Hood
Silent '88 |
Label :
Slumberland |
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Profitant de la totale liberté accordée par Mike Schulman, le groupe de Slumberland Records va explorer toutes les facettes possibles de leur rock mi-vertigineux, mi-doucereux, en n'ayant soin de soigner fidèlement leur ambiance tamisée si chère à leur goût.
N'ayant au final pas eu le courage de faire le tri, ce premier (véritable) album regorge de titres complets, parfois de mini-titres, coupés, ou d'esquisses de plages sonores, voire des petits bouts de rien du tout, orphelins de noms : au final vingt-six chansons, dont certaines ne sont que des intermèdes de trente secondes.
C'est comme si les guitares saturées, les violons, les coups de batterie n'avaient aucun but précis, car les instruments cèdent vite la place lorsqu'il le faut à des moments de repos, de grâce ("The Field Are Divited"), et de contemplation, au piano ou lors de samples faiblards ("Western Skies"). De temps à autre, ça semble bien se mouvoir et désirer une prise sur la réalité, comme une sorte de revendication de sa propre existence, seulement, le chant trop suave, quand bien même il s'énerve, ou bien les flots tempétueux shoegaze qui font n'importe quoi ("The Field Is Cut") rappellent toujours que le groupe est traversé par une mélancolie qui obligera constamment les acteurs à renoncer. Renoncer au combat, car inutile d'avance. Ce symptôme est criant sur le titre "Hood Northerm" où le déluge saturé et le chant criard mais distordu sont coupés en leur milieu par une guitare sèche magnifique et un duo de voix masculine/féminine angélique. En fait, on n'a jamais le temps de savoir exactement où le groupe veut nous mener, et progressivement, on se rend compte avec enchantement, qu'il n'y a pas de direction précise. Hood n'est pas un groupe optimiste. Il se contente juste de regarder défiler les choses.
Le voyage dure longtemps : on traverse des accalmies étranges où les repères vacillent, car manquant de structure précise pour s'appuyer ("Western Skies"), des moments où règne un peu de lumière, mais blafarde ("Deny Deny Deny"), des montées en puissance incroyables, qui évoquent les grâces shoegaze dont le groupe est issu ("The Hidden Ambience of a Lost Art"), des expérimentations hypnotiques ("Resonant 1942" qui n'est ni plus ni moins qu'un morceau de trance goa !), des apparitions fantomatiques ("Downpour") ou bien carrément des silences ("Outro" et "Intro"). De manière globale, ça sonne très lo-fi, avec une production placée délibérément en dessous de ses capacités, pour mieux faire ressortir la fragilité de l'album.
Et même les moments de pure beauté, comme "Love is dead but it buried", avec son piano lancinant, sa voix parlée, sa batterie monolithique, ses violons tristes et ses chœurs lugubres, ou bien "Her Innocent Stock of Words" et ses riffs grattées délicieux qui cèdent la place à un refrain énervé ("You die for her !") avant qu'une voix féminine, sortie d'un rêve ne vienne placer sa complainte susurrée, paraissent à chaque fois manquer de souffle épique, préférant s'exposer dans l'authenticité la plus austère.
De ci, de là, on dégotte quelques mélodies perdues, qui se retrouvent ballottées. Et qui dépeignent à chaque fois avec tendresse, un monde triste, beau mais aussi cruel car comprenant des détails qui en font une réalité inéluctable, dont rien ne peut être modifié. Les guitares ont beau être noisy, on sait qu'elles ne font que passer, et c'est bien souvent une bien timide complainte qui finalement reste à la fin, malgré le vent, malgré le sable, malgré la pluie. Une douce impression d'allègement prend part de l'auditeur : débarrassé de tout sentiment de culpabilité intrinsèque à chacun (on a pour mission d'influer sur les événements malgré l'impossibilité), on se place alors dans une autre attitude, qui viserait plus à saisir les instants au vol (d'où à chaque fois cette sensation de flotter ou l'habitude du groupe à noyer son message ou à enchaîner des intermèdes).
Et ainsi de donner au passage, sans le vouloir, sans y réfléchir, une définition du post-rock : une façon d'aborder la musique plus comme quelque chose de beaucoup plus grand et de moins manipulable que ce qui a été perçu auparavant. Hood sera pour beaucoup dans l'édification du post-rock anglais. Il est d'ailleurs normal de retrouver par la suite un goût pour l'electro pastoral, des collaborations avec The Third Eye Fondation ou des travaux toujours à l'avant-garde. Avec à chaque fois, le même effet : une sensation de flottement. Des émotions bizarres et difficilement identifiables, la faute à un rapprochement trop poussé entre elles. Habituellement les émotions ne sont que la conséquence d'une frustration, et permettent à l'individu de donner une qualité aux choses, de les déformer pour mieux ainsi les maîtriser, mais ici, il n'y a aucune frustration, juste un constat, une rêverie, un passage éclair. L'origine des émotions est donc à chercher, non pas dans un souhait, un espoir à contenter, mais plutôt dans l'hébétude à regarder les choses se faire, qu'elles aboutissent dans le sens souhaité ou non. En fait, Hood abandonne même l'idée de sens : il n'y a aucun sens à cet album. Ce premier album n'est qu'une compilation d'extraits, de passages fugaces, d'idées saisies au vol.
Parfait exemple : le morceau de fin, "The Silent Years", composé d'un riff lent, grave, triste, d'un rythme émoussé, d'un chant neurasthénique, et de chœurs angéliques en arrière fond, et qui symbolise tout le refus de prendre part à quoi que ce soit. On peut qualifier cela d'abandon, de lâcheté, mais avec ces yeux nouveaux, la beauté apparaît, non travestie par les attentes ou les espoirs, la beauté pure, cristalline, celle qui se dévoile le temps d'une fraction de secondes, au détour d'une voix, d'un sample, d'un souffle...
