Me'shell Ndegeocello
Ventriloquism |
Label :
Naïve |
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Six ans après un album de reprises de Nina Simone, Meshell Ndegeocello nous gratifie d'un nouveau disque de covers : Ventriloquism, qui revisite une dizaine de classiques du R&B des années 1980, à l'exception de "Waterfalls" des TLC, sorti au début des 1990s. Cette nouvelle galette made by Meshell nous replonge dans une période charnière de la musique appelée parfois 'black', tant elle a vu en son sein jaillir diverses mouvances : new jack, freestyle, quiet storm, etc. La plongée est, somme toute, très relative : Meshell Ndegeocello ne s'amuse pas à refaire du R&B 80s à coups de scratch et de synthés avec trente ans de retard ; elle propose plutôt une relecture, ou même – disons-le – une réécriture (parfois totale) de ces quelques classiques qui ont jalonnés ses années de formation à Washington. Le premier extrait de l'album, par exemple, "Tender Love", est à l'origine un single de Force MDs, un groupe aujourd'hui tout à fait oublié. Cette composition R&B/pop jouée au piano, très sucrée, voire un peu too much, est réinterprétée complètement : harmonica, guitares sèches, chant doux-amer. Si le texte reste le même – sur ce point, Meshell met, d'ailleurs, un point d'honneur à le respecter jusque dans les genres utilisés ("You need a man with sensitivity, a man like me", chante-t-elle sur "Sensitivity") – on est incontestablement plus proche de Neil Young que d'un boys band américain. Elle cite, à ce propos, le Harvest du Loner comme une source d'inspiration majeure pour ce nouveau disque. Et que dire de sa version de "Private Dancer" de Tina Turner... on voyage dans les mêmes contrées country/folk que précédemment : une réinterprétation façon "Les portes du pénitencier" du clinquant classique de Turner.
Le titre le plus surprenant est sans aucun doute le dernier : "Smooth Operator", le hit de Sade. Le texte à peu près inchangé est le seul fil qui relie sa version à l'originale, le reste est totalement méconnaissable : le smooth jazz langoureux de Sade s'est métamorphosé en bizarrerie difficilement descriptible à l'atmosphère dark et oppressante. Tout prend une couleur plus dark avec Meshell : le très sexy "Funny How Time Flies (When You're Having Fun)", conçu pour accompagner vos batifolages coquins, interprété à la base par Janet Jackson, prend ici une dimension plus glaçante et lourde. Meshell dénude la chanson en la ramenant presque exclusivement à son gimmick "Funny How Time Flies When You're Having Fun", répété à l'envi, et agrémente l'ensemble de larsens sur tout le long du morceau, mais aussi de cordes inquiétantes et, sur le final, de glaciales notes de piano.
L'unique morceau un peu plus guilleret est sans doute le premier : "I Wonder If I Take You Home", quoique à côté de l'original, à nouveau, on dégringole sur l'échelle de la joie. Mais ne nous méprenons pas ceci dit : on aurait du mal à accoler le terme 'sombre' sur l'ensemble de Ventriloquism. Les termes 'doux-amer', 'introspectif', 'sensuel', 'atmosphérique' fonctionnent beaucoup mieux. Le terme 'romantique' également car, après tout, les titres repris sont souvent des chansons d'amour, à l'image de "Nite and Day" de Al B. Sure ! dans une version aérienne tout à fait délicieuse. Elle reprend également le mélancolique "Sometimes It Snows in April", un chef-d'œuvre signé Prince... et c'est avec ce genre de cover que Meshell Ndegeocello prouve une fois de plus (avions-nous besoin d'une preuve supplémentaire ?) son immense talent : sa version – assez fidèle à l'originale, mais sans le piano et avec un côté ambient et atmosphérique poussé ici plus loin – n'a pas à rougir face à la perle de Parade (1986), l'un des grands albums princiers, au contraire elle procure tout autant de plaisir – pas plus, pas moins – que ce classique que beaucoup de fans de Prince auraient cru sans doute intouchable.
Un album de reprises est un exercice périlleux, souvent générateur de déceptions, ou pire d'agacements profonds : avec Ventriloquism, Meshell Ndegeocello réussit l'épreuve haut la main. Elle fait sien tous ces classiques – parfois oubliés – et leur insuffle une vie nouvelle, une couleur jusqu'alors inconnue, une dimension insoupçonnable.
Le titre le plus surprenant est sans aucun doute le dernier : "Smooth Operator", le hit de Sade. Le texte à peu près inchangé est le seul fil qui relie sa version à l'originale, le reste est totalement méconnaissable : le smooth jazz langoureux de Sade s'est métamorphosé en bizarrerie difficilement descriptible à l'atmosphère dark et oppressante. Tout prend une couleur plus dark avec Meshell : le très sexy "Funny How Time Flies (When You're Having Fun)", conçu pour accompagner vos batifolages coquins, interprété à la base par Janet Jackson, prend ici une dimension plus glaçante et lourde. Meshell dénude la chanson en la ramenant presque exclusivement à son gimmick "Funny How Time Flies When You're Having Fun", répété à l'envi, et agrémente l'ensemble de larsens sur tout le long du morceau, mais aussi de cordes inquiétantes et, sur le final, de glaciales notes de piano.
L'unique morceau un peu plus guilleret est sans doute le premier : "I Wonder If I Take You Home", quoique à côté de l'original, à nouveau, on dégringole sur l'échelle de la joie. Mais ne nous méprenons pas ceci dit : on aurait du mal à accoler le terme 'sombre' sur l'ensemble de Ventriloquism. Les termes 'doux-amer', 'introspectif', 'sensuel', 'atmosphérique' fonctionnent beaucoup mieux. Le terme 'romantique' également car, après tout, les titres repris sont souvent des chansons d'amour, à l'image de "Nite and Day" de Al B. Sure ! dans une version aérienne tout à fait délicieuse. Elle reprend également le mélancolique "Sometimes It Snows in April", un chef-d'œuvre signé Prince... et c'est avec ce genre de cover que Meshell Ndegeocello prouve une fois de plus (avions-nous besoin d'une preuve supplémentaire ?) son immense talent : sa version – assez fidèle à l'originale, mais sans le piano et avec un côté ambient et atmosphérique poussé ici plus loin – n'a pas à rougir face à la perle de Parade (1986), l'un des grands albums princiers, au contraire elle procure tout autant de plaisir – pas plus, pas moins – que ce classique que beaucoup de fans de Prince auraient cru sans doute intouchable.
Un album de reprises est un exercice périlleux, souvent générateur de déceptions, ou pire d'agacements profonds : avec Ventriloquism, Meshell Ndegeocello réussit l'épreuve haut la main. Elle fait sien tous ces classiques – parfois oubliés – et leur insuffle une vie nouvelle, une couleur jusqu'alors inconnue, une dimension insoupçonnable.
Très bon 16/20 | par Rebecca Carlson |
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