Sóley
We Sink |
Label :
Morr Music |
||||
Sóley est le vilain petit canard rejeté de la classe folk pour la rentrée 2011. Issue du collectif Seabear à l'indie pop chaleureuse et bucolique, l'islandaise prise à part est une mystérieuse bête à la patte folle qui trimballe ses histoires dans un vieux sac abîmé par les larmes et broie le noir d'une encre indélébile qui petit à petit recouvre tout ce qui existe. Trop fébrile pour exorciser ses démons amoureux avec panache ou dérision, elle se revêt d'oripeaux de guitare ou de piano faisant écho à sa propre solitude et se construit un univers décalé dérangé. Le royaume dans lequel elle évolue est maléfique et morbide. Les arbres prennent vie et lisent dans les pensées, la pelouse fait des croc-en-jambes, les oiseaux sont écrasés pour faire des manteaux en plumes ("Smashed Birds" caressante), le clown du récit est mis à mort, les personnages se noient dans leurs propres larmes ("I'll Drown") ou perdent leurs yeux pendant leur sommeil (la grâce de "Blue Leaves")... On croirait être dans le carnet de dessins The Melancholy Death Of Oyster Boy de Tim Burton ("take my eye, put them in and look at me now" sur "And Leave"). Prise au piège dans un monde étrange dont les tableaux communiquent entre eux dans un labyrinthe sans fin, elle se protège en fait d'un homme parfois adjuvant dans ses aventures biscornus mais le plus souvent coupable de son bonheur désenchanté. Le type de relation destructrice qui laisse inévitablement des séquelles et des idées qui ne tournent pas rond. We Sink illustre ainsi la dérive programmée d'un bout de femme aux épaules chétives et cassantes dont le chant reste la seule arme. Alors que le disque glisse doucement vers les tréfonds d'un folk dépouillé désabusé ou d'une chamber pop décrépie, sa voix embuée, qui n'est pas sans rappeler Emilíana Torrini ("Bad Dream" pourrait sortir sans mal de Fisherman's Woman) ou Bianca Cassidi sur la petite boîte à musique "Figh Them Soft" détraquée ou la valse funèbre de "About Your Funeral", écope comme elle peut le malheur qui assaille son radeau. Vide de toute force, "And Leave" sera plus bas que tout. Les rôles s'inversent alors peu à peu et Sóley apparaît comme une sirène qui charme par sa pureté invasive à en faire perdre pied. On ne retrouvera l'énergie du début du disque qu'en toute fin lorsque la maison de cet homme, théâtre récurrent de ses émois, se retrouve en feu sur "Theatre Island", miroir mélodique au piano de "Smashed Birds", et on n'en sera pas surpris. Le mal est réparé. We Sink est sans aucun doute un grand album en huis clos, romanesque et cathartique.
Très bon 16/20 | par TiComo La Fuera |
En ligne
424 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages