Benjamin Biolay
Rose Kennedy |
Label :
Virgin |
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Drôle de coïncidence....Je me décide enfin à chroniquer ce disque après plusieurs années, et cette critique est publiée le jour de la mort de Ted Kennedy...
A la sortie de Rose Kennedy, Benjamin Biolay est le chouchou des médias français suite à ses travaux pour d'anciennes gloires de la chanson française, Henri Salvador et Françoise Hardy. Régulièrement reconnu aux Victoires de la musique, c'est pourtant une autre partie de son œuvre qui justifie sa présence sur le site : ses albums en collaboration avec Keren Ann et ses albums solos.
Rose Kennedy est donc le premier album, à l'époque très attendu, du nouveau talent de la chanson française. Et je dois avouer que malgré le poids des années, cet album a toujours une sacrée allure. Rose Kennedy est véritablement un album ambitieux et maîtrisé de bout en bout.
Tout d'abord, il ya ce nom surprenant. Rose Kennedy était l'épouse de Joseph Kennedy, grand-mère de John John, Michael, mère de Joseph Jr et bien sûr du président John Fitzgerald. Le clan Kennedy possède une histoire intimement liée à l'Amérique et à sa fonction suprême. John a réussi devenir président. Assassiné, son frère subira le même sort alors qu'il se lançait lui aussi dans la course à la maison blanche. Rose a vécu de nombreux autres drames familiaux en tant qu'épouse, mère ou grand-mère, tout en vivant elle-même jusqu'à 105 ans, puisque outre ses fils, ses petits enfants seront aussi décimés par le destin (Mort de John John dans un accident d'avion, de Michael dans un accident de ski, amputation de la jambe du fils de Ted...). C'est ce triste destin, qui a fasciné l'Amérique et le monde, que Biolay, passionné d'histoire moderne et à l'époque habitué de la BNF, se propose de mettre en musique.
Pour ce faire, il utilise quelques styles musicaux qui reflètent l'histoire américaine au XXe. Rat de conservatoire, Biolay n'hésite pas à utiliser des instrumentations riches en cordes et cuivres baroques, sans toutefois négliger le minimalisme sur d'autres compositions. On retrouve ainsi une pop à violon du meilleur goût, des écarts jazz ainsi que des morceaux aux sonorités afro-cubaines. La comparaison avec Gainsbourg se révélait pertinente à l'époque, en particulier le Gainsbourg des sixties, celui qui pouvait écrire "Année érotique", "Black trombone" ou "Percussions".
"Novembre toute l'année" ouvre donc l'album sur une note funèbre, et impose un thème au piano qui servira de fil rouge tout au long de l'album, notamment sur la tragique "72 trombonnes avant la grande parade", racontant l'assassinant de Dallas. Cuba et les vacanciers bourgeois apparaissent sur le chaleureux et surannée "les Roses et les promesses", auquel succède la nostalgique "les Cerfs-volants" et ses violons exaltants. "La mélodie du bonheur" se propose quant à elle de revisiter le cool-jazz, et à Biolay de jouer au crooner. Cette grande variété exposée sur les quatre premières pistes du disque et qu'on retrouve sur la suite fait la force de l'album. Malgré la voix un peu limitée de Biolay, chaque morceau fait vraiment son effet, grâce à des mélodies souvent émouvantes, parfois délicieusement rétro ("la Palmeraie"), souvent agrémentés de samples de vieux films hollywoodiens (Some Like It Hot est crédité dans le livret). Le thème de l'album est restitué à merveille, on a vraiment l'impression d'entendre la bande-son d'époques fanées. En fait plusieurs chansons se révèlent même exceptionnelles. "Rose Kennedy" et "Los Angeles" (excellent riff sur cette dernière) ravivent le fantasme d'une pop orchestrale à la française. "La palmeraie" réussit vraiment à créer une ambiance lascive digne des lieux de villégiature bourgeois du Massachusets. "les Joggers sur la plage" met le paquet côté orchestration symphonique, mais cette exubérance se révèle complètement maîtrisée et somme toute excellente. Les arrangements de cordes et cuivres sont vraiment étonnants, riches, et ne laissent aucun doute sur le talent de l'homme
