Propaganda

A Secret Wish

A Secret Wish

 Label :     ZTT 
 Sortie :    juillet 1985 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Trevor Horn est quand même un drôle de type: ancien leader des Buggles, responsables de Video Killed The Radio Stars, il s'est lancé dans la carrière de producteur au début des années 80, à travers le label ZTT Records. Ce label a produit des groupes tels que Frankie Goes To Hollywood ou Art Of Noise, avec un certain succès commercial et surtout financier pour notre bonhomme. En lisant ces quelques lignes, on est bien loin de l'indé. Pourtant, ce même Trevor Horn a aussi produit Belle and Sebastian, tout en fomentant des coups tels que t.A.T.U. dans les années 2000. Alors, la chronique qui va suivre va -t'elle nous parler d'indé ou de bouse commerciale?

Il serait hors de propos de dire que Propaganda est un groupe indé, comme ce serait mal les juger en clamant que c'était un groupe totalement mainstream pour son époque. Au départ, Ralf Dörper, Suzanne Freitag, Claudia Brücken et Michaël Mertens, font des reprises de Kraftwerk et Throbbing Gristle dans leur Allemagne de l'Ouest natale, jusqu'à ce que Paul Morley du New Musical Express et Trevor Horn les croisent et les fassent signer sur leur label... ZTT Records. De cette collaboration naîtra l'album A Secret Wish, auquel nous allons nous intéresser ici.

Musicalement, Propaganda propose au choix New Wave, Synth Pop et Dark Wave, avec une certaine appréciation de l'expérimentation (alors oui, bien sûr, c'est pas Einsturzende Neubauten, mais ce n'est pas Trio ("Da Da Da") non plus (si l'on veut comparer avec d'autres allemands)). Cette expérimentation, synthétique, est exploitée à la fois dans des contingences pop ("Duel") et dans des morceaux un peu plus aventureux ("Jewel"). D'ailleurs, cette opposition entre un pôle chaud et froid caractérise assez bien l'esprit de de A Secret Wish et à l'origine "Jewel" et "Duel" se fondaient dans une seule et même piste: on passait d'un punk robotique à une bluette pop. Est-ce que l'inverse aurait été plus pertinent? Grande question...

Une autre opposition notable est le chant, assuré d'une part et d'autre par Suzanne Freitag et Claudia Brücken. La première est dans le monologue froid tandis que la seconde assure les passages mélodiques et fait office de "voix" pop.

Evidemment, c'est bien le "dark side" de Propaganda qui fera fondre les amateurs: les nappes de synthés glacées (le bien nommé "Frozen Faces"), les séquences de basse agressives et les rythmiques menaçantes ("The Chase"), et les machines au services de refrain pop redoutables ("The Murder Of Love").

L'album s'ouvre sur un long morceau de 8 minutes, "Dream Within A Dream", qui commence par un saxophone langoureux qui pourrait en faire fuir plus d'un. Mais très vite, le givre des synthés revient et fige cette mélodie pour de bon. Suzanne Freitag nous décline un long texte comme dans un rêve (ben ouais, c'est ça...), avant que le compte à rebours s'écoule et que quelques guitares rythmiques et soli se tissent dans ce brouillard. Brouillard qui se dissipe sur "The Murder Of Love", plus rythmé et qui introduit la voix de Brücken. Basses efficaces, rythmiques metalliques, le rêve continue mais en plus industriel."Jewel" poursuit dans cette veine, mais en plus foutraque, les samples se cumulent, la basse est robotique, les cris et les voix sont trafiqués, et laissent place à "Duel" qui reprend la même base mais en plus pop et éclairé (et quand même bien moins réussi). "Frozen Faces" marque le retour de Freitag au chant, dans des ambiances un peu plus expérimentales jusqu'à ce que musique et voix (passage où revient Claudia Brücken) redeviennent clairs et limpides, bien que ce soit une limpidité d'eau gelée. "P- Machinery" fut le gros tube de Propaganda à l'époque et avait même servi de jingle à Skyrock( quand Skyrock portait à peu près bien son nom)! Le morceau est entre la réussite synth pop et le kitsch (avec ses sons d'R2-D2 au début et sa touche forcément eighties), mais reste agréable et marrant, donc pourquoi se priver. "Sorry For Laughing" est un peu plus convenu, et bénéficiera d'une reprise par Nouvelle Vague chez nous pour une version intimiste qui révèlera plus de potentiel. "The Chase" est plus menaçant, avec ses rythmiques quasi-militaires, et explose à la fin dans une ambiance d'urgence et d'agression. "Dr Mabuse" fut un autre tube, moins connu en France, qui reprend les thèmes du film de Fritz Lang. Le refrain ("selling your soul, selling your soul, never look back, never look back") reste dans la tête et l'instrumentation est bonne, mais l'accent allemand se fait parfois un peu trop ressentir...

A Secret Wish connaîtra un succès d'estime, éclipsé dans son propre label par Frankie Goes To Hollywood et leur Welcome To The Pleasure Dome, et Propaganda malheureusement n'aura pas vu sa carrière décoller. Il est à noter que beaucoup des versions live d'A Secret Wish disponibles aujourd'hui sur le net permettent de voir le groupe sous un autre jour: rejoints par Kevin Armstrong (qui a collaboré avec Morrissey et Bowie par ailleurs) et la section rythmique de Simple Minds (oui, oui, au début c'était bien) première version (Derek Forbes et Brian Mc Gee), les morceaux gagnent en épaisseur et ont une autre prise.

Propaganda aura connu une courte carrière, mais sera reconnu par ses pairs (Martin Gore des Depeche Mode est un fan du groupe, et aura aidé Claudia Brücken dans sa carrière solo). Pourquoi courte? Parce que les membres de Propaganda se sont fait avoir par les contrats de ZTT records: à savoir, ils ne touchaient pas ou très peu d'argent sur leurs ventes et recettes. Après plusieurs procès et tentatives de retours foireuses, chacun a poursuivi seul. N'empêche ce Trevor Horn, quel type bizarre...


Très bon   16/20
par Machete83


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