Ane Brun

A peine un an après Spending Time With Morgan, bien reçu au bercail, Ane Brun poursuit sa visite du terroir musical américain. A Temporary Dive est la conjonction d'un désir constant d'exil vers le nouveau monde, d'être déraciné de ses terres pour se replanter sur les rives des plus beaux fleuves folk, et de l'abandon d'une histoire d'amour qui a laissé des séquelles, d'une rupture retardée par la conviction qu'elle ne peut avoir de telle fin. Deux faits qui vont de paire pris dans le baluchon cathartique de celle qui ne l'abandonnera pas : Morgan, sa guitare. L'album est donc on ne peut plus confidentiel et dépouillé, au chevet de cet amour qui vient de rendre son dernier soupir. Ane Brun n'a pas réinventé son songwriting pour autant mais la sincérité de ses textes suffisent à eux seuls et au sac qui doit être vidé. En effet, elle tourne par la même occasion la page d'une relation qui était avant tout amicale : My friend you left me in the end, I can't believe I'm writing a song, where friend rhymes with end. On imagine que la situation doit être d'autant plus dure. Sa voix déjà fragile accuse le coup bloquée dans la gorge, ravalant d'imperceptibles sanglots avec gravité sur "To Let Myself Go", "My Lover Will Go"... Malgré son fardeau, elle parvient à un sommet des plus merveilleux : "A Temporary Dive" puis "Laid In Earth", reprise d'un certain Purcell, complainte enivrante de violons déchirés. Car il y a une chose que l'artiste n'est pas prête à abandonner, ce sont les doux arrangements, certes réduits au possible ici, et s'offre même la collaboration de Ron Sexsmith sur "Song N°6" qui marque le premier duo et annonce Duets. Arrangements suffisamment bien placés pour rehausser l'humeur du disque à la hauteur de son message. Elle ne boira pas la tasse longtemps, la situation n'est que temporaire et ce titre lui rappelle de garder l'espoir et maintenir le cap. Celui qu'elle a toujours visé avec sa guitare.