Musicalement abouti, Rose Kennedy jouit en plus de la force d'un concept-album. Ses textes, qui couvrent tout le XXe siècle évitent ce qui deviendra le défaut de Biolay : les rimes forcées et inélégantes. Au contraire, ils se révèlent travaillés et souvent poétiques. Ils peuvent même être émouvants avec sobriété, grâce à la force du propos. C'est particulièrement le cas sur "Rose Kennedy" qui raconte le deuil solitaire de survivante du clan. Sur "la Dernière heure du dernier jour", il est même possible de se retrouver avec la larme à l'œil. Le texte qui imagine les pensées de John John Kennedy pendant son crash est ici accompagné de violons lancinants et d'un solo de guitare slide épique, qui restitue avec beaucoup d'émotions cet interminable dernier voyage. Beaucoup d'émotions donc sur ce disque : l'espoir procuré par le fantasme du rêve américain mais aussi énormément de mélancolie et de nostalgie face à la force du destin
La prétendue antipathie de Benjamin Biolay et son goût pour la pose ont malheureusement fait de l'ombre à ce grand album. Pour son premier disque, il osait pourtant écrire un concept album sur le rêve américain en utilisant des orchestrations symphoniques ! On a connu des débuts plus communs ! Et avec beaucoup de bonheur, il se trouve que Rose Kennedy est aussi réussi qu'ambitieux et s'impose à la fois comme ovni et excellent album français. Pour ses débuts, Biolay plaçait la barre très haut, en dépeignant une Amérique fanée et fantasmée, celle du rêve américain, mais aussi de la violence du destin Kennedy, qui aujourd'hui encore frappe par ses accents tragiques : tant de mort dans une même famille fait vraiment penser à une malédiction.... Dès son premier essai, Biolay tire le meilleur de son premier style, celui de la pop symphonique, celui que je préfère. Oubliez le personnage et essayer d'y jeter une oreille attentive, cela vaut vraiment le coup.
A la sortie de Rose Kennedy, Benjamin Biolay est le chouchou des médias français suite à ses travaux pour d'anciennes gloires de la chanson française, Henri Salvador et Françoise Hardy. Régulièrement reconnu aux Victoires de la musique, c'est pourtant une autre partie de son œuvre qui justifie sa présence sur le site : ses albums en collaboration avec Keren Ann et ses albums solos.
Rose Kennedy est donc le premier album, à l'époque très attendu, du nouveau talent de la chanson française. Et je dois avouer que malgré le poids des années, cet album a toujours une sacrée allure. Rose Kennedy est véritablement un album ambitieux et maîtrisé de bout en bout.
Tout d'abord, il ya ce nom surprenant. Rose Kennedy était l'épouse de Joseph Kennedy, grand-mère de John John, Michael, mère de Joseph Jr et bien sûr du président John Fitzgerald. Le clan Kennedy possède une histoire intimement liée à l'Amérique et à sa fonction suprême. John a réussi devenir président. Assassiné, son frère subira le même sort alors qu'il se lançait lui aussi dans la course à la maison blanche. Rose a vécu de nombreux autres drames familiaux en tant qu'épouse, mère ou grand-mère, tout en vivant elle-même jusqu'à 105 ans, puisque outre ses fils, ses petits enfants seront aussi décimés par le destin (Mort de John John dans un accident d'avion, de Michael dans un accident de ski, amputation de la jambe du fils de Ted...). C'est ce triste destin, qui a fasciné l'Amérique et le monde, que Biolay, passionné d'histoire moderne et à l'époque habitué de la BNF, se propose de mettre en musique.
