Codeine
Frigid Stars |
Label :
Sub Pop |
||||
Morne et effrayant.
Ce sont les impressions qui subsistent lorsqu'on se souvient du premier opus de Codeine.
Il y a beaucoup de rage dans cette musique implacable, seulement elle n'exhulte pas, elle reste contenue, baillonée. Ça fait comme un noeud dans l'estomac, une sorte de boule qui ne passe pas, quelque chose de noir qu'on remue, qu'on titille sans que ça puisse jaillir. La batterie cogne machinalement de manière sourde, les guitares sont détachées et insicives mais jamais ça n'explose. Ça se retient plutôt. Pourtant l'intensité atteint souvent des paroxysmes insoutenables. A force d'augmenter progressivement la tension, en jouant au ralenti de manière à ce que le son lourd et sombre des compositions puisse prendre le temps de s'établir et de s'installer, on est saisi à la gorge. On attend que la tempête se déchaîne mais elle ne vient jamais: pourquoi ? Peut-être parce que ce serait inutile. La colère et la frustration sont des sentiments qui se vivent en dedans et qui s'alimentent tout seul par des déclarations d'amertumes désespérées.
La voix de Stephen Immerwah, grave et absente, est émouvante au possible et se conjugue à merveille aux sommets de beauté froide que sont "D", "Cave-In" ou "3 Angels". Les mélodies sont jouées du bout des doigts, soutenues par un chant fantômatique mais sont vite écrasées par une section rythmique robotique et destructrice ("New Year's") qui les étouffe presque avant qu'elles n'aient eu le temps de s'épanouir. Sur "Second Chance", une boucle musicale se répète indéfiniment, faute de pouvoir exploser.
C'est puissant, grave mais ça reste à l'état congelé. Ce manque de chaleur apparente est absolument destabilisante. Frigid Stars apparaît comme une éloge de l'abattement, du découragement. Mais c'est aussi l'occasion unique de s'évader et de contempler une beauté intemporelle, inexplorée jusqu'alors. "Old Things" est carrément un monstre immense écrasant tout sur son passage de manière tout à fait nonchalante et tranquille. Pas besoin de se presser pour faire hérisser les poils. Le rock de Codeine a beau devenir de plus en plus dur, le chant reste imperturbable, créant un malaise indéfinissable. Codeine, c'est le trouble, le brouillard, la nécrose.
Et même la mortuaire balade "Pea", en fin d'album, jouée à la guitare acoustique, n'arrangera ce drôle de sentiment qui fait figurer qu'on vient d'entr'apercevoir des choses bien inquiétantes, à la limite de la tristesse inconsolable et du desespoir assumé. Ici on est dans un monde où les réjouissances sont bannies, un monde pas commode, un monde désolé...
Ce sont les impressions qui subsistent lorsqu'on se souvient du premier opus de Codeine.
Il y a beaucoup de rage dans cette musique implacable, seulement elle n'exhulte pas, elle reste contenue, baillonée. Ça fait comme un noeud dans l'estomac, une sorte de boule qui ne passe pas, quelque chose de noir qu'on remue, qu'on titille sans que ça puisse jaillir. La batterie cogne machinalement de manière sourde, les guitares sont détachées et insicives mais jamais ça n'explose. Ça se retient plutôt. Pourtant l'intensité atteint souvent des paroxysmes insoutenables. A force d'augmenter progressivement la tension, en jouant au ralenti de manière à ce que le son lourd et sombre des compositions puisse prendre le temps de s'établir et de s'installer, on est saisi à la gorge. On attend que la tempête se déchaîne mais elle ne vient jamais: pourquoi ? Peut-être parce que ce serait inutile. La colère et la frustration sont des sentiments qui se vivent en dedans et qui s'alimentent tout seul par des déclarations d'amertumes désespérées.
La voix de Stephen Immerwah, grave et absente, est émouvante au possible et se conjugue à merveille aux sommets de beauté froide que sont "D", "Cave-In" ou "3 Angels". Les mélodies sont jouées du bout des doigts, soutenues par un chant fantômatique mais sont vite écrasées par une section rythmique robotique et destructrice ("New Year's") qui les étouffe presque avant qu'elles n'aient eu le temps de s'épanouir. Sur "Second Chance", une boucle musicale se répète indéfiniment, faute de pouvoir exploser.
C'est puissant, grave mais ça reste à l'état congelé. Ce manque de chaleur apparente est absolument destabilisante. Frigid Stars apparaît comme une éloge de l'abattement, du découragement. Mais c'est aussi l'occasion unique de s'évader et de contempler une beauté intemporelle, inexplorée jusqu'alors. "Old Things" est carrément un monstre immense écrasant tout sur son passage de manière tout à fait nonchalante et tranquille. Pas besoin de se presser pour faire hérisser les poils. Le rock de Codeine a beau devenir de plus en plus dur, le chant reste imperturbable, créant un malaise indéfinissable. Codeine, c'est le trouble, le brouillard, la nécrose.
Et même la mortuaire balade "Pea", en fin d'album, jouée à la guitare acoustique, n'arrangera ce drôle de sentiment qui fait figurer qu'on vient d'entr'apercevoir des choses bien inquiétantes, à la limite de la tristesse inconsolable et du desespoir assumé. Ici on est dans un monde où les réjouissances sont bannies, un monde pas commode, un monde désolé...
Excellent ! 18/20 | par Vic |
Posté le 23 octobre 2008 à 16 h 43 |
Tu t'en souviens ? De la première prise ?
