Human Waste Project
E-lux |
Label :
Hollywood |
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L'estampille Ross Robinson aura fait beaucoup de mal à bon nombre de groupes, taxés d'emblée de neo-metal par l'alliance à un producteur ayant créé le son si particulier de Korn. Car pour les détracteurs de Robinson, il est évident que son travail est éternellement relié au quintet de Jacksonville au point d'en être qualifié de sixième membre, vu le succès planétaire de leurs deux collaborations. Une tare indélébile étrangement invraisemblable puisque la prod' du monsieur n'aura jamais su être copiée chez les vrais activistes du neo, trop propres et commerciaux. L'amalgame sera pourtant fait au quotidien, et les groupes passés dans l'Indigo Ranch Studio en souffriront bel et bien.
Human Waste Project fut paradoxalement l'un de ceux-là, puisque la production décriée de l'ami ‘RoRo' se trouve avoir été la levure adéquate pour remuer la pat(t)e de ce quatuor à part. Bien entendu, ces quatre musiciens viennent du rock heavy et agressif et ça s'entend dans les grandes lignes, hormis l'explosive Aimee Echo qui n'avait pas grand-chose de plus sur son CV qu'une apparition difficilement perceptible sur le One Hot Minute des Red Hot (si si ! Tendez l'oreille sur le titre éponyme et "One Big Mob"...). Mais l'identité du groupe n'en est pas pour autant prête à l'emploi, car à l'écoute du résultat il est compliqué d'immatriculer clairement la nature du projet. Car en propulsant E-lux sur l'appareil de lecture, une introduction stridente digne d'un film d'épouvante kitsch lève lentement le rideau sur un univers ténébreux et électrique, énergique et suffocant, à mille lieux du neo décrit sur le papier. A moins qu'il n'ait plusieurs trains d'avance sur le reste des troupes, question de point de vue...
"Disease" débarque et étale d'entrée le battle plan : HWP distille sans concessions un rock alternatif aux mécanismes sinueux, bordélique et gluant. Un golem de son alimenté des braises du grunge et du metal –les riffs ayant le plus souvent des éclats de Nirvana ou Smashing Pumpkins-, dans lequel se plantent des branches hardcore et noise, et quelques fines substances prises à tout autres styles. On saisit très rapidement que derrière cette prod' écorchée, ce ton musclé et dégueulasse, se cache une composition savante et des musiciens aux partitions et idées riches. Comme la no-wave fut à la new-wave, pouvait-il résider un prémisse de ‘no-neo' entre les lignes de la musique de Human Waste Project ? Appellation pas très mélodieuse mais tout de même à méditer.
L'élément fédérateur du groupe se manifestant le premier à nos oreilles est bien évidemment la voix. Aimee Echo est une sacrée nana au sacré brun de voix, dont on palpe la personnalité à chaque mot. Souvent comparée à son amie Tairrie B (My Ruin, Manhole/Tura Santana) en plus féminine ou une Gwen Stefani (No Doubt) complètement pétée, son timbre oscille entre petite fillette schizophrène et félin enragé. Des cordes vocales soudant immanquablement une partie de l'âme du groupe au mouvement riot grrl, tel un chaînon manquant robuste se greffant à un courant tout aussi violent mais plus frêle, et qui en a bien besoin. La misogynie omniprésente du nouveau metal étant totalement absente au micro, y associer le groupe n'en devient que plus ridicule. La belle s'attelant plus à une Courtney Love qu'à un Fred Durst, les airs qu'elles sèment à merveille transcendent les morceaux vers de plus hautes sphères qu'un conformisme neo. Même ses respirations se font musicales (le refrain d'"Exit Wound").
Un autre point non négligeable de la saveur du quatuor est sans nul doute l'importance des effets guitares. On en voit même une photo dans le livret, et on imagine ces pédales de toutes sortes fourmillant aux pieds d'un Mike Tempesta très inspiré, au point d'en prêter à Schartoff, son pote le bassiste qui ne va pas se priver non plus. Si c'est efficace mais plus sobre pour ce dernier, Tempesta donne lui l'impression d'un gamin ayant pris des cours à l'école Cobain et pillé un magasin d'effets pour jouer à Tom Morello. C'est un véritable festival d'adroites mises en couleurs, probablement épaulé par Robinson, qui comblent l'œuvre d'un bout à l'autre. Tantôt bruitiste ("Powerstrip"), tantôt psychédélique (le gimmick oriental sur le refrain de "Shine") ; tantôt grungy (la wha-wha de "Slide"), tantôt spatiale et parfois même shoegaze (l'ambiant et planant "Electra")... Tout un tas d'expérimentations peu communes parmi lesquelles mêmes les introductions et interludes des morceaux deviennent à elles seules de véritables histoires courtes.
