Prince
Sign O' The Times |
Label :
Warner Bros |
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S'il ne devait en rester qu'un, ce serait celui-ci : c'est probablement ce que devait penser Prince quand il s'est attelé à l'écriture de son ultime pièce de maître. Entre Parade (1986) et Sign O' the Times (1987), Prince a composé pas moins de trois projets qui ne paraîtront finalement jamais : Dream Factory (la dernière création avec son groupe The Revolution), Crystal Ball, un triple-album, et Camille, du nom de son alter-ego : c'est donc un Prince au sommet de son inventivité artistique qui compose, presque tout seul, Sign O' the Times, double-album, largement reconnu comme l'un des meilleurs albums des années 1980.
L'opus débute par la chanson-titre et premier single, le funk froid "Sign O' the Times", au texte effroyablement acide et pessimiste ("Hurricane Annie ripped the ceiling of a church and killed everyone inside / U turn on the telly and every other story is tellin' u somebody died"). La chanson étonne également par son fondamental minimalisme : "Sign O' the Times" est l'apothéose de ce que Prince expérimentait déjà depuis Dirty Mind en 1980 : vers l'essence des choses, toujours plus loin, en débarrassant les compositions du secondaire. Cette théorie disons "néoplasticienne" caractérisera également les morceaux "Housequake", "The Ballad of Dorothy Parker" ou l'excellent "Forever in My Life", tous les trois également issus du premier disque du double-LP. Que ce soit sur ces morceaux ou sur le sexy "It", au superbe final, les percussions sont particulièrement mises en avant, parfois plus encore que la voix : ce n'est probablement pas un hasard si au centre de la pochette de l'album trône triomphante la batterie et que seule la moitié du visage de Prince est visible, comme s'il disparaissait. Pourtant, le joyau pop, vaguement rétro, "Starfish and Coffee" prouve que, mélodiquement, Prince a rarement été aussi bon.
Le second disque s'ouvre sur le pop "U Got the Look", probablement le "tube" (tout est relatif) de l'album, dont l'association de la guitare stridente et du synthé enracine définitivement la chanson dans quelque chose de très 'new wave', rappelant les ambiances que l'on retrouvait au début des 80s chez les Missing Persons, par exemple. Le morceau suivant est l'un des plus déroutants de toute la discographie de Prince, et aussi l'un des meilleurs : le pop/funk "If I Was Your Girlfriend". Rescapé de son projet androgyne intitulé Camille, son double féminin, le morceau voit Prince au sommet de sa schizophrénie puisqu'il l'interprète sous le nom de Camille avec une voix plus aigüe et légèrement modifiée électroniquement. La couleur du morceau est d'un romantisme sombre – fin 1987, le Kid prendra le contre-pied de "If I Was Your Girlfriend" avec "Bob George", sur The Black Album, en jouant le rôle d'un gangsta rappeur misogyne.
Si le voyage jusqu'alors était déjà excellent, les quatre derniers morceaux de l'opus sont tout à fait exceptionnels. "I Could Never Take the Place of Your Man" est une ritournelle pop imparable au texte amer. D'une durée de six minutes trente, Prince casse complètement le format pop traditionnel : il n'y a plus de chant après deux minutes quarante, place alors à une enfilade de solos de guitare. Aux extrémités de ce long passage instrumental, on retrouve deux solos pop ; au centre, un solo bluesy délectable. "The Cross", bien que plus court (moins de cinq minutes), est un autre morceau qui prend son temps. Il s'agit très certainement d'un des meilleurs morceaux du disque. Le titre débute calmement, de façon acoustique, presque dans un murmure. Au fur et à mesure, un instrument s'ajoute et un puis un autre; la voix gagne en assurance, se fait plus forte, et est portée par une rythmique militaire. Le morceau acoustique au chant plaintif mue en un rock aux forts accents gospel, avec des guitares électriques saturées et une étrange sitar. Le crescendo est superbe. Après ces envolées presque mystiques, "It's Gonna Be a Beautiful Night", avant-dernier titre, nous fait redescendre samedi soir sur la terre : jam funk redoutable, cacophonie jouissive. Prince s'amuse et nous amuse sur neuf minutes. Le morceau a été enregistré en deux temps : à Paris, en live au Zénith, puis en studio où différents ajouts ont été faits. Enfin, Sign O' the Times s'achève sur "Adore", une magnifique ballade soul : six minutes trente de sensualité où la voix de Prince n'a jamais été aussi belle, offrant une palette de couleurs impressionnante et atteignant des aigus quasi inhumains. La voix reprend le dessus sur les percussions : Prince a gagné le combat.
