Galaxie 500
Uncollected |
Label :
Rykodisc |
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A la fin des années 80, sur les campus américains de la côte Est, un nom commence à circuler, une micro-légende alimentée par une poignée de chansons, une poignée de concerts. Galaxie 500. Une bagnole s'appelait comme ça dans le temps. C'est aussi le nom qu'ont choisi trois mômes de Boston. Et avec eux, on peut partir très loin aussi.
Damon, Dean et Naomi usent mollement leurs velours sur les bancs de Harvard. Le soir ils rêvent de White Light ils rêvent de White Heat – de fièvre blanche et de mots rouges. Ils écoutent et absorbent le Velvet Underground et les Modern Lovers, ils écoutent la voix des villes : tout ce que le monde contient de beauté pétrifiée.
L'été 1987, ils s'enferment à double tour dans une chambre de New York, s'enferment à double tour avec leurs rêves trop grands pour une si petite chambre et jouent des chansons. Leurs chansons. "Walking Song", "The Other Side" et "On The Floor" sont enregistrées à l'issue de ces premières sessions. Elles incarnent déjà totalement Galaxie 500 : l'urgence sage, la diction de Dean calquée sur celle de Lou Reed, l'amertume en moins. Naomi chante "The Other Side", aussi mal donc aussi bien que Moe Tucker (timide et terrifiée). Les chansons de Galaxie 500 sentent la naphtaline et le carton mouillé. Elles marquent par leur côté maladif et anémié. Une drôle de chaleur sans soleil. La voix limitée, plaintive, aiguë de Dean Wareham ne peut délivrer que des demi-secrets. Il ne peut parvenir au terme du chant, au terme des mots. Quelque chose se bloque, quelque part.
Il chante, il parle, il est amoureux de cette fille, déambule dans New York, s'achète une nouvelle paire de pompes sur Times Square, déambule encore plus loin. Elles racontent toutes plus ou moins ça, les chansons : l'errance, les lignes du métro, les lignes de ton corps, les voyages. Mais les voyages restent confinés, limités dans l'espace. La ville est immense, mais la ville est finie. Il en va de même pour les chansons de Galaxie 500 – elles durent trois ou quatre minutes, parfois moins, paraissent s'égarer le long d'un saxophone inopiné (version alternative de "Blue Thunder"), mais reviennent au commencement toujours. Une boucle bouclée. J'ai cru qu'il se passait quelque chose ; sans doute l'ai-je inventé.
Ce disque compile les raretés : les chansons qui ont circulé sur des cassettes en édition très limitée, des trucs filés aux copains, d'autres morceaux donnés à des fanzines ou des compilations obscures. Il ne serait complet sans les reprises très personnelles de "Cheese And Onions", "Rain" (compositions signées Lennon-McCartney) ou "Final Day" (Young Marble Giants). En témoignent les albums : Galaxie 500 a toujours aimé décolorer les chansons des autres, de Joy Division à Jonathan Richman, en passant par Yoko Ono. Reprendre une chanson, pour le groupe, cela veut dire la passer en noir et blanc. La dé-figurer. Dean Wareham perpétuera la tradition avec Luna, le groupe d'après Galaxie 500. Sa reprise de "Indian Summer" (Beat Happening), sur l'EP Slide, compte sans doute parmi les choses les plus touchantes qu'il aie chantée. Le "Final Day" de Galaxie 500 est plus exsangue que l'original – c'est possible. Exsangue et cependant... un cœur bat dans cette musique. Même de loin.
Car ce groupe est lointain et l'a toujours été, lointaine la musique, paumée dans la réverb' - c'est la production de Kramer qui veut cela : tout ce qu'il touche - même si c'est brûlant et passionné, même si c'est une lovesong, même si Dean chante 'I wanna stay in bed with you' - devient distant, grave et glacé. Les couches d'écho sur la voix de Wareham. C'est comme s'il faisait l'amour à des miroirs.
Galaxie 500. Le nom brûle faiblement, un point dans notre nuit américaine, une étoile crevée depuis déjà mille ans, une cigarette mal éteinte. Ces trois-là avaient la trouille de foutre en l'air leur jeunesse. Peut-être bien qu'ils ont foutu la nôtre en l'air, tiens. Qu'est-ce qu'on a rêvé fort avec Galaxie 500. Et pendant toutes ces heures le monde a existé sans nous.