Puis il y a la batterie. Scott Ellis est la preuve par trois qu'un excellent batteur peut sublimer la musique d'un groupe. Ses exécutions extraverties articulent les morceaux en occultant les clichés pour leur donner une force phénoménale, ses bras infatigables ne cessant d'aller et venir sur les fûts et métaux. Et si l'on y mélange la fameuse production singulière, le cocktail est explosif. L'instrument a une vaste place, les toms sont gras, les cymbales sont imposantes, les sons adjacents sont soignés, et les harmoniques de caisse claire sont à l'honneur. Surtout sur ce dernier point, une mouture très dangereuse à proposer aux metalleux pur jus élevés à Lars Ulrich (qui fera lui-même ce coup du ‘son casserole' bien des années plus tard sur St Anger, qui soulèvera la polémique, mais c'est une toute autre histoire...). A conseiller aux batteurs en manque de fièvre, voulant casser leurs repères... Quelle performance...
La solution élaborée par le quatuor et Robinson fait alors de E-lux l'extraordinaire vaisseau pour ces compositions désarticulées, très variées, dont aucune n'est à écarter. Les nombreux flagrants délits de poings dans la gueule de l'auditeur commencent incontestablement par la furie "Disease" qui plante le décor de l'œuvre à coups de marteau. On passe difficilement entre les balles, atteint par le sombre "Exit Wound", le primitif "Hold Me Down", le polymorphe "Shine", l'enivrant "Electra", l'étrange "Interlude" et son squelette grunge, le costaud "Powerstrip"... L'ensemble des pistes déploient la palette sans merci du quatuor, et ce jusqu'à "One Night In Spain...", une chanson lumineuse plus mélodique ; idéale pour souffler un peu après tant de déferlantes bruitistes, et attaquer le bouquet final "Slide" / "Dog". Deux titres terrassant, l'un misant sur un riff basique parfait et un bruitisme sauvage, l'autre sur la mélodie entêtante et le rythme haletant : on est achevé... Après ça, "Get With It" pousse fermement vers la sortie, d'une dernière détonation puissante mais paraissant reposante et salutaire, le rire de Aimee Echo comme ultime son coulant à nos tympans.
‘Human Waste Project' : un 'gâchis' que ça ne soit pas allé plus loin, un bonheur d'en avoir malgré tout une trace. Trois ans avant le Relationship Of Command de At The Drive-in ou le Everything You Ever Wanted To Know About Silence de Glassjaw, Robinson se sera déjà dégoté un cobaye, mort presque aussitôt après, dont le style fut un prototype trop vite oublié. Un OVNI de cette envergure vaut cependant tous les neo et revivals de la Terre...
Human Waste Project fut paradoxalement l'un de ceux-là, puisque la production décriée de l'ami ‘RoRo' se trouve avoir été la levure adéquate pour remuer la pat(t)e de ce quatuor à part. Bien entendu, ces quatre musiciens viennent du rock heavy et agressif et ça s'entend dans les grandes lignes, hormis l'explosive Aimee Echo qui n'avait pas grand-chose de plus sur son CV qu'une apparition difficilement perceptible sur le One Hot Minute des Red Hot (si si ! Tendez l'oreille sur le titre éponyme et "One Big Mob"...). Mais l'identité du groupe n'en est pas pour autant prête à l'emploi, car à l'écoute du résultat il est compliqué d'immatriculer clairement la nature du projet. Car en propulsant E-lux sur l'appareil de lecture, une introduction stridente digne d'un film d'épouvante kitsch lève lentement le rideau sur un univers ténébreux et électrique, énergique et suffocant, à mille lieux du neo décrit sur le papier. A moins qu'il n'ait plusieurs trains d'avance sur le reste des troupes, question de point de vue...
"Disease" débarque et étale d'entrée le battle plan : HWP distille sans concessions un rock alternatif aux mécanismes sinueux, bordélique et gluant. Un golem de son alimenté des braises du grunge et du metal –les riffs ayant le plus souvent des éclats de Nirvana ou Smashing Pumpkins-, dans lequel se plantent des branches hardcore et noise, et quelques fines substances prises à tout autres styles. On saisit très rapidement que derrière cette prod' écorchée, ce ton musclé et dégueulasse, se cache une composition savante et des musiciens aux partitions et idées riches. Comme la no-wave fut à la new-wave, pouvait-il résider un prémisse de ‘no-neo' entre les lignes de la musique de Human Waste Project ? Appellation pas très mélodieuse mais tout de même à méditer.