Malgré ses nombreuses qualités mélodiques, Sign O' the Times n'est pas un album facile d'accès. L'absence d'un single fort à la "Kiss", le manque d'évidence radiophonique des ballades "Slow Love" et "Adore", en comparaison avec, par exemple, "Diamonds and Pearls", le minimalisme ambiant ou encore la multiplicité des genres musicaux (funk, pop, rock, soul, R&B, dance, new wave, etc.) : tout ça le rend difficile à cerner aux premières écoutes. Pourtant une fois apprivoisé, Sign O' the Times se révèle être peut-être l'album d'une vie.
L'opus débute par la chanson-titre et premier single, le funk froid "Sign O' the Times", au texte effroyablement acide et pessimiste ("Hurricane Annie ripped the ceiling of a church and killed everyone inside / U turn on the telly and every other story is tellin' u somebody died"). La chanson étonne également par son fondamental minimalisme : "Sign O' the Times" est l'apothéose de ce que Prince expérimentait déjà depuis Dirty Mind en 1980 : vers l'essence des choses, toujours plus loin, en débarrassant les compositions du secondaire. Cette théorie disons "néoplasticienne" caractérisera également les morceaux "Housequake", "The Ballad of Dorothy Parker" ou l'excellent "Forever in My Life", tous les trois également issus du premier disque du double-LP. Que ce soit sur ces morceaux ou sur le sexy "It", au superbe final, les percussions sont particulièrement mises en avant, parfois plus encore que la voix : ce n'est probablement pas un hasard si au centre de la pochette de l'album trône triomphante la batterie et que seule la moitié du visage de Prince est visible, comme s'il disparaissait. Pourtant, le joyau pop, vaguement rétro, "Starfish and Coffee" prouve que, mélodiquement, Prince a rarement été aussi bon.
Le second disque s'ouvre sur le pop "U Got the Look", probablement le "tube" (tout est relatif) de l'album, dont l'association de la guitare stridente et du synthé enracine définitivement la chanson dans quelque chose de très 'new wave', rappelant les ambiances que l'on retrouvait au début des 80s chez les Missing Persons, par exemple. Le morceau suivant est l'un des plus déroutants de toute la discographie de Prince, et aussi l'un des meilleurs : le pop/funk "If I Was Your Girlfriend". Rescapé de son projet androgyne intitulé Camille, son double féminin, le morceau voit Prince au sommet de sa schizophrénie puisqu'il l'interprète sous le nom de Camille avec une voix plus aigüe et légèrement modifiée électroniquement. La couleur du morceau est d'un romantisme sombre – fin 1987, le Kid prendra le contre-pied de "If I Was Your Girlfriend" avec "Bob George", sur The Black Album, en jouant le rôle d'un gangsta rappeur misogyne.
Si le voyage jusqu'alors était déjà excellent, les quatre derniers morceaux de l'opus sont tout à fait exceptionnels. "I Could Never Take the Place of Your Man" est une ritournelle pop imparable au texte amer. D'une durée de six minutes trente, Prince casse complètement le format pop traditionnel : il n'y a plus de chant après deux minutes quarante, place alors à une enfilade de solos de guitare. Aux extrémités de ce long passage instrumental, on retrouve deux solos pop ; au centre, un solo bluesy délectable. "The Cross", bien que plus court (moins de cinq minutes), est un autre morceau qui prend son temps. Il s'agit très certainement d'un des meilleurs morceaux du disque. Le titre débute calmement, de façon acoustique, presque dans un murmure. Au fur et à mesure, un instrument s'ajoute et un puis un autre; la voix gagne en assurance, se fait plus forte, et est portée par une rythmique militaire. Le morceau acoustique au chant plaintif mue en un rock aux forts accents gospel, avec des guitares électriques saturées et une étrange sitar. Le crescendo est superbe. Après ces envolées presque mystiques, "It's Gonna Be a Beautiful Night", avant-dernier titre, nous fait redescendre samedi soir sur la terre : jam funk redoutable, cacophonie jouissive. Prince s'amuse et nous amuse sur neuf minutes. Le morceau a été enregistré en deux temps : à Paris, en live au Zénith, puis en studio où différents ajouts ont été faits. Enfin, Sign O' the Times s'achève sur "Adore", une magnifique ballade soul : six minutes trente de sensualité où la voix de Prince n'a jamais été aussi belle, offrant une palette de couleurs impressionnante et atteignant des aigus quasi inhumains. La voix reprend le dessus sur les percussions : Prince a gagné le combat.
Malgré ses nombreuses qualités mélodiques, Sign O' the Times n'est pas un album facile d'accès. L'absence d'un single fort à la "Kiss", le manque d'évidence radiophonique des ballades "Slow Love" et "Adore", en comparaison avec, par exemple, "Diamonds and Pearls", le minimalisme ambiant ou encore la multiplicité des genres musicaux (funk, pop, rock, soul, R&B, dance, new wave, etc.) : tout ça le rend difficile à cerner aux premières écoutes. Pourtant une fois apprivoisé, Sign O' the Times se révèle être peut-être l'album d'une vie.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Rebecca Carlson |
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