Charlotte Hatherley
The Deep Blue |
Label :
Little Sister |
||||
Il faudra vraiment un jour que quelqu'un d'influent (plus que David Bowie, en tout cas. Bref, c'est pas gagné...) puisse réhabiliter comme il se doit le travail de Charlotte Hatherley, et la resituer à une place plus importante dans le grand cirque Pop Rock.
De la même manière qu'on néglige (trop) souvent les créateurs du genre dans son sens le plus simple et noble, la carrière de l'ancienne guitariste de Ash (voici, en gros ce que retiendra l'Histoire, en plus d'avoir été un temps la dulcinée du réalisateur Edgar Wright) se fera dans la confidentialité, malgré une presse toujours favorable et une reconnaissance assurée par ses pairs.
Est-ce un mauvais " timing " dans la chronologie de cette Histoire, là où la fin des années 2000 et les années qui suivront se complairont à lâcher tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la Pop électrique, pour se concentrer au final sur des collages ou mélanges sonores sonnant plus aventureux et actuels mais le plus souvent creux au niveau de la pure inspiration mélodique ?
L'époque a -'t-elle préféré des voix plus vaporeuses et éthérées dans l'Indie Pop, en lieu et place de celles plus sucrées et doucement fruitées ?
S'il y avait une vraie réponse à ces questions...
Et pourtant, prenons The Deep Blue composé juste après avoir quitté son super groupe : produit par Eric Drew Feldman (n'ayant malheureusement pour la blague aucun lien avec le compositeur de " Valses De Vienne ", " Petit Franck " et " Joue Pas ", mais ayant collaboré avec Franck Black, P.J Harvey et Captain Beefheart entre autres...) et Rob Ellis (encore P.J. Harvey), et bénéficiant également de la présence d'Andy Partridge (XTC) sur " Dawn treader ". Niveau noms qui inspirent la confiance, y a quand même de la matière.
Mais une production ne fait pas tout. Le but est d'avoir de bonnes chansons. Balançons en 3 tout de suite : si vous avez la flemme d'écouter The Deep Blue, allez chercher les titres " Siberia ", " Behave " (salué par David Bowie), et " Love's Young Dream .
Du percutant, de la finesse et du riff accrocheur. Mais il y a une science discrète derrière tout cela : c'est enlevé, dynamique, limpide au niveau des harmonies et des mélodies, mais il y toujours cet espèce de pas de côté, créant une dissonance, un trait de beauté incongru dans cette jolie mécanique.
Si vous souhaitez aller plus loin, écoutez vous donc l'album et aller jouer au jeu des influences, la plupart du temps bien amenées et senties : Bowie et P.J. Harvey toujours, la Pop nautique d'XTC pour une grande partie, The Beatles, Brian Eno, le versant doux et délicat de Nirvana (le titre caché " Lost In Time ")... On se rappellera aussi de son ancien groupe pour l'énergie (" I Want You To Know ") et un certain romantisme (" Very Young "). La phrase qui suit est facile et bien trop utilisée mais voilà vraiment quelqu'un ayant su faire de toutes ses influences quelque chose de tout simplement personnel.
Au-delà des influences, écoutez vous simplement un bon disque : d'une, c'est l'un des petits / grands plaisirs de la vie, et ensuite parce que The Deep Blue permet à Charlotte Hatherley de passer à la vitesse supérieure. On se souvient de la bonne surprise et du charme à la fois discret et direct de Grey Will Fade ; ici, ce charme demeure, mais est plus mature et recherché. Notre Londonnienne s'affirme, sans faire dans la pose, ni dans l'ambition outrée, et fait son bonhomme de chemin, avec singularité et élégance.
En effet, pouvant dorénavant se consacrer entièrement à sa carrière, Charlotte Hatherley s'autorise davantage : tout d'abord elle publie cet album sous son propre label (Little Sister), puis se permet d'embaucher du beau monde (la production et les invités comme dit plus haut) et tant qu'on y est des sections de cordes (sur " Again ", par exemple).
Pour l'auditeur, The Deep Blue pourra être à la fois un coup de cœur immédiat et, lâchons les gros mots, un " grower " (en français, l'album que quand tu l'écoutes la première fois t'es pas sûr du truc mais intuitivement tu pressens que quand tu l'écouteras plusieurs fois ensuite tu trouveras ça et là ton bonheur musical ce qui se révélera être le cas une fois que tu auras maîtrisé petit à petit une ligne de basse par ci, une " outro " par là, un plan guitare cool ailleurs et que l'un dans l'autre tu auras intégré la dynamique du disque pour finalement le comprendre, tu pourras ensuite faire le fier autour de tes amis et dire : " oui, mais vous ne comprenez pas, ce disque, c'est un " grower ").