N'ayant au final pas eu le courage de faire le tri, ce premier (véritable) album regorge de titres complets, parfois de mini-titres, coupés, ou d'esquisses de plages sonores, voire des petits bouts de rien du tout, orphelins de noms : au final vingt-six chansons, dont certaines ne sont que des intermèdes de trente secondes.
C'est comme si les guitares saturées, les violons, les coups de batterie n'avaient aucun but précis, car les instruments cèdent vite la place lorsqu'il le faut à des moments de repos, de grâce ("The Field Are Divited"), et de contemplation, au piano ou lors de samples faiblards ("Western Skies"). De temps à autre, ça semble bien se mouvoir et désirer une prise sur la réalité, comme une sorte de revendication de sa propre existence, seulement, le chant trop suave, quand bien même il s'énerve, ou bien les flots tempétueux shoegaze qui font n'importe quoi ("The Field Is Cut") rappellent toujours que le groupe est traversé par une mélancolie qui obligera constamment les acteurs à renoncer. Renoncer au combat, car inutile d'avance. Ce symptôme est criant sur le titre "Hood Northerm" où le déluge saturé et le chant criard mais distordu sont coupés en leur milieu par une guitare sèche magnifique et un duo de voix masculine/féminine angélique. En fait, on n'a jamais le temps de savoir exactement où le groupe veut nous mener, et progressivement, on se rend compte avec enchantement, qu'il n'y a pas de direction précise. Hood n'est pas un groupe optimiste. Il se contente juste de regarder défiler les choses.
Le voyage dure longtemps : on traverse des accalmies étranges où les repères vacillent, car manquant de structure précise pour s'appuyer ("Western Skies"), des moments où règne un peu de lumière, mais blafarde ("Deny Deny Deny"), des montées en puissance incroyables, qui évoquent les grâces shoegaze dont le groupe est issu ("The Hidden Ambience of a Lost Art"), des expérimentations hypnotiques ("Resonant 1942" qui n'est ni plus ni moins qu'un morceau de trance goa !), des apparitions fantomatiques ("Downpour") ou bien carrément des silences ("Outro" et "Intro"). De manière globale, ça sonne très lo-fi, avec une production placée délibérément en dessous de ses capacités, pour mieux faire ressortir la fragilité de l'album.
Et même les moments de pure beauté, comme "Love is dead but it buried", avec son piano lancinant, sa voix parlée, sa batterie monolithique, ses violons tristes et ses chœurs lugubres, ou bien "Her Innocent Stock of Words" et ses riffs grattées délicieux qui cèdent la place à un refrain énervé ("You die for her !") avant qu'une voix féminine, sortie d'un rêve ne vienne placer sa complainte susurrée, paraissent à chaque fois manquer de souffle épique, préférant s'exposer dans l'authenticité la plus austère.
De ci, de là, on dégotte quelques mélodies perdues, qui se retrouvent ballottées. Et qui dépeignent à chaque fois avec tendresse, un monde triste, beau mais aussi cruel car comprenant des détails qui en font une réalité inéluctable, dont rien ne peut être modifié. Les guitares ont beau être noisy, on sait qu'elles ne font que passer, et c'est bien souvent une bien timide complainte qui finalement reste à la fin, malgré le vent, malgré le sable, malgré la pluie. Une douce impression d'allègement prend part de l'auditeur : débarrassé de tout sentiment de culpabilité intrinsèque à chacun (on a pour mission d'influer sur les événements malgré l'impossibilité), on se place alors dans une autre attitude, qui viserait plus à saisir les instants au vol (d'où à chaque fois cette sensation de flotter ou l'habitude du groupe à noyer son message ou à enchaîner des intermèdes).
Et ainsi de donner au passage, sans le vouloir, sans y réfléchir, une définition du post-rock : une façon d'aborder la musique plus comme quelque chose de beaucoup plus grand et de moins manipulable que ce qui a été perçu auparavant. Hood sera pour beaucoup dans l'édification du post-rock anglais. Il est d'ailleurs normal de retrouver par la suite un goût pour l'electro pastoral, des collaborations avec The Third Eye Fondation ou des travaux toujours à l'avant-garde. Avec à chaque fois, le même effet : une sensation de flottement. Des émotions bizarres et difficilement identifiables, la faute à un rapprochement trop poussé entre elles. Habituellement les émotions ne sont que la conséquence d'une frustration, et permettent à l'individu de donner une qualité aux choses, de les déformer pour mieux ainsi les maîtriser, mais ici, il n'y a aucune frustration, juste un constat, une rêverie, un passage éclair. L'origine des émotions est donc à chercher, non pas dans un souhait, un espoir à contenter, mais plutôt dans l'hébétude à regarder les choses se faire, qu'elles aboutissent dans le sens souhaité ou non. En fait, Hood abandonne même l'idée de sens : il n'y a aucun sens à cet album. Ce premier album n'est qu'une compilation d'extraits, de passages fugaces, d'idées saisies au vol.
Parfait exemple : le morceau de fin, "The Silent Years", composé d'un riff lent, grave, triste, d'un rythme émoussé, d'un chant neurasthénique, et de chœurs angéliques en arrière fond, et qui symbolise tout le refus de prendre part à quoi que ce soit. On peut qualifier cela d'abandon, de lâcheté, mais avec ces yeux nouveaux, la beauté apparaît, non travestie par les attentes ou les espoirs, la beauté pure, cristalline, celle qui se dévoile le temps d'une fraction de secondes, au détour d'une voix, d'un sample, d'un souffle...
Excellent ! 18/20 | par Vic |
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