Funeral For A Friend

Casually Dressed & Deep In Conversation

Casually Dressed & Deep In Conversation

 Label :     Atlantic 
 Sortie :    lundi 13 octobre 2003 
 Format :  Album / CD   

Il y a des groupes comme ça, qui ont marqué un moment de notre vie, et dont on se rend compte, avec du recul, qu'ils n'auront pas été les feux de paille que l'on prédisait. Funeral For A Friend en fait partie, et leur premier effort, Casually Dressed & Deep In Conversation, constitue un très bon exemple de production musicale qui reste intacte et sans rides, même dix ans après. Sorti en 2003 en pleine vague emocore revival (heureusement disparue aujourd'hui), cet album du groupe gallois étonne encore par sa richesse, son explosibilité et son originalité, alors qu'il aurait pu être étiqueté, catalogué et mis aux oubliettes une fois la tendance révolue.

Dès la première écoute (ou nouvelle plongée nostalgique), on se rend compte qu'il n'en est rien. "Rookie of the Year", donne le ton d'emblée : on a là affaire à une formation qui joue saccadé, carré, et qui déploie autant d'énergie que de colère et d'émotion, le tout avec un sens de la précision assez imparable. Et ce sera comme ça tout au long de l'album. Funeral For A Friend récite une sorte de post-hardcore très original, car difficilement identifiable et rempli de nombreuses influences : du pop punk accrocheur et mélodique à la Samiam et Lifetime, en passant par les formations cultes d'emo (le vrai, celui de Mineral, The Promise Ring ou Texas Is The Reason, celui qui avait plus à voir avec Fugazi qu'avec les pantalons slim à l'extrême, les Vans à damier et les mèches noires brushées abominables), en passant par les riffs très heavy années 80 : les fameux "galops de guitares" hérités d'Iron Maiden structurent la plupart des morceaux, et donnent cette densité et cette couleur caractéristique à la musique de la formation galloise.
Rajoutons à cela des titres de morceaux énigmatiques ou carrément incompréhensibles (souvent à rallonge), et un soin tout particulier apporté aux textes, et vous obtenez la furie Funeral For A Friend. En alternant passages calmes et grosses frappes agressives, voix calme et cris gutturaux (le chant est partagé entre Matt Davies, dont l'influence de Samiam ne fait aucun doute, et le batteur, assigné aux gueulantes), le groupe réussit parfaitement à ne pas ennuyer son auditeur ; "Juneau" en serait le parfait exemple, tendu puis posé avant de devenir ravageur. Disons-le clairement : Davies n'a rien d'incontournable dans la voix, mais il arrive à très bien s'en servir, et à donner à l'ensemble un rendu très intéressant, via son chant. Certaines pistes sont d'ailleurs incroyablement accrocheuses et pourvues d'une vibration particulière, quelque part entre émotion facile, mélodies franches ou innocentes, et cris absurdes : "Bend Your Arms to Look Like Wings" est l'archétype d'un titre de Funeral For A Friend, cisaillé et maîtrisé de A à Z, imparable. Tandis que "Escape Artists Never Die", "Storytelling" ou bien "Waking Up" sont de véritables perles puissantes et attachantes, contenant une émotion curieusement palpable entre le chant et la valse tortueuses des guitares lumineuses mais aiguisées comme des rasoirs. Ça donne le tournis, ça explose, ça vient des tripes, et ça se ressent malgré une production vraiment très lisse. Les deux guitares, l'une lourde, l'autre solide, craquent à tout va, et forment la marque de fabrique du quintette. Le ton est souvent ombrageux, parfois guerrier et viscéral, voire un brin romantique, sans forcément rester sobre : le groupe veut avoir cette dimension grandiose. Et même lorsqu'il s'agit de titres relativement plus modestes, Funeral For A Friend fait son taf, humblement et proprement : "Bullet Theory", "She Droves Me to Daytime Television", "Moments Forever Faded", "Novella", sont autant de titres qui s'écoutent d'une traite, fleurant bon le mix bien ficelé de divers précurseurs et pionniers de genres bien différents.
Et à juste titre, car c'est lorsque les Gallois essayent de se démarquer, en se positionnant dans un style plus précis, qu'ils peuvent paradoxalement s'éparpiller et diviser les plus sceptiques. Le très (trop) metalcore "Red Is The New Black" ou la ballade acoustique "Your Revolution Is a Joke" (avec les cordes émouvantes), bien que très belle, feraient probablement s'éloigner Funeral For A Friend de ce qu'il est vraiment, peut-être de par ce côté un peu trop prévisible et attendu. De même que le recours parfois intempestif à la double pédale pour les passages les plus directs, ou aux intonations un peu trop plaintives du chanteur, sont susceptibles d'agacer. Les amateurs du genre en seront, en revanche, les premiers ravis.

Bref, une analyse plus poussée de Casually Dressed & Deep In Conversation serait plutôt stérile, car l'album du jeune groupe d'alors, sorti du fin fond du Pays De Galles, surpasse haut la main les attentes suscitées par un premier album. Après de nombreuses démos et EPs, Funeral For A Friend a su créer une œuvre spontanée et sincère, originale et accrocheuse, et surtout loin des clichés ricains du genre. Pour toute personne avertie, le disque peut aussi bien mettre une grande claque à son auditeur, que le plonger dans un univers bien propre au groupe (à noter, à ce sujet, l'excellent artwork, dont la photographie magnifique de Chris Dunlop en guise d'illustration, inspiré par le tableau de René Magritte, Les Amants). Le cocktail est, contre toute attente, ultra bien foutu, alliant la sensibilité désinvolte de l'emo années 90, l'urgence du punk, la puissance et la technique du metal, et la fougue souvent innocente du bon vieux pop punk dans la lignée de Samiam ou de Jawbreaker. Et cette originalité fait que Casually Dressed & Deep In Conversation mérite de sortir du piège temporel de l'innommable vague emo du début des années 2000 qui n'avait absolument aucune émotion à véhiculer. Cet album est la preuve que des formations de post-hardcore comme celle-ci, plus proche d'un Hell Is For Heroes que d'un Glassjaw dans la forme, mais pourtant assez similaires dans le fond, avaient des choses à dire et n'allaient pas rester une simple mode éphémère de cette génération maudite. Dix ans après, il n'est jamais trop tard pour se prendre une bonne grosse décharge d'énergie galloise dans la gueule, toute simple mais diablement efficace.


Très bon   16/20
par Pumpkin Ben


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