L'élément fédérateur du groupe se manifestant le premier à nos oreilles est bien évidemment la voix. Aimee Echo est une sacrée nana au sacré brun de voix, dont on palpe la personnalité à chaque mot. Souvent comparée à son amie Tairrie B (My Ruin, Manhole/Tura Santana) en plus féminine ou une Gwen Stefani (No Doubt) complètement pétée, son timbre oscille entre petite fillette schizophrène et félin enragé. Des cordes vocales soudant immanquablement une partie de l'âme du groupe au mouvement riot grrl, tel un chaînon manquant robuste se greffant à un courant tout aussi violent mais plus frêle, et qui en a bien besoin. La misogynie omniprésente du nouveau metal étant totalement absente au micro, y associer le groupe n'en devient que plus ridicule. La belle s'attelant plus à une Courtney Love qu'à un Fred Durst, les airs qu'elles sèment à merveille transcendent les morceaux vers de plus hautes sphères qu'un conformisme neo. Même ses respirations se font musicales (le refrain d'"Exit Wound").
Un autre point non négligeable de la saveur du quatuor est sans nul doute l'importance des effets guitares. On en voit même une photo dans le livret, et on imagine ces pédales de toutes sortes fourmillant aux pieds d'un Mike Tempesta très inspiré, au point d'en prêter à Schartoff, son pote le bassiste qui ne va pas se priver non plus. Si c'est efficace mais plus sobre pour ce dernier, Tempesta donne lui l'impression d'un gamin ayant pris des cours à l'école Cobain et pillé un magasin d'effets pour jouer à Tom Morello. C'est un véritable festival d'adroites mises en couleurs, probablement épaulé par Robinson, qui comblent l'œuvre d'un bout à l'autre. Tantôt bruitiste ("Powerstrip"), tantôt psychédélique (le gimmick oriental sur le refrain de "Shine") ; tantôt grungy (la wha-wha de "Slide"), tantôt spatiale et parfois même shoegaze (l'ambiant et planant "Electra")... Tout un tas d'expérimentations peu communes parmi lesquelles mêmes les introductions et interludes des morceaux deviennent à elles seules de véritables histoires courtes.
Puis il y a la batterie. Scott Ellis est la preuve par trois qu'un excellent batteur peut sublimer la musique d'un groupe. Ses exécutions extraverties articulent les morceaux en occultant les clichés pour leur donner une force phénoménale, ses bras infatigables ne cessant d'aller et venir sur les fûts et métaux. Et si l'on y mélange la fameuse production singulière, le cocktail est explosif. L'instrument a une vaste place, les toms sont gras, les cymbales sont imposantes, les sons adjacents sont soignés, et les harmoniques de caisse claire sont à l'honneur. Surtout sur ce dernier point, une mouture très dangereuse à proposer aux metalleux pur jus élevés à Lars Ulrich (qui fera lui-même ce coup du ‘son casserole' bien des années plus tard sur St Anger, qui soulèvera la polémique, mais c'est une toute autre histoire...). A conseiller aux batteurs en manque de fièvre, voulant casser leurs repères... Quelle performance...
La solution élaborée par le quatuor et Robinson fait alors de E-lux l'extraordinaire vaisseau pour ces compositions désarticulées, très variées, dont aucune n'est à écarter. Les nombreux flagrants délits de poings dans la gueule de l'auditeur commencent incontestablement par la furie "Disease" qui plante le décor de l'œuvre à coups de marteau. On passe difficilement entre les balles, atteint par le sombre "Exit Wound", le primitif "Hold Me Down", le polymorphe "Shine", l'enivrant "Electra", l'étrange "Interlude" et son squelette grunge, le costaud "Powerstrip"... L'ensemble des pistes déploient la palette sans merci du quatuor, et ce jusqu'à "One Night In Spain...", une chanson lumineuse plus mélodique ; idéale pour souffler un peu après tant de déferlantes bruitistes, et attaquer le bouquet final "Slide" / "Dog". Deux titres terrassant, l'un misant sur un riff basique parfait et un bruitisme sauvage, l'autre sur la mélodie entêtante et le rythme haletant : on est achevé... Après ça, "Get With It" pousse fermement vers la sortie, d'une dernière détonation puissante mais paraissant reposante et salutaire, le rire de Aimee Echo comme ultime son coulant à nos tympans.
‘Human Waste Project' : un 'gâchis' que ça ne soit pas allé plus loin, un bonheur d'en avoir malgré tout une trace. Trois ans avant le Relationship Of Command de At The Drive-in ou le Everything You Ever Wanted To Know About Silence de Glassjaw, Robinson se sera déjà dégoté un cobaye, mort presque aussitôt après, dont le style fut un prototype trop vite oublié. Un OVNI de cette envergure vaut cependant tous les neo et revivals de la Terre...
Intemporel ! ! ! 20/20 | par X_YoB |
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