J'avais peur oui, je redoutais l'inconnu. Je pensais à mes propres démons, à ma faiblesse, à la chair qui m'étrangle. On en rigolait bien sûr... On était assis dehors, sur la pelouse, à contempler la nuit s'abattre sur nos têtes, et tu m'as passé cette étrange mixture : Codéine.
Le goût était franchement immonde, ça oui. Un concentré opaque que t'avais extrait de ces médicaments, des cachets d'une extrême blancheur, durs. T'as laissé ça reposer, dans le frigidaire, c'était bien froid. Dans une bouteille dégueulasse.
Je porte ça à mes lèvres, ça me rappelle l'hôpital. Tu crois vraiment que c'est bon ? Qu'on va être bien ?
J'ingurgite ; violence. Ecoeurement. C'est quoi ce truc ?
Je reprends une gorgée, puis une autre, j'ai enfin fini.
J'attends, avec ce sale goût dans la bouche.
30 minutes tu disais ? Je sens rien. Je crois qu'on a trop parlé. C'est long. Les rares étoiles au-dessus de nos têtes ne brillent pas, elles sont figées là pour toujours, comme dépourvues de vie. Des objets du décor. Comme les arbres, et le vent pour seul ami. On s'échange nos cigarettes, la fumée nous accompagne pour un bon moment.
Merde, déjà le moment de partir, je me lève... ouh là, il se passe quoi ? Je viens d'avoir un flash ! Je flotte ou bien ? Toi aussi ? Je... me sens bizarre. Je crois que c'est tout doux... Je commence à sentir du coton sur ma peau. Je fatigue mais... je ne pense plus. Enfin ! Je suis hors du temps, je me sens juste bien, ici et maintenant. Rentrer à pied ? Quelle importance ?
Je le laisse, il en a pris plus que moi, je sens qu'il est déjà parti. Je m'éloigne, puis je rentre chez moi, une étrange fatigue sur les épaules. 30 minutes ? 1 heure ? Je ne sais pas, je n'y pensais pas, je ne faisais que me sentir imbibé dans ce décor, aspiré dans un trou béhant. C'est ça la contemplation tu dis ?
Je me couche, mon estomac joue une symphonie gastrique. Le temps s'est arrêté pour lui aussi. Je dors, éveillé. Drôle de sensation. Mes rêves se confondent avec la réalité. Ca gratte aussi. Demain j'aurai de minuscules pupilles et j'irai déverser mon mal aux toilettes.
Mais là, juste maintenant, je ne suis plus anxieux, je suis simplement bien.
Je l'ai revu, il m'a dit qu'on avait pris de la codéine. Il veut recommencer. Je songe à lui dire que j'ai trouvé la musique idéale pour nos veillées...
J'avais peur oui, je redoutais l'inconnu. Je pensais à mes propres démons, à ma faiblesse, à la chair qui m'étrangle. On en rigolait bien sûr... On était assis dehors, sur la pelouse, à contempler la nuit s'abattre sur nos têtes, et tu m'as passé cette étrange mixture : Codéine.
Le goût était franchement immonde, ça oui. Un concentré opaque que t'avais extrait de ces médicaments, des cachets d'une extrême blancheur, durs. T'as laissé ça reposer, dans le frigidaire, c'était bien froid. Dans une bouteille dégueulasse.
Je porte ça à mes lèvres, ça me rappelle l'hôpital. Tu crois vraiment que c'est bon ? Qu'on va être bien ?
J'ingurgite ; violence. Ecoeurement. C'est quoi ce truc ?
Je reprends une gorgée, puis une autre, j'ai enfin fini.
J'attends, avec ce sale goût dans la bouche.
30 minutes tu disais ? Je sens rien. Je crois qu'on a trop parlé. C'est long. Les rares étoiles au-dessus de nos têtes ne brillent pas, elles sont figées là pour toujours, comme dépourvues de vie. Des objets du décor. Comme les arbres, et le vent pour seul ami. On s'échange nos cigarettes, la fumée nous accompagne pour un bon moment.
Merde, déjà le moment de partir, je me lève... ouh là, il se passe quoi ? Je viens d'avoir un flash ! Je flotte ou bien ? Toi aussi ? Je... me sens bizarre. Je crois que c'est tout doux... Je commence à sentir du coton sur ma peau. Je fatigue mais... je ne pense plus. Enfin ! Je suis hors du temps, je me sens juste bien, ici et maintenant. Rentrer à pied ? Quelle importance ?
Je le laisse, il en a pris plus que moi, je sens qu'il est déjà parti. Je m'éloigne, puis je rentre chez moi, une étrange fatigue sur les épaules. 30 minutes ? 1 heure ? Je ne sais pas, je n'y pensais pas, je ne faisais que me sentir imbibé dans ce décor, aspiré dans un trou béhant. C'est ça la contemplation tu dis ?
Je me couche, mon estomac joue une symphonie gastrique. Le temps s'est arrêté pour lui aussi. Je dors, éveillé. Drôle de sensation. Mes rêves se confondent avec la réalité. Ca gratte aussi. Demain j'aurai de minuscules pupilles et j'irai déverser mon mal aux toilettes.
Mais là, juste maintenant, je ne suis plus anxieux, je suis simplement bien.
Je l'ai revu, il m'a dit qu'on avait pris de la codéine. Il veut recommencer. Je songe à lui dire que j'ai trouvé la musique idéale pour nos veillées...
Exceptionnel ! ! 19/20
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