Throwing Muses
Untitled |
Label :
4AD |
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En 1986, quand Untitled sort, Kristin Hersh et Tanya Donelly viennent à peine de fêter chacune leur vingtième anniversaire et la maturité musicale dont elles font preuve est tout simplement saisissante.
Formé autour des demi-sœurs Hersh et Donelly, et d'amis de fac, Throwing Muses voit le jour au début des années 1980. Le groupe enregistre quelques morceaux, joue dans des clubs avant d'être repéré par Watts-Russell et de devenir le premier groupe américain à signer chez 4AD. L'année suivante, le label britannique signera les Pixies.
Dans ses mémoires, Rat Girl, parus à l'automne 2010, Kristin Hersh raconte qu'elle a été diagnostiquée bipolaire et est tombée enceinte à peu près à l'époque de la composition de l'opus et de son enregistrement (1985-1986).
Hersh a souvent décrit sa façon d'écrire comme un processus qui la dépasse. Régulièrement, elle se met à entendre des voix qui la hantent; des sons et bruits jaillissent dans sa tête, se combattent, jusqu'à ce que Kristin prenne une guitare et compose ce qu'elle entend. Le brouhaha incohérent prend petit à petit l'apparence d"une chanson plus ou moins cohérente. Au final, les chansons semblent du bourdonnement incessant se former et s'écrire toutes seules. Ce curieux phénomène, peut-être abstrait, prend tout son sens quand on écoute les compositions de l'artiste, tant la folie et l'anarchie qui règnent défie la musique elle-même. Hersh, frénétique, chante sans fioriture des morceaux tourmentés, chaotiques, chargés d'émotions palpables et contradictoires.
On retrouve la folie créatrice ou plutôt la créatrice folie de Hersh dans la plupart de ses chansons. "Rabbits Dying", par exemple, débute par un chant troublant et gorgé d'anxiété; la minimaliste progression de cordes surligne un peu plus l'atmosphère dépressive et oppressante. Au milieu du morceau s'opère une rupture et la chanson se transforme en folk punk/country déglingué.
Les textes de Hersh sont étranges, angoissés et surréalistes. Citons par exemple, "Delicate Cutters", terrifiant et kafkaïen, qui semble avoir été écrit au réveil après un cauchemar ou encore "Vicky's Box" qui apparemment relaterait un meurtre particulièrement sordide, et dont la thématique allie l'absurde, l'homosexualité et la prostitution.
Musicalement, même si on peut notamment citer comme influences le Velvet Underground, les Dead Kennedys ou les Talking Heads (notamment sur "Fear"), la musique proposée par Throwing Muses est unique et personnelle. Couloir musical entre le post-punk et le rock alternatif, le groupe a probablement plus influencé qu'il n'a lui-même été influencé. Caractérisé par ses ruptures de tempos, ses expérimentations au niveau de la structure ou ses progressions de cordes, les morceaux du groupe semblent souvent abriter plusieurs sous-chansons: "Soul Soldier" notamment, l'un des plus beaux titres de l'opus, commence d'une façon chaotique et saccadée avant d'évoluer au tournant de la troisième minute en un joli final à la mélodie douce-amère entrecoupé de décharges soniques.
"Hate My Way" et "Green" sont peut-être les deux pièces maîtresses de l'opus. Diatribe sur Dieu, la figure paternelle, l'école et la société en générale, "Hate My Way" sonne comme une pop song déchiquetée par des guitares bruyantes et un chant criard. Quant à "Green", il s'agit de la seule chanson écrite et chantée par Tanya Donelly sur le disque. Le songwriting de Donelly a toujours été plus pop que celui de sa demi-sœur, et "Green" ne déroge pas à la règle. Comptine pop et surréaliste, le titre se révèle être l'un de mes morceaux favoris de l'album et sa mélodie entêtante surgit souvent dans ma tête sans prévenir et peu importe l'endroit.
Untitled, premier album qui n'a officiellement reçu aucun nom (l'éponyme, lui, date de 2003), est un album superbe de bout en bout, et il se paie de surcroît Gil Norton à la production (Pixies, Foo Fighters). Chargé d'émotion, l'opus a été composé par deux jeunes femmes sortant de l'adolescence et confrontées avec fracas à la vie dans ce qu'elle a de plus cash et de plus absurde. Le rejet de la figure paternelle et de tout symbole d'autorité, l'évanouissement de l'enfance, l'oscillation entre réalité et rêve, la découverte de la maternité et de l'amour, la relation à la maladie: tout se rencontre ici. Untitled est le premier coup de maître des demi-soeurs; le second s'appellera The Real Ramona (1991).
