Micah Paul Hinson a eu une vie de merde. Pour faire vite : banqueroute, alcool, sans abri, prison, cœur brisé. C'est beaucoup pour un jeune homme né le même jour que la tentative d'assassinat de Reagan (30 mars 81).

Quand on écoute le premier album de cet américain, hormis cette sensation très rare d'entendre un pur génie, on se dit qu'il a une voix qui colle avec sa vie : une voix grave, souvent dédoublée, superposée, prête à se rompre, d'une profondeur et d'une force à faire passer Johnny Cash ou Kurt Wagner de Lambchop pour des choristes.
Or, Micah P. Hinson a bien plus qu'une voix magique et un gros talent de songwriter, il a aussi une dose sidérante de génie.

Son premier album, où il s'entoure d'un groupe appelé The Gospel of Progress (avec des membres des Earlies) est d'une puissance émotionnelle dévastatrice.
Très peu de batteries (souvent martiales), beaucoup de guitares, de pianos et de cordes, parfois un accordéon qui vient hanter quelques titres. On pourrait parler de rock acoustique crépusculaire, de Nick Cave ou de Sparklehorse, et alourdir la liste indéfiniment de comparaisons flatteuses pour faire comprendre la grandeur de ce disque ... mais ça serait finalement emprisonner la magie d'une oeuvre qui repose sur un équilibre fragile, unique et d'une ampleur effarante. "Beneath the Rose", "Don't You" et "Stand In My Way", des chansons parfaites qui sont tout simplement addictives.

Et puis ... il y a le dernier titre, véritable tour de force qui laisse pantois d'admiration. "The Day Texas Sank To The Bottom Of The Sea", est une vertigineuse valse sombre de plus de 8 minutes, dans laquelle, pendant une magique fraction de seconde, la voix de Micah P. Hinson se brise sous l'émotion.
Cette chanson – à l'image de tout l'album – est bien plus qu'une grande chanson ... c'est la naissance d'un artiste qui ne peut être qu'immense.