Damon, Dean et Naomi usent mollement leurs velours sur les bancs de Harvard. Le soir ils rêvent de White Light ils rêvent de White Heat – de fièvre blanche et de mots rouges. Ils écoutent et absorbent le Velvet Underground et les Modern Lovers, ils écoutent la voix des villes : tout ce que le monde contient de beauté pétrifiée.
L'été 1987, ils s'enferment à double tour dans une chambre de New York, s'enferment à double tour avec leurs rêves trop grands pour une si petite chambre et jouent des chansons. Leurs chansons. "Walking Song", "The Other Side" et "On The Floor" sont enregistrées à l'issue de ces premières sessions. Elles incarnent déjà totalement Galaxie 500 : l'urgence sage, la diction de Dean calquée sur celle de Lou Reed, l'amertume en moins. Naomi chante "The Other Side", aussi mal donc aussi bien que Moe Tucker (timide et terrifiée). Les chansons de Galaxie 500 sentent la naphtaline et le carton mouillé. Elles marquent par leur côté maladif et anémié. Une drôle de chaleur sans soleil. La voix limitée, plaintive, aiguë de Dean Wareham ne peut délivrer que des demi-secrets. Il ne peut parvenir au terme du chant, au terme des mots. Quelque chose se bloque, quelque part.
Il chante, il parle, il est amoureux de cette fille, déambule dans New York, s'achète une nouvelle paire de pompes sur Times Square, déambule encore plus loin. Elles racontent toutes plus ou moins ça, les chansons : l'errance, les lignes du métro, les lignes de ton corps, les voyages. Mais les voyages restent confinés, limités dans l'espace. La ville est immense, mais la ville est finie. Il en va de même pour les chansons de Galaxie 500 – elles durent trois ou quatre minutes, parfois moins, paraissent s'égarer le long d'un saxophone inopiné (version alternative de "Blue Thunder"), mais reviennent au commencement toujours. Une boucle bouclée. J'ai cru qu'il se passait quelque chose ; sans doute l'ai-je inventé.
Ce disque compile les raretés : les chansons qui ont circulé sur des cassettes en édition très limitée, des trucs filés aux copains, d'autres morceaux donnés à des fanzines ou des compilations obscures. Il ne serait complet sans les reprises très personnelles de "Cheese And Onions", "Rain" (compositions signées Lennon-McCartney) ou "Final Day" (Young Marble Giants). En témoignent les albums : Galaxie 500 a toujours aimé décolorer les chansons des autres, de Joy Division à Jonathan Richman, en passant par Yoko Ono. Reprendre une chanson, pour le groupe, cela veut dire la passer en noir et blanc. La dé-figurer. Dean Wareham perpétuera la tradition avec Luna, le groupe d'après Galaxie 500. Sa reprise de "Indian Summer" (Beat Happening), sur l'EP Slide, compte sans doute parmi les choses les plus touchantes qu'il aie chantée. Le "Final Day" de Galaxie 500 est plus exsangue que l'original – c'est possible. Exsangue et cependant... un cœur bat dans cette musique. Même de loin.
Car ce groupe est lointain et l'a toujours été, lointaine la musique, paumée dans la réverb' - c'est la production de Kramer qui veut cela : tout ce qu'il touche - même si c'est brûlant et passionné, même si c'est une lovesong, même si Dean chante 'I wanna stay in bed with you' - devient distant, grave et glacé. Les couches d'écho sur la voix de Wareham. C'est comme s'il faisait l'amour à des miroirs.
Galaxie 500. Le nom brûle faiblement, un point dans notre nuit américaine, une étoile crevée depuis déjà mille ans, une cigarette mal éteinte. Ces trois-là avaient la trouille de foutre en l'air leur jeunesse. Peut-être bien qu'ils ont foutu la nôtre en l'air, tiens. Qu'est-ce qu'on a rêvé fort avec Galaxie 500. Et pendant toutes ces heures le monde a existé sans nous.
Très bon 16/20 | par Pixy |
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