Jon Hopkins

Immunity

Immunity

 Label :     Domino 
 Sortie :    lundi 03 juin 2013 
 Format :  Album / CD  Vinyle  Numérique   

Il y a des albums comme ça qui se prêtent parfaitement à une ambiance. Qu'on l'ait essayé dans une circonstance particulière qui désormais est l'unique moyen d'écouter l'objet ou qu'on ait fantasmé cette association en fermant seulement les yeux avant de s'y soustraire, une fois le lien créé il est difficile de le rompre.

Immunity est mon album de nuit, celui qui ne peut prendre vie qu'une fois que les aiguilles de ma montre se superposent à la verticale, qu'il n'y a plus âme qui vive, pas même un chat et que je suis jeté dehors, dans le froid hivernal, seul avec mon vélo. Les grésillements et crépitements de "We Disappear" s'élancent dans mon cerveau avant même d'avoir appuyé sur Play, un appel de mon inconscient à lancer la bande originale de mon retour au bercail avec pour seule lumière le glitch hypnotique de Jon Hopkins.

Il n'en faut pas davantage pour m'élancer, braver cette traversée solitaire dans ce paysage urbain qui revêt une nouvelle identité à chaque fois : hostile d'obscurité et de teintes blafardes aux pieds des réverbères, sournoise lorsque la pluie se mêle à la sueur de mon effort, les chemins qui s'improvisent et disparaissent à chaque coin de rue, les pavés des vielles ruelles qui ne battent jamais le même rythme, les géométries des bâtiments qui changent suivant le type et la quantité d'alcool consommé dans la soirée... Pourtant je pédale comme un fou, le cœur battant à tout rompre, poussé par le chant mécanique des machines domestiquées par l'anglais, invoquant un mouvement éternel, dans sa forme la plus pure, la plus reptilienne. Celle des lumières opalines qui défilent en haie d'honneur, des flashes qui cristallisent leurs signaux sur mes rétines embuées, des vrombissements sourds d'une vie invisible à l'œil nu qui se déroule au-delà des murs, des bourrasques déboulant des quais pour tacler ma progression.

Jon Hopkins diffuse sa microhouse sonique comme feutrée avec la constance d'une locomotive en furie ("Open Eye Signal"), d'un vol parabolique sur automatique dans le cosmos ("Collider") ou d'une horloge en titane aux oscillations elliptiques ("Form By Firelight"). L'architecture industrielle qui se construit est somptueuse, véritable travail d'orfèvre et d'horloger où chaque tout petit bruit, clic, souffle devient important et constitue le moteur qui m'anime. Dans ce tout fait d'infinitésimaux, qui se modèle et remodèle à répétition, le temps perd son emprise et il devient compliqué de savoir si ce mouvement n'est finalement pas intérieur. Ces décors qui s'élèvent et approfondissent l'espace me laisseraient alors statique, sous hypnose, les tympans ébahis. Stoppé net ou jamais parti. Foudroyé sur place, comme par ces lignes de piano évaporées de "Abandon Window" avec toute leur pureté.

Immunity est cette sensation de toute puissance aussi fabuleuse qu'on la sait éperdument instable et éphémère. Des fractions d'éternités à faire revivre sans arrêt.


Exceptionnel ! !   19/20
par TiComo La Fuera


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