Rammstein

Herzeleid

Herzeleid

 Label :     Motor Music 
 Sortie :    dimanche 24 septembre 1995 
 Format :  Album / CD   

Il y a d'abord cette pochette quand même particulière : six est-allemands plutôt baraqués, posant torse-nu, le pectoral luisant, avec un arrière plan de fleur harmonieusement éclose. Pas particulièrement souriants, on se dit qu'on n'aimerait pas se retrouver coincés avec eux dans un ascenceur. Ils n'ont pas l'air de plaisanter.
Sans connaître la musique de Rammstein au préalable, on se demande dans quoi on va verser : du martial et de la fessée bien rugueuse ? Du Bronski Beat plus musclé ? Un Boys Band façon Gedimat ? Ou ces trois propositions en même temps ?

Au moment de sa sortie, cette photographie du premier album de Rammstein a en effet suscité la polémique de par cette représentation des corps pouvant vanter une certaine image d'une "race supérieure", et fut remplacée par une pochette plus "polie" aux États-Unis afin d'éviter tout scandale ou fausse représentation pouvant nuire à nos tétonnés teutons. Mais on peut rêver plus facile comme début, la façon de chanter de Till Lindemann versant également dans l'ambiguïté sur ce sujet.

Or, nos gars de Rammstein, c'est plutôt des gentils, qui chantent leurs maux de cœur et d'âme sur une musique que beaucoup qualifient de Métal Industriel ou de Neue Deustche Härte ( soit en gros du Métal croisé avec plusieurs genres alternatifs dont l'Electro), en baladant sur scène leurs physiques de porteurs de parpaings (bon oui, il y a bien le mec au synthé qui tranche avec les autres, me direz-vous) sous des feux d'artifice. D'ailleurs plus leur carrière avancera, plus ils mettront à jour leur côté plus sympathique et rigolo.

Mais pour le moment, nous sommes en 1995, et Rammstein sort Herzeleid, en nous assénant sa formule qui restera plus ou moins la même durant la suite de leurs aventures : 11 titres, du riff carré, de la section rythmique en puissance, de l'Electro cool, de la poésie et de la luxure.

On peut prendre Rammstein à divers degrés, et c'est en cela qu'il est intéressant. Musicalement, le style est en effet assez limité, mais toujours efficace. La première rencontre est abrupte (c'est quoi ces mecs à moitié à oualpé qui chantent en allemand avec un accent douteux?) mais par la suite, on peut vite se laisser emporter : puissance et gloire, stupre raffiné, envolées lyriques. Comme savourer une gorgée de vin vieux millésimé à l'aide de la plus belle des coupes, et ensuite laisser sa trace pourpre d'amour par un doux baiser enivré sur l'opulente poitrine quelque peu découverte de la femme de vos rêves de cuir après des combats guerriers épiques...

Bien que plus confidentiel par rapport à ses successeurs, Herzeleid contient quelques uns des classiques de notre sextet : " Asche Zu Asche ", avec son synthé rappelant très très fortement le thème de Laura Palmer dans Twin Peaks ,sa rythmique Techno endiablée et son break de basse ultra cool et classe est tout aussi convaincant que l'érotique et sophistiqué " Du Riecht So Gut ", tout en coït interruptus (cassures des rythmes réguliers, éructations aigües de guitares) dans le but de faire durer le plaisir. On ne peut pas parler de Herzeleid sans évoquer " Seemann ", le " Oh !Mon Bateau " de Rammstein, morceau au centre du disque, à la fois calme et lourde tempête par ses guitares grondantes et sourdes. Si le chant de Till Lindemann peutêtre pris au ridicule de par ses intonations, il s'en dégage pourtant une réelle émotion romanesque. Ce genre de chansons sera présent dans tous les albums qui suivront.
Pour les autres classiques, on retiendra " Heirate Mich ", avec son thème rappelant vaguement celui de Mission : Impossible, pour une interprétation pulsionnelle, avec là encore un texte romantique pour retrouver l'être aimé dans les ténèbres, et " Rammstein ", présents tous deux sur la bande originale de Lost Highway qui permet de les faire connaître au-delà de l'Atlantique.

Quant aux autres chansons du disque, la musique et l'interprétation se veulent tout autant viscérales et pulsionnelles, chargées de testostérone et de métaphores guerrières ou mortuaires sur l'amour (" Wollt Ihr Das Bett In Flammen Sehen ", " Weisses Fleisch "), conformément à l'esprit romantique de la langue de Goethe. " Das Alte Leid " et " Herzeleid " poursuivent encore plus cette idée d'amour éphémère qui subit les outrages du temps et qui devient douleur...

Finalement, la pochette est assez représentative de l'album, avec en fond cette fleur symbolisant la passion qui ne demande qu'à s'épanouir et à vivre mais entravée par ces hommes semblant chargés en violence jusqu'au plus profond de leurs différents muscles...

Il serait dommage de cataloguer trop rapidement Rammstein de par son imagerie incongrue et mépriser leurs textes, semblants faciles au premier abord (peut-être la faute à " Du Hast " sur l'album suivant). Si leur genre ou leur musique est sans doute plus discutable (votre serviteur n'étant pas non plus un spécialiste dans ce domaine), nous sommes tout de même en présence d'un véritable groupe, ayant su rester uni malgré les nombreuses dissensions qui ont agrémenté leurs parcours, semblant prendre plaisir et à vouloir en donner autant à leur public avec leurs shows élaborés. Donc oui, plaisir d'offrir et joie de recevoir...


Très bon   16/20
par Machete83


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