"...She goes around
This has another ending
(Remember the room)
Full of delicate cutters
Opening the doors"
(Delicate Cutters)
Formé autour des demi-sœurs Hersh et Donelly, et d'amis de fac, Throwing Muses voit le jour au début des années 1980. Le groupe enregistre quelques morceaux, joue dans des clubs avant d'être repéré par Watts-Russell et de devenir le premier groupe américain à signer chez 4AD. L'année suivante, le label britannique signera les Pixies.
Dans ses mémoires, Rat Girl, parus à l'automne 2010, Kristin Hersh raconte qu'elle a été diagnostiquée bipolaire et est tombée enceinte à peu près à l'époque de la composition de l'opus et de son enregistrement (1985-1986).
Hersh a souvent décrit sa façon d'écrire comme un processus qui la dépasse. Régulièrement, elle se met à entendre des voix qui la hantent; des sons et bruits jaillissent dans sa tête, se combattent, jusqu'à ce que Kristin prenne une guitare et compose ce qu'elle entend. Le brouhaha incohérent prend petit à petit l'apparence d"une chanson plus ou moins cohérente. Au final, les chansons semblent du bourdonnement incessant se former et s'écrire toutes seules. Ce curieux phénomène, peut-être abstrait, prend tout son sens quand on écoute les compositions de l'artiste, tant la folie et l'anarchie qui règnent défie la musique elle-même. Hersh, frénétique, chante sans fioriture des morceaux tourmentés, chaotiques, chargés d'émotions palpables et contradictoires.
On retrouve la folie créatrice ou plutôt la créatrice folie de Hersh dans la plupart de ses chansons. "Rabbits Dying", par exemple, débute par un chant troublant et gorgé d'anxiété; la minimaliste progression de cordes surligne un peu plus l'atmosphère dépressive et oppressante. Au milieu du morceau s'opère une rupture et la chanson se transforme en folk punk/country déglingué.
Les textes de Hersh sont étranges, angoissés et surréalistes. Citons par exemple, "Delicate Cutters", terrifiant et kafkaïen, qui semble avoir été écrit au réveil après un cauchemar ou encore "Vicky's Box" qui apparemment relaterait un meurtre particulièrement sordide, et dont la thématique allie l'absurde, l'homosexualité et la prostitution.
Musicalement, même si on peut notamment citer comme influences le Velvet Underground, les Dead Kennedys ou les Talking Heads (notamment sur "Fear"), la musique proposée par Throwing Muses est unique et personnelle. Couloir musical entre le post-punk et le rock alternatif, le groupe a probablement plus influencé qu'il n'a lui-même été influencé. Caractérisé par ses ruptures de tempos, ses expérimentations au niveau de la structure ou ses progressions de cordes, les morceaux du groupe semblent souvent abriter plusieurs sous-chansons: "Soul Soldier" notamment, l'un des plus beaux titres de l'opus, commence d'une façon chaotique et saccadée avant d'évoluer au tournant de la troisième minute en un joli final à la mélodie douce-amère entrecoupé de décharges soniques.
"Hate My Way" et "Green" sont peut-être les deux pièces maîtresses de l'opus. Diatribe sur Dieu, la figure paternelle, l'école et la société en générale, "Hate My Way" sonne comme une pop song déchiquetée par des guitares bruyantes et un chant criard. Quant à "Green", il s'agit de la seule chanson écrite et chantée par Tanya Donelly sur le disque. Le songwriting de Donelly a toujours été plus pop que celui de sa demi-sœur, et "Green" ne déroge pas à la règle. Comptine pop et surréaliste, le titre se révèle être l'un de mes morceaux favoris de l'album et sa mélodie entêtante surgit souvent dans ma tête sans prévenir et peu importe l'endroit.
Untitled, premier album qui n'a officiellement reçu aucun nom (l'éponyme, lui, date de 2003), est un album superbe de bout en bout, et il se paie de surcroît Gil Norton à la production (Pixies, Foo Fighters). Chargé d'émotion, l'opus a été composé par deux jeunes femmes sortant de l'adolescence et confrontées avec fracas à la vie dans ce qu'elle a de plus cash et de plus absurde. Le rejet de la figure paternelle et de tout symbole d'autorité, l'évanouissement de l'enfance, l'oscillation entre réalité et rêve, la découverte de la maternité et de l'amour, la relation à la maladie: tout se rencontre ici. Untitled est le premier coup de maître des demi-soeurs; le second s'appellera The Real Ramona (1991).
"...She goes around
This has another ending
(Remember the room)
Full of delicate cutters
Opening the doors"
(Delicate Cutters)
Parfait 17/20 | par Rebecca Carlson |
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