Pour ce faire, il utilise quelques styles musicaux qui reflètent l'histoire américaine au XXe. Rat de conservatoire, Biolay n'hésite pas à utiliser des instrumentations riches en cordes et cuivres baroques, sans toutefois négliger le minimalisme sur d'autres compositions. On retrouve ainsi une pop à violon du meilleur goût, des écarts jazz ainsi que des morceaux aux sonorités afro-cubaines. La comparaison avec Gainsbourg se révélait pertinente à l'époque, en particulier le Gainsbourg des sixties, celui qui pouvait écrire "Année érotique", "Black trombone" ou "Percussions".
"Novembre toute l'année" ouvre donc l'album sur une note funèbre, et impose un thème au piano qui servira de fil rouge tout au long de l'album, notamment sur la tragique "72 trombonnes avant la grande parade", racontant l'assassinant de Dallas. Cuba et les vacanciers bourgeois apparaissent sur le chaleureux et surannée "les Roses et les promesses", auquel succède la nostalgique "les Cerfs-volants" et ses violons exaltants. "La mélodie du bonheur" se propose quant à elle de revisiter le cool-jazz, et à Biolay de jouer au crooner. Cette grande variété exposée sur les quatre premières pistes du disque et qu'on retrouve sur la suite fait la force de l'album. Malgré la voix un peu limitée de Biolay, chaque morceau fait vraiment son effet, grâce à des mélodies souvent émouvantes, parfois délicieusement rétro ("la Palmeraie"), souvent agrémentés de samples de vieux films hollywoodiens (Some Like It Hot est crédité dans le livret). Le thème de l'album est restitué à merveille, on a vraiment l'impression d'entendre la bande-son d'époques fanées. En fait plusieurs chansons se révèlent même exceptionnelles. "Rose Kennedy" et "Los Angeles" (excellent riff sur cette dernière) ravivent le fantasme d'une pop orchestrale à la française. "La palmeraie" réussit vraiment à créer une ambiance lascive digne des lieux de villégiature bourgeois du Massachusets. "les Joggers sur la plage" met le paquet côté orchestration symphonique, mais cette exubérance se révèle complètement maîtrisée et somme toute excellente. Les arrangements de cordes et cuivres sont vraiment étonnants, riches, et ne laissent aucun doute sur le talent de l'homme
Musicalement abouti, Rose Kennedy jouit en plus de la force d'un concept-album. Ses textes, qui couvrent tout le XXe siècle évitent ce qui deviendra le défaut de Biolay : les rimes forcées et inélégantes. Au contraire, ils se révèlent travaillés et souvent poétiques. Ils peuvent même être émouvants avec sobriété, grâce à la force du propos. C'est particulièrement le cas sur "Rose Kennedy" qui raconte le deuil solitaire de survivante du clan. Sur "la Dernière heure du dernier jour", il est même possible de se retrouver avec la larme à l'œil. Le texte qui imagine les pensées de John John Kennedy pendant son crash est ici accompagné de violons lancinants et d'un solo de guitare slide épique, qui restitue avec beaucoup d'émotions cet interminable dernier voyage. Beaucoup d'émotions donc sur ce disque : l'espoir procuré par le fantasme du rêve américain mais aussi énormément de mélancolie et de nostalgie face à la force du destin
La prétendue antipathie de Benjamin Biolay et son goût pour la pose ont malheureusement fait de l'ombre à ce grand album. Pour son premier disque, il osait pourtant écrire un concept album sur le rêve américain en utilisant des orchestrations symphoniques ! On a connu des débuts plus communs ! Et avec beaucoup de bonheur, il se trouve que Rose Kennedy est aussi réussi qu'ambitieux et s'impose à la fois comme ovni et excellent album français. Pour ses débuts, Biolay plaçait la barre très haut, en dépeignant une Amérique fanée et fantasmée, celle du rêve américain, mais aussi de la violence du destin Kennedy, qui aujourd'hui encore frappe par ses accents tragiques : tant de mort dans une même famille fait vraiment penser à une malédiction.... Dès son premier essai, Biolay tire le meilleur de son premier style, celui de la pop symphonique, celui que je préfère. Oubliez le personnage et essayer d'y jeter une oreille attentive, cela vaut vraiment le coup.
Excellent ! 18/20 | par Vamos |
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