GFOTY
GFOTV |
Label :
GIRLFRIEND |
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À chaque fois que je pense avoir mis le doigt sur ce qui me fascine et me plait tant dans la musique scandaleuse de GFOTY, celle-ci se soustrait à mon étreinte telle une anguille ivre et bruyante, mon doigt glisse alors et je me le fourre dans l'œil. Une leçon d'humilité à chaque nouvelle sortie. Ce je-ne-sais-quoi, j'ai tenté de l'épingler à maintes reprises ; dans la sublimation des guitares dégénérées de Call Him a Doctor, la lapidation extatique du Dog Food Mix, l'étrange pureté débile des Cake et Secret Mix, dans le rebond frénétique et hallucinatoire de Friday Night, la béance romantique désincarnée de Bobby et globalement l'audace syncrétique de tous ses DJ sets... J'ai pu identifier, certainement, des traits qui définissent plutôt bien la persona musicale de Polly-Louisa Salmon ; une crétinerie revendiquée, un goût pour la pop et les musiques électroniques les plus cheaps de la charnière 90s/00s, une capacité à partir de la satire pour arriver à des formes hybrides sans précédents. Mais chaque nouveau projet ne fait qu'appuyer ce qui devient - à mon corps défendant - une certitude : la princesse est dans un autre château.
L'essentiel est ailleurs. J'ai beau défouler mon désarroi dans des intellectualisations à outrance qui ne vont nulle part et me laissent plus paumé qu'au départ, je rate le "truc". C'est que j'avais oublié un point pourtant évident, autant que le nez au milieu de la figure et que le sang qui coule dans mes veines : en musique, le second degré ça n'existe pas. On peut palabrer autant qu'on veut une fois le choc accusé, se persuader qu'on aime untel ironiquement, qu'un autre n'est pas à prendre au sérieux, que c'est une blague, un troll m'voyez ? N'empêche que l'émotion musicale, elle, se vit au premier degré. Alors au lieu de conceptualiser dans le vent, revenons aux racines. Et parmi la myriade des visages de GFOTY, ce GFOTV est l'occasion idéale pour renouer avec l'émotion.
Parce que sur GFOTV, album concept de pop culture infantile, Polly met le doigt sur une fragrance émotionnelle unique, un trouble qui mêle tendresse et maladresse enfantine au sein de vignettes dont les restes de satire (son exercice favori depuis toujours) ne parviennent pas à cacher une connexion authentique à l'enfance. Concrètement, GFOTV présente 12 minutes de Polly chantant pataudement des pitchs de séries et cartoons des années 90/début 00s d'une voix plus ou moins modifiée, sur des instrumentations faites d'arpèges de pianos électriques, de séquenceurs ou de synthés, et occasionnellement des nappes électroniques. Les morceaux sont construits autour du générique de chaque série abordée - souvent tellement subverti qu'il en est méconnaissable - à l'exception de deux titres, au milieu et à la fin : des instrumentaux qui tirent vers le minimalisme.
Une fois qu'on a dit ça, au fond on a pas dit grand chose, mais assez quand même pour appréhender la foule des railleurs ou des déçus. Un virage stylistique soudain qui délaisse l'esthétique bitchy ; un son loin du polissage bubblegum bass de jadis, brumeux, presque lo-fi ; la promesse d'un album pour finalement 12 minutes au compteur et des morceaux qui n'atteignent même pas la minute. Tout est là pour qu'on croit à la farce. Alors qu'il suffit d'écouter un peu, au premier degré, pour se rendre compte qu'il n'en est rien. À mesure qu'on tâte l'audace du style, la réappropriation experte des génériques (comme s'ils avaient été tordus dans tous les sens, jetés en l'air au hasard et qu'en tombant au sol ils auraient formé un sens nouveau), l'usage ludique d'outils de modification vocale, l'amusante et extrême simplicité des paroles qui décrivent les shows comme le ferait un enfant de 6 ans, on comprend que ce sentiment indéfinissable ne vient pas de nulle part. Que ce qu'on écoute est habité d'une grande sincérité. GFOTY a toujours flirté avec quelque chose d'enfantin, mais la naïveté était alors hybridée sans vergogne avec le stupre. Ici elle laisse de côté la caricature pour toucher à quelque chose de bien plus émouvant, et du coup dérangeant... Il y a fort à parier que si elle ne se traînait pas cette réputation (bien méritée) de trublionne et de troll notoire, GFOTV pourrait bien être respecté comme on respecte n'importe quel rejeton des Residents.
Mais laissons là ces bêtises mondaines, et donnons donc à ce courageux et brillant petit album l'hommage qu'il mérite. Pour ces instants singuliers qui me font vibrer jusqu'à l'os ; la transition de "IS A TEENAGE WITCH" à "SCHOOLFRIEND DRAMA", ce séquenceur hypnotique qui refuse de s'arrêter pour mieux gonfler sa voile à l'abordage de "FUNNYGUYS" ; la suspension émerveillée de "UNDER THE SEA", le curieux malaise de "GO HOME ROGER" qui résonne jusque dans le torrent de "EDIBLE BROTHERS", l'hilarité qui m'a secouée sans prévenir la première fois que "YOUTHFUL AND RICH" a plaqué sur son piano empoté la mélodie de The OC. Pour la réactualisation dans ma mémoire de Sabrina l'apprentie sorcière, Bob l'éponge, Kenan & Kel, Arthur ou encore Les Simpsons, sous un nouveau visage fort perturbant. Pour les premiers mots et les derniers rires, où pour la première fois Polly joue Polly, qui donne des instructions et rit de ses propres frasques. Pour ces deux pièces instrumentales si inattendues et apaisantes, "goodnite" particulièrement se reçoit comme un baume béatifiant, le meilleur moyen de se dire au revoir sans laisser planer le moindre doute sur la sincérité du geste.