Dans la catégorie des titres qui prennent leur temps, on aura donc l'intro, intitulée " Cousteau ". Un titre petit mais " Cousteau ", qui vous plonge non pas dans le monde du silence, mais bel et bien dans une ambiance sous-marine : bien sûr, on n'y croisera pas Jojo le Mérou ni de bonnets rouges, plutôt des guitares cristallines et pleines d'effets, et la voix de Charlotte, comme un chant mythologique, qui fait sa petite sirène. Cette immersion en douceur nous amène ensuite plus en profondeur dans " Be Thankful ", où les motifs de guitares précédents se fondent dans une autre mélodie, comme pour mieux nous (ra)mener en bateau, à la surface de l'eau, où la surface des choses et leur reflet ne sont plus vraiment les mêmes.
Dans cet équilibre fragile et magique, entre ce qui est accessible et quelque peu indicible, des titres tels que " Wounded Sky " font merveille : des mélodies pourtant simples, des ponts décalés, un peu difformes, des paysages touffus par lesquels on atteint pourtant l'île Pop par excellence.
Heureusement, dans ce Grand Bleu (promis, vous n'entendrez pas de cris de dauphins synthétiques façon Eric Serra), il y a aussi des titres Rock, solides comme un roc et boostés à bloc (" Love's Young Dream "), des riffs ondulés commes des permanentes médusées (" Behave " sur lequel Bowie ne s'était vraiment pas trompé en le désignant comme " improbablement accrocheur ", - on notera directement un hommage au maître sur les sorties de " Love's Young Dream " justement, avec les guitares et cuivres rappelant ceux de la trilogie Berlinoise). Et que dire du superbe final qu'est " Siberia ", au souffle enlevé et énergique, et à la mélodie à la fois décalée et directe, dans un morceau purement Pop Rock véner, existentialiste et romantique. Un single parfait dans un monde idéal.
On pourrait encore gaver ce texte d'épithètes pour dire qu'il faut écouter tous les albums de Charlotte Hatherley, et redécouvrir son travail de haute valeur. Cette chronique ne pourra pas toucher un public aussi large que David Bowie pour revaloriser notre chanteuse-guitariste, mais si elle peut susciter la curiosité de 2,3 clampins, allez-y, tentez le coup !!!
De la même manière qu'on néglige (trop) souvent les créateurs du genre dans son sens le plus simple et noble, la carrière de l'ancienne guitariste de Ash (voici, en gros ce que retiendra l'Histoire, en plus d'avoir été un temps la dulcinée du réalisateur Edgar Wright) se fera dans la confidentialité, malgré une presse toujours favorable et une reconnaissance assurée par ses pairs.
Est-ce un mauvais " timing " dans la chronologie de cette Histoire, là où la fin des années 2000 et les années qui suivront se complairont à lâcher tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la Pop électrique, pour se concentrer au final sur des collages ou mélanges sonores sonnant plus aventureux et actuels mais le plus souvent creux au niveau de la pure inspiration mélodique ?
L'époque a -'t-elle préféré des voix plus vaporeuses et éthérées dans l'Indie Pop, en lieu et place de celles plus sucrées et doucement fruitées ?
S'il y avait une vraie réponse à ces questions...
Et pourtant, prenons The Deep Blue composé juste après avoir quitté son super groupe : produit par Eric Drew Feldman (n'ayant malheureusement pour la blague aucun lien avec le compositeur de " Valses De Vienne ", " Petit Franck " et " Joue Pas ", mais ayant collaboré avec Franck Black, P.J Harvey et Captain Beefheart entre autres...) et Rob Ellis (encore P.J. Harvey), et bénéficiant également de la présence d'Andy Partridge (XTC) sur " Dawn treader ". Niveau noms qui inspirent la confiance, y a quand même de la matière.
Mais une production ne fait pas tout. Le but est d'avoir de bonnes chansons. Balançons en 3 tout de suite : si vous avez la flemme d'écouter The Deep Blue, allez chercher les titres " Siberia ", " Behave " (salué par David Bowie), et " Love's Young Dream .
Du percutant, de la finesse et du riff accrocheur. Mais il y a une science discrète derrière tout cela : c'est enlevé, dynamique, limpide au niveau des harmonies et des mélodies, mais il y toujours cet espèce de pas de côté, créant une dissonance, un trait de beauté incongru dans cette jolie mécanique.
