intimiste où la foule chante chaque chanson et où il joue tous les classiques de Weezer + des covers des Smashing Pumpkins, Oasis, Green Day, entre autres, et surtout beaucoup de chansons d’un des plus grands albums de tous les temps : « Pinkerton ».
Allez un dernier mot ?
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Force à tous les X-silencieux, on est ensemble. De ouf.
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