Fuzztones

En réaction à la new wave qui polluait les ondes eighties, une poignée de jeunes américains ont décidé de se la jouer 100% retro en ranimant le feu sacré garage qui brûlait leur beau pays quelques 20 années auparavant. Marchant dans les pas de leurs aînés new-yorkais Cramps et Fleshtones, les Fuzztones furent parrains et déclencheurs de cette deuxième vague garage.
Ce qui peut paraître aujourd'hui d'une facilité déconcertante est à replacer dans un temps que les accros au Net ne peuvent guère envisager. Pas de peer-to-peer ou moult compilations nuggets à l'horizon, ces gens-là suaient sang et eau pour déterrer les trésors vyniliques d'un rock adolescent répondant aux noms étranges de Seeds, Sonics, Remains ou 13th Floor Elevators. Ce garage revival supporté par une poignée de fanzines, ne quitta la sphère underground qu'une seule et unique fois avec les dénommés Fuzztones, seul groupe de la mouvance à avoir signé sur une major.
Ceci 4 ans après ce premier album studio Lysergic Emanations, considéré par beaucoup comme leur meilleur. Mené d'une main de fer par Rudi Protrudi, les Fuzztones n'étaient peut-être pas les meilleurs du lot revival mais leur application à sonner comme leurs ancêtres sixties (remarquable production anti-eigties au son 'sale') à une époque où l'on préférait se déhancher sur du Samantha Fox force le respect. Appliqués ils le sont justement un peu trop lorsqu'ils reprennent les pépites de leurs ancêtres. Reprises mollassonnes des Sonics et de Kenny & The Casuals mais qui auront au moins le mérite d'annoncer la couleur érudite de leur rock'n'roll. Par contre ces gens-là font terriblement mouche sur leurs compos les plus psychédéliques (le très Doors "Radar Eyes"), les plus sauvages ("Gotta Get Some", "Highway 69") ou les plus série Z (génial "Ward 81"). Quand ils se lâchent quoi.
Beaucoup plus appréciés en Europe que dans leur mère-patrie (comme tant d'autres groupes américains), les Fuzztones n'auront de cesse à partir de 1984 de produire une discographie assez inégale pour prêcher leur bonne parole binaire. Ce Lysergic Emanations s'il n'est pas parfait de bout en bout, est une belle page du Nouveau Testament garage. Un classique.