Widowspeak

A peine avons nous eu le temps de pleurer la disparition de Trish Keenan, que sa voix s'est déjà réincarnée et a pris possession d'un nouveau corps. Molly Hamilton, guitariste et leader de Widowspeak, est cette hôte de la providence et endosse cette responsabilité avec réussite. Entourée de Robert Earl Thomas à la guitare et Michael Stasiak à la batterie, cette belle brune réinjecte cette voix lascive, doucement évocatrice dans l'environnement qui lui va si bien. Le binôme de guitares à deux vitesses fait se rejoindre les airs de Mazzy Star et des rengaines lorgnant sur les 50's 60's plus toniques couvert par une rythmique discrète subissant le plus souvent le contrecoup de la mélancolie ambiante. Le trio développe des trames modestes indie pop un tantinet défraîchies façon Sarah Record rendant grâce aux notes graves et funestes de Morricone ("Nightcrawlers" cavalière métallique) et aussi à la surf pop avec notamment "Gun Shy" qui aurait pu être de Chris Isaak (ils lui avaient déjà piqué "Wicked Game" sur un 7'). Et c'est dans cette dream pop simple, ciselée et secrète, que le timbre de Molly, légèrement en recul, soupirant au possible, capte toute attention et désir. Beauté nue rappelant les venins délicieux de Hope Sandoval ou Jennifer Charles, l'américaine joue d'une pudeur qui éveille les sens et pousse à la tentation au summum sur "Limbs". Pourtant, malgré cette distance prise, le charme de ses plaintes murmurées opère inévitablement, transperce les limbes justement et colle à la peau. Le registre est d'un éther sombre mais qu'à cela ne tienne cette voix à la fois funeste et féconde est irrésistible. On en redemande, ça va pas nous tuer... Et puis si c'était le cas, ne serait-ce pas une belle fin ?