Holden

Fantomatisme

Fantomatisme

 Label :     Le Village Vert 
 Sortie :    lundi 23 mars 2009 
 Format :  Album / CD   

Le secret le mieux gardé de la pop française... Comment ce groupe peut-il encore passer aussi inaperçu? Certes, ce disque et son prédécesseur ont été loués au travers de nombreuses critiques, mais au bout du compte, ça reste quand même assez confidentiel. Pourtant, les morceaux, riches et parfois complexes, sont d'écoute très facile, on est bien dans la pop la plus pure, une pop qui s'assume à 400%, aux mélodies collantes comme pas possible... Certes on est cependant en pleine pop savante, qui emprunte à un large éventail de styles, tous réunis autour d'une tradition pop/chanson française hyper décomplexée. Encore une fois merci aux portes ouvertes par Barbara, Manset, Dominique A, Jean-Louis Murat,etc,... ! Est-ce qu'il y'a un rapport entre la sous-exposition de ce groupe et le fait qu'il soit le cul entre deux pays, la France et le Chili?
Holden est né en 1998 à Paris, autour de Mocke à la guitare et Armelle Pioline au chant. Le premier album, "L'Arrière-Monde" se situait dans la vague post-"Mémoire Neuve" de Dominique A, avec le succès du label Lithium sur lequel il était signé; un bon début, avec les caractéristiques du groupe encore timides mais des compositions déjà aventureuses... Avec un super morceau en anglais, "Chained". Le suivant, "Pedrolira" est l'album qui les a fait accéder à un plus haut niveau de popularité. En ce qui me concerne, il est aussi un album moyen, certainement leur moins bon. C'était pourtant la première collaboration avec Atom TM, compositeur allemand versé dans l'électro, basé à Santiago au Chili. Mais cela portera ses fruits dès le troisième disque de Holden, "Chevrotine" sorti en 2006: le sucré des mélodies chantées est épuré et placé dans un écrin instrumental plus luxuriant et glacé. Et à partir de ce moment-là, je deviens fan du groupe. On atterrit en pleine rencontre Françoise Hardy VS Robert Wyatt. C'est jouissif de voir cette chanson française légère pleinement assumée et pas snobée, intégrée à une instrumentation riche et savante, jamais tape à l'oeil. Le parti pris esthétique de Holden est aussi, donc, de veiller à ce que l'équilibre de ce grand écart soit scrupuleusement respecté. Les membres du groupes sont de vrais passionnés de musique, écoutent beaucoup de disques et ça se sent.

Pourtant, en ce qui me concerne, ça n'était pas gagné... J'ai découvert le groupe avec ce troisième album, "Chevrotine" donc, et je n'ai pas été séduit directement, loin de là... J'ai fait l'erreur de sous-estimer le chant qui joue la carte d'une certaine neutralité aérienne, et je trouvais ça fade. Fade? Loin s'en faut en fait! Je pense même que cela participe à la subtilité des compositions: les mélodies sont tellement directes et simples, qu'en faire plus alourdirait peut-être la chose, déjà très évidente. Le dernier album, "Fantomatisme" fonctionne de la même manière que le précédent, à ceci près que les brides sont lâchées: l'influence psyché 70's est très accentuée. Histoire de donner quelques pistes, le groupe cite en vrac: Thelonious Monk, Syd Barrett, Robert Wyatt, Sun Ra, Skip James, John Fahey , Broadcast, Moondog, Bo Diddley, Can , Hank Williams, Brigitte Fontaine,etc,...
A l'heure où beaucoup de leurs contemporains pratiquent aussi le mélange des genres, Holden a pour lui son versant chanson/pop française 60's et j'ai vraiment la sensation que c'est ce qui agit comme rigueur organisatrice sur les autres influences provenant d'horizons bien divers. Le résultat est une pop unique pour peu qu'on prenne le temps de ne pas rester en surface.

"Fantomatisme" possède un sacré lot de richesses et il en faut du temps pour toutes les épuiser! Et ceci n'est pas une phrase toute faite!
Le premier morceau "Les Animaux du Club" annonce la couleur du disque: aérien, riche et subtile. En passant, sur ce disque, le chant est intégralement en français; sauf "La Carta", reprise de Violeta Parra, légendaire guitariste folkeuse chilienne morte à la fin des années 60. C'est assez louable et courageux: ça donne un niveau supplémentaire de richesse aux morceaux; d'autant que les textes sont assez beaux, et que des phrases restent lonnnnnnnngtemps en tête. Le second morceau, "Dans La Glace", une sorte de pop/folk bucolique et bricolo, et le cinquième, "Un Toit Etranger", une ballade folk/psyché imparable et parfaite, sont sans doutes les sommets mélodiques de l'album...même si j'ai une préférence pour ce dernier qui m'a valu une obsession quasi-névrotique (je ne compte plus le nombre de fois où j'ai fredonné les paroles: "Combien de fois ai-je dormi sous un toit étranger...?"). Plus loin, "Maureen Katie Maya Aussi", "Longue Est Ma Descente" et "Où Sont Vos Bras Messieurs" (super structure, superbe batterie jazz/ambient Wyattesque), sont autant de mélopées lunaires et planantes, irrésistibles, mais finalement c'est sur un folk/country solaire que le disque va se clore, plus terrien. L' aventure céleste de Holden, soutenu, il faut le (re) préciser, par le génial boulot de Atom TM au mixage, est pourtant alors sur le point de se terminer. En effet, la collaboration a été super fructueuse, mais le groupe reviendra, avec tout autant de talent, à quelque chose d'un peu plus brut, avec guitare plus présente.

En définitive, Holden s'adresse à qui? Sans doute à celui qui est curieux tout d'abord, qui sait apprécier une certaine chanson française issue des 60's, mais aussi le jazz/psyché 70's. Et à celui qui n'a pas peur du sucré, qui sait différencier la guimauve indigeste de la douceur plus subtile.


Parfait   17/20
par Pab


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