Lilys
In The Presence Of Nothing |
Label :
SpinART |
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Quand bien même le son de Lilys à ses tout débuts pouvait fortement ressembler à la version masculine du Loveless de My Bloody Valentine (strates lourdes de guitares, morceaux expérimentaux, négligence poétique, colère rentrée), Kurt Heasley, son leader et cerveau avoué, se refusait à l'admettre.
Vite associé, à son corps défendant et avec une hypocrisie incroyable, à la vague shoegaze californienne du début des années 90, alors qu'il faisait partie du label Slumberland, tout autant que tous ces groupes (Swirlies, Henry's Dress, Black Tambourine) à l'esprit lo-fi, ce songwriter décalé et à la furieuse envie démangeante de se démarquer, chercha alors à se distinguer le plus possible de cet album.
Passant le plus clair de sa carrière à revisiter, explorer, remettre au goût du jour, des courants oubliés (kautrock, dream-pop, pop sixties, indie rock...), toujours à contretemps, Kurt Heasley délaissa ce premier essai, qu'il jugea probablement trop facile. Pourtant, même s'il s'essaya de plus en plus à un style plus rond, plus optimiste et plus lumineux par la suite, rien ne fera oublier que In The Presence Of Nothing représente malgré tout l'album qui synthétise le plus fidèlement peut-être son esprit.
Avec ces guitares bourdonnantes, ce son répétitif et entièrement saturé, sous lesquelles coulent une voix aussi douce que fantomatique et inaudible, on se rapproche au mieux de la finesse désespérée de son auteur. Car on a beau être littéralement bousculé par cette multiple épaisseur rembourrée de guitares et de distorsions, parfois très plombées, on distingue très clairement un certain laisser-aller, notamment dans les rapports avec le monde extérieur. In The Presence Of Nothing, au-delà d'être la définition même du brouillage, va même plus loin ; il symbolise, concrétise serait un terme qui conviendrait encore mieux, un net recul face aux exigences de la société moderne. Tandis que la standardisation des goûts appelle à se travestir et adopter une posture toujours dans le sens du 'vers l'avant', vers les autres, vers la norme et vers l'acceptation, le shoegaze autiste de Lilys traduit un mouvement inverse. Il s'agit, non pas d'une fermeture, mais d'un retrait, d'un camouflage et d'une utilisation de la musique comme bouclier. Le shoegaze serait comme un thérapie à l'envers : posant successivement des murailles derrière lesquels se loveraient une fragilité et une sensibilité exacerbée. Un excès de timidité et de doute qui obligerait à étendre les intro de bourdonnements en attendant de se lancer dans la chanson, à refuser de prendre part à l'investissement émotif qu'implique tout chant, à noyer les mélodies cristallines sous un drapage de chamallow électrique, à gonfler le son et à pousser le volume des pédales steel au maximum.
Car finalement il ne s'agit, ni plus, ni moins, que d'une véritable déclaration de tendresse. La lenteur et l'hébétude y sont ici glorifiées, tandis que la vindicte y est bannie. Kurt Heasley, le temps d'un album, embrasse tout le monde et son absurdité, et l'emplit d'un amour sans borne mais complètement délaissé de toutes illusions. La meilleure garantie de l'avoir désintéressé et gratuit.
Vite associé, à son corps défendant et avec une hypocrisie incroyable, à la vague shoegaze californienne du début des années 90, alors qu'il faisait partie du label Slumberland, tout autant que tous ces groupes (Swirlies, Henry's Dress, Black Tambourine) à l'esprit lo-fi, ce songwriter décalé et à la furieuse envie démangeante de se démarquer, chercha alors à se distinguer le plus possible de cet album.
Passant le plus clair de sa carrière à revisiter, explorer, remettre au goût du jour, des courants oubliés (kautrock, dream-pop, pop sixties, indie rock...), toujours à contretemps, Kurt Heasley délaissa ce premier essai, qu'il jugea probablement trop facile. Pourtant, même s'il s'essaya de plus en plus à un style plus rond, plus optimiste et plus lumineux par la suite, rien ne fera oublier que In The Presence Of Nothing représente malgré tout l'album qui synthétise le plus fidèlement peut-être son esprit.
Avec ces guitares bourdonnantes, ce son répétitif et entièrement saturé, sous lesquelles coulent une voix aussi douce que fantomatique et inaudible, on se rapproche au mieux de la finesse désespérée de son auteur. Car on a beau être littéralement bousculé par cette multiple épaisseur rembourrée de guitares et de distorsions, parfois très plombées, on distingue très clairement un certain laisser-aller, notamment dans les rapports avec le monde extérieur. In The Presence Of Nothing, au-delà d'être la définition même du brouillage, va même plus loin ; il symbolise, concrétise serait un terme qui conviendrait encore mieux, un net recul face aux exigences de la société moderne. Tandis que la standardisation des goûts appelle à se travestir et adopter une posture toujours dans le sens du 'vers l'avant', vers les autres, vers la norme et vers l'acceptation, le shoegaze autiste de Lilys traduit un mouvement inverse. Il s'agit, non pas d'une fermeture, mais d'un retrait, d'un camouflage et d'une utilisation de la musique comme bouclier. Le shoegaze serait comme un thérapie à l'envers : posant successivement des murailles derrière lesquels se loveraient une fragilité et une sensibilité exacerbée. Un excès de timidité et de doute qui obligerait à étendre les intro de bourdonnements en attendant de se lancer dans la chanson, à refuser de prendre part à l'investissement émotif qu'implique tout chant, à noyer les mélodies cristallines sous un drapage de chamallow électrique, à gonfler le son et à pousser le volume des pédales steel au maximum.
Car finalement il ne s'agit, ni plus, ni moins, que d'une véritable déclaration de tendresse. La lenteur et l'hébétude y sont ici glorifiées, tandis que la vindicte y est bannie. Kurt Heasley, le temps d'un album, embrasse tout le monde et son absurdité, et l'emplit d'un amour sans borne mais complètement délaissé de toutes illusions. La meilleure garantie de l'avoir désintéressé et gratuit.
Bon 15/20 | par Vic |
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