Si vous souhaitez aller plus loin, écoutez vous donc l'album et aller jouer au jeu des influences, la plupart du temps bien amenées et senties : Bowie et P.J. Harvey toujours, la Pop nautique d'XTC pour une grande partie, The Beatles, Brian Eno, le versant doux et délicat de Nirvana (le titre caché " Lost In Time ")... On se rappellera aussi de son ancien groupe pour l'énergie (" I Want You To Know ") et un certain romantisme (" Very Young "). La phrase qui suit est facile et bien trop utilisée mais voilà vraiment quelqu'un ayant su faire de toutes ses influences quelque chose de tout simplement personnel.
Au-delà des influences, écoutez vous simplement un bon disque : d'une, c'est l'un des petits / grands plaisirs de la vie, et ensuite parce que The Deep Blue permet à Charlotte Hatherley de passer à la vitesse supérieure. On se souvient de la bonne surprise et du charme à la fois discret et direct de Grey Will Fade ; ici, ce charme demeure, mais est plus mature et recherché. Notre Londonnienne s'affirme, sans faire dans la pose, ni dans l'ambition outrée, et fait son bonhomme de chemin, avec singularité et élégance.
En effet, pouvant dorénavant se consacrer entièrement à sa carrière, Charlotte Hatherley s'autorise davantage : tout d'abord elle publie cet album sous son propre label (Little Sister), puis se permet d'embaucher du beau monde (la production et les invités comme dit plus haut) et tant qu'on y est des sections de cordes (sur " Again ", par exemple).
Pour l'auditeur, The Deep Blue pourra être à la fois un coup de cœur immédiat et, lâchons les gros mots, un " grower " (en français, l'album que quand tu l'écoutes la première fois t'es pas sûr du truc mais intuitivement tu pressens que quand tu l'écouteras plusieurs fois ensuite tu trouveras ça et là ton bonheur musical ce qui se révélera être le cas une fois que tu auras maîtrisé petit à petit une ligne de basse par ci, une " outro " par là, un plan guitare cool ailleurs et que l'un dans l'autre tu auras intégré la dynamique du disque pour finalement le comprendre, tu pourras ensuite faire le fier autour de tes amis et dire : " oui, mais vous ne comprenez pas, ce disque, c'est un " grower ").
Dans la catégorie des titres qui prennent leur temps, on aura donc l'intro, intitulée " Cousteau ". Un titre petit mais " Cousteau ", qui vous plonge non pas dans le monde du silence, mais bel et bien dans une ambiance sous-marine : bien sûr, on n'y croisera pas Jojo le Mérou ni de bonnets rouges, plutôt des guitares cristallines et pleines d'effets, et la voix de Charlotte, comme un chant mythologique, qui fait sa petite sirène. Cette immersion en douceur nous amène ensuite plus en profondeur dans " Be Thankful ", où les motifs de guitares précédents se fondent dans une autre mélodie, comme pour mieux nous (ra)mener en bateau, à la surface de l'eau, où la surface des choses et leur reflet ne sont plus vraiment les mêmes.
Dans cet équilibre fragile et magique, entre ce qui est accessible et quelque peu indicible, des titres tels que " Wounded Sky " font merveille : des mélodies pourtant simples, des ponts décalés, un peu difformes, des paysages touffus par lesquels on atteint pourtant l'île Pop par excellence.
Heureusement, dans ce Grand Bleu (promis, vous n'entendrez pas de cris de dauphins synthétiques façon Eric Serra), il y a aussi des titres Rock, solides comme un roc et boostés à bloc (" Love's Young Dream "), des riffs ondulés commes des permanentes médusées (" Behave " sur lequel Bowie ne s'était vraiment pas trompé en le désignant comme " improbablement accrocheur ", - on notera directement un hommage au maître sur les sorties de " Love's Young Dream " justement, avec les guitares et cuivres rappelant ceux de la trilogie Berlinoise). Et que dire du superbe final qu'est " Siberia ", au souffle enlevé et énergique, et à la mélodie à la fois décalée et directe, dans un morceau purement Pop Rock véner, existentialiste et romantique. Un single parfait dans un monde idéal.
On pourrait encore gaver ce texte d'épithètes pour dire qu'il faut écouter tous les albums de Charlotte Hatherley, et redécouvrir son travail de haute valeur. Cette chronique ne pourra pas toucher un public aussi large que David Bowie pour revaloriser notre chanteuse-guitariste, mais si elle peut susciter la curiosité de 2,3 clampins, allez-y, tentez le coup !!!
Parfait 17/20 | par Machete83 |
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