Do Make Say Think

Montréal - Canada [Sala Rossa] - jeudi 26 novembre 2009

 Do Make Say Think
"We are not post-rock". Justin Small tient à souligner ce point essentiel en désignant les membres d'un webzine adorateur du genre ayant eu le droit de filmer le concert. Décidément plus personne ne veut se faire épingler par cette étiquette qui a connu pourtant de beaux jours d'existence il n'y a pas si longtemps et dont de nombreux groupes se réclamaient citoyens. Néanmoins Do Make Say Think désire rester à part et ce droit d'être apatride ne peut pas leur être reproché.

Les Canadiens en font la démonstration de manière tacite pour clôturer le troisième volet de The Happiness Project. Plus rien à voir avec le besoin de nouer le dialogue façon Spearin avec ses voisins, ils dissertent sur le sujet avec leur base instrumentale imposante et incisive. Forts de cet aplomb forgé avec constance, ils s'emploient à chiner dans chacun de leurs albums (l'éponyme est le seul absent) des preuves de leur identité complexe et éclectique. La ribambelle de musiciens reste très statique. Change de temps à autres discrètement. Le volume maintient une pression élevée sur nos tympans. L'éclairage monochromatique braqué sur la petite scène de la Sala Rossa ne flanche pas. Le public est réceptif sans irrégularité. Pourtant dans cette immobilité générale, on voit défiler des titres à la cohérence solide qui font également bloc mais avec des facettes aux tranchants inhérents. La lignée de statues assouvit sa schizophrénie ambiante de jazz et de rock dans des murs de son pouvant grimper en pic après quelques acquiescements à l'instar de "The Universe !" magistral et "Outer Inner & Secret" à l'attaque fulgurante décuplée en live, métamorphose de désirs muets de rébellion en actes véhéments. Puis retomber dans des mélopées enivrantes faussement déglinguées ("Executioner Blues", "Auberge Le Mouton Noir" fabuleuse) où l'on se laisse mener par le bout du nez, béatement. Mais la grande force du collectif est de savoir faire régner et perdurer pendant une dizaine de minutes une tension qui rend aussi bien extatique que mal à l'aise notamment "Think" servi pour la fin dont la tonalité aurait sa place dans Goodbye Enemy Airship The Landlord Is Dead. Une palette de doutes qui doit en partie son efficacité à des riffs de basse tenaces et bombés et à la complémentarité des cuivres et du violon tantôt éclairés tantôt ténébreux ("Frederica" fatal dans cet exercice).

Ainsi berce la houle Do Make Say Think avec leur rigueur légendaire et une nonchalance certaine. Ecorces brutes maniant leurs instruments avec fluidité, ils libèrent par la voie des airs une conviction planquée au plus profond de chacun d'eux sans en avoir l'air. Other Truths qui n'est pas leur pièce maîtresse se défend bien en concert : exit par chance "Say" trop artificiel à mon goût et un accueil jubilatoire pour "Do" l'unificateur et sa ligne de basse grandiose. En une heure trente les canadiens ont (im)posé leur définition du bonheur avec le même flou artistique qui leur permet de glisser d'un morceau à l'autre sans éveiller trop l'attention et la précision de leurs ententes sur les moments clé de leurs pièces. J'y adhère.


Excellent !   18/20
par TiComo La Fuera


  Setlist:
Make
Outer Inner & Secret
Auberge Le Mouton Noir
Do
The Apartment Song
Bruce E Kinesis
Reitschule
Frederica
The Universe!
In Mind
>>>
Executioner Blues
Think




Photo par TiComo La Fuera.


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