Enablers

End Note

End Note

 Label :     Neurot 
 Sortie :    vendredi 19 novembre 2004 
 Format :  Album / CD   

End Note c'est l'histoire de trois vétérans roulant leur bosse dans le rock indie depuis un bon paquet d'années et qui se réunissent en 2003 à l'occasion d'une expérience musicale autant que littéraire avec un poète alternatif de San Francisco. En effet, sous l'appellation d'Enablers (à ne pas confondre avec The Enablers), un terme que l'on pourrait traduire par 'Ceux qui en sont capables', les quatre compères livrent ici un album live sorti en 2004 sur le label Neurot Recordings. End Note, drôle d'idée que d'intituler ainsi un premier disque ! Sans doute avait-il été conçu pour être unique, ou bien était-ce une forme d'ironie puisque la formation qui pouvait donner l'impression de n'être qu'un projet sans lendemains a donné suite avec un second très bon disque Output Negative Space (2006). Mais déjà, cette première production est pas mal du tout. Il faut dire, sans craindre de le répéter, que l'on a musicalement à faire ici à trois vieux soutiers, Joe Goldring (guitare) qui officia notamment chez Swans et collabora avec un membre de June Of 44, Yuma Joe Byrnes (batteur) de chez Tarnation puis Kevin Thompson (guitare/basse) ex Timco et autres groupes encore moins connus ; une réunion qui, complétée par la voix de Pete Simonelli, confère à ce premier album une évidente maturité. Tous les quatre savent ce qu'ils font et ne versent pas dans l'épate facile car ils n'ont rien à prouver.

Le contenu du disque lui-même : l'ambiance sombre est immédiatement captivante, elle est tendue, avec montée en puissance progressive ou explosions brutales. Là, je vous vois venir, après en avoir reconnu les principaux éléments, vous me direz qu'il s'agit d'un foutu disque de post-rock de plus. Et je réponds que non : d'abord la durée des morceaux est classique, mais ensuite l'originalité d'Enablers repose surtout sur le quatrième larron, Pete Simonelli et ses cordes vocales. Déjà, ce n'est pas un chanteur, mais un narrateur livrant une forme de spoken-word posée sur une instrumentation rock. On connaît déjà ça par chez nous, depuis l'aventure Diabologum et ses avatars, sauf qu'ici Simonelli n'a pas une voix de premier de la classe. Il ne dispense pas non plus de leçons de morale décousues ou ampoulées, mais des chroniques de la vie quotidienne ; chroniques urbaines, minimalistes et tragiques, alimentées par son talent d'observateur et sa longue pratique de la poésie. Car il a, paraît-il, une œuvre conséquente dans les revues spécialisées américaines. Dans "A Not So Pretty Sight In Steinbeck Country", par exemple, il raconte l'accident d'un type éjecté de sa voiture lancée à 80 miles à l'heure... Avec cela, Simonelli possède une voix puissante à la diction très claire. Il excelle dans la retenue et la rage contenue, ou encore dans la déclamation grondante et tempétueuse, ce qui donne force vraisemblance à ses évocations parfois explicites (du genre de celles qui donnent droit à un petit label autocollant n&b sur la pochette du disque) ou poétiques. Mais c'est un type qui sait aussi la fermer pour céder la première place et s'effacer derrière les musiciens, notamment la guitare de Goldring, successivement spectrale, limite garage, acérée ou rugissante, à ses riffs tour à tour douloureux, inconfortables ou d'une sécheresse qui n'est pas sans rappeler Shellac à quelques occasions (comme sur "Mainly"). Rythmiquement Enablers assure aussi, car la structure des morceaux se met au service des histoires de Simonelli et suit le déroulement de la narration avec ses sautes d'humeur ou de tempo, ménageant les surprises et ses coups de gueule.

Au final, c'est cette remarquable complémentarité phrasé et musique qui permet à Enablers de rester très éloigné de la prise de tête habituelle du spoken-word rock (Henri Rollins, ou dans une autre catégorie Arnaud Michniak). Que la musique ne soit pas ici qu'un faire-valoir donne un cadre consistant à la narration de Simonelli, elle le contient, le soutient, le magnifie, et encore s'autorise à toujours développer de subtiles lignes mélodiques (plus appuyée sur l'excellent "Pauly's Last Days In Cinema"), ce qui permet du coup à ceux qui ne maîtrisent pas l'anglais de pleinement apprécier cet album.


Très bon   16/20
par Adishatz


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