Jamais GFOTY n'a eu un visage aussi humain. Peut-être s'agit-t-il simplement d'un nouveau masque, aussi artificiel que le précédent, je n'en sais rien, je m'en fiche, ça n'a aucune espèce d'importance : ce visage me touche au plus profond de l'être, et j'espère que cette singulière mixture de jingles télévisés ré-imaginés continuera encore longtemps à hanter mes rêveries éveillées.
L'essentiel est ailleurs. J'ai beau défouler mon désarroi dans des intellectualisations à outrance qui ne vont nulle part et me laissent plus paumé qu'au départ, je rate le "truc". C'est que j'avais oublié un point pourtant évident, autant que le nez au milieu de la figure et que le sang qui coule dans mes veines : en musique, le second degré ça n'existe pas. On peut palabrer autant qu'on veut une fois le choc accusé, se persuader qu'on aime untel ironiquement, qu'un autre n'est pas à prendre au sérieux, que c'est une blague, un troll m'voyez ? N'empêche que l'émotion musicale, elle, se vit au premier degré. Alors au lieu de conceptualiser dans le vent, revenons aux racines. Et parmi la myriade des visages de GFOTY, ce GFOTV est l'occasion idéale pour renouer avec l'émotion.
Parce que sur GFOTV, album concept de pop culture infantile, Polly met le doigt sur une fragrance émotionnelle unique, un trouble qui mêle tendresse et maladresse enfantine au sein de vignettes dont les restes de satire (son exercice favori depuis toujours) ne parviennent pas à cacher une connexion authentique à l'enfance. Concrètement, GFOTV présente 12 minutes de Polly chantant pataudement des pitchs de séries et cartoons des années 90/début 00s d'une voix plus ou moins modifiée, sur des instrumentations faites d'arpèges de pianos électriques, de séquenceurs ou de synthés, et occasionnellement des nappes électroniques. Les morceaux sont construits autour du générique de chaque série abordée - souvent tellement subverti qu'il en est méconnaissable - à l'exception de deux titres, au milieu et à la fin : des instrumentaux qui tirent vers le minimalisme.
Une fois qu'on a dit ça, au fond on a pas dit grand chose, mais assez quand même pour appréhender la foule des railleurs ou des déçus. Un virage stylistique soudain qui délaisse l'esthétique bitchy ; un son loin du polissage bubblegum bass de jadis, brumeux, presque lo-fi ; la promesse d'un album pour finalement 12 minutes au compteur et des morceaux qui n'atteignent même pas la minute. Tout est là pour qu'on croit à la farce. Alors qu'il suffit d'écouter un peu, au premier degré, pour se rendre compte qu'il n'en est rien. À mesure qu'on tâte l'audace du style, la réappropriation experte des génériques (comme s'ils avaient été tordus dans tous les sens, jetés en l'air au hasard et qu'en tombant au sol ils auraient formé un sens nouveau), l'usage ludique d'outils de modification vocale, l'amusante et extrême simplicité des paroles qui décrivent les shows comme le ferait un enfant de 6 ans, on comprend que ce sentiment indéfinissable ne vient pas de nulle part. Que ce qu'on écoute est habité d'une grande sincérité. GFOTY a toujours flirté avec quelque chose d'enfantin, mais la naïveté était alors hybridée sans vergogne avec le stupre. Ici elle laisse de côté la caricature pour toucher à quelque chose de bien plus émouvant, et du coup dérangeant... Il y a fort à parier que si elle ne se traînait pas cette réputation (bien méritée) de trublionne et de troll notoire, GFOTV pourrait bien être respecté comme on respecte n'importe quel rejeton des Residents.
Mais laissons là ces bêtises mondaines, et donnons donc à ce courageux et brillant petit album l'hommage qu'il mérite. Pour ces instants singuliers qui me font vibrer jusqu'à l'os ; la transition de "IS A TEENAGE WITCH" à "SCHOOLFRIEND DRAMA", ce séquenceur hypnotique qui refuse de s'arrêter pour mieux gonfler sa voile à l'abordage de "FUNNYGUYS" ; la suspension émerveillée de "UNDER THE SEA", le curieux malaise de "GO HOME ROGER" qui résonne jusque dans le torrent de "EDIBLE BROTHERS", l'hilarité qui m'a secouée sans prévenir la première fois que "YOUTHFUL AND RICH" a plaqué sur son piano empoté la mélodie de The OC. Pour la réactualisation dans ma mémoire de Sabrina l'apprentie sorcière, Bob l'éponge, Kenan & Kel, Arthur ou encore Les Simpsons, sous un nouveau visage fort perturbant. Pour les premiers mots et les derniers rires, où pour la première fois Polly joue Polly, qui donne des instructions et rit de ses propres frasques. Pour ces deux pièces instrumentales si inattendues et apaisantes, "goodnite" particulièrement se reçoit comme un baume béatifiant, le meilleur moyen de se dire au revoir sans laisser planer le moindre doute sur la sincérité du geste.
Jamais GFOTY n'a eu un visage aussi humain. Peut-être s'agit-t-il simplement d'un nouveau masque, aussi artificiel que le précédent, je n'en sais rien, je m'en fiche, ça n'a aucune espèce d'importance : ce visage me touche au plus profond de l'être, et j'espère que cette singulière mixture de jingles télévisés ré-imaginés continuera encore longtemps à hanter mes rêveries éveillées.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par X_Wazoo |
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