Flavien Berger

Croire aux projets plus que savoir les faire. [vendredi 05 février 2016]

L’année 2015 a été belle pour Flavien Berger. Le jeune artiste, signé sur l’excellent label Pan European Recording, a sorti son premier album Léviathan, salué par la presse & le public.

Avec son mélange de pop et d’électro chanté en Français, plein de poésie et de folie "kraftwerienne", ses vidéos hyper créatives et des prestations live intenses et originales, ce gros bosseur s’est vite créé un public fidèle charmé par sa musique et la singularité du personnage.
C’est justement cette singularité qui m’a donné envie d’aller à sa rencontre. J’ai beaucoup écouté ses 2 EP (Glitter Glaze et Mars Balnéaire) ainsi que Léviathan dernièrement. Et ses rêveries musicales ne ressemblant tellement à rien de ce que j’avais entendu jusqu’alors, il me fallait absolument une explication.
Nous sommes le vendredi 5 février 2016 et Flavien joue à côté de chez moi dans la salle de concert/péniche (l’Iboat à Bordeaux) dans le cadre du très bon festival Vie Sauvage. Par l’entremise de Lok, qui avait déjà interviewé Arthur Peschaud le créateur de son label, je me retrouve donc à 18h00, sur la terrasse du bateau et au soleil pour un entretien passionnant.
Sur la table ; bière, pastis, saucisson, paquet de cigarette et un magnéto K7 qui plait beaucoup à notre interlocuteur qui ne le lâchera pas des mains ! On est donc prêt. Flavien est sympathique, très bavard et souriant comme je m’y attendais. L’interview qui devait durer 20 minutes durera près d’une heure, toute en digression sur plein de sujets que j’ai essayé de remettre dans l’ordre... Magneto K7 Serge, enfin Flavien je veux dire !


Interview menée par Plock



P : On reste souvent marqué par la musique qu’on écoutait adolescent. J’ai du mal à imaginer ce que toi tu pouvais bien écouter…

Flavien Berger : Lorsque j’étais au collège, mon grand frère écoutait du rap ou de la soul et mon père du jazz. Moi j’écoutais Skyrock ; ils passaient par exemple des groupes comme Saïan Supa Crew ou Lunatic. Par la suite, le téléchargement gratuit est arrivé, j’ai creusé des sillons et à la fin de l’adolescence j’avais découvert plein de choses ! J’écoutais de la musique parce que j’adorais écouter de la musique, mais il n’y a jamais eu un style qui m’a marqué plus qu’un autre.

Comment as-tu commencé à faire de la musique justement ?

Avec une PlayStation 2 et un jeu ludique pour fabriquer de la musique sur le même fonctionnement que toutes les stations audio numériques d’aujourd’hui. Il y avait une ligne avec des blocs, et dans ces blocs des informations que tu pouvais inter changer et poser sur des grilles mélodiques avec des sons joués à différentes hauteurs de pitch. Et tu pouvais sampler des cds. Il y avait ce moment assez incroyable ou je sortais le cd de la console et où le jeu continuait encore à fonctionner. J’avais l’impression de sortir du vide…Je ne pouvais pas utiliser ma voix, c’était hyper frustrant, donc j’utilisais des K7 audio pour m’enregistrer et chanter par-dessus !

Comment s’est passée ta signature sur le label Paneuropean Recording ?

Je fais parti d’un collectif qui s’appelle "Sin" depuis plusieurs années. On fait des installations musicales et sonores (ndlr : sur leur page facebook ils se définissent de cette manière : collectif de recherche expérimentale explorant les pratiques de la musique, du son, de la vidéo, de l'électronique, de l'informatique, du réseau, de l'archivage). On a été amené à collaborer avec Paneuropean Recording et c’est comme cela que j’ai rencontré Arthur Peschaud, le boss du label. Pour présenter mon travail, j’avais fait une carte USB avec des vidéos, des images, de la musique, des sons… ça a été la première et la dernière fois que je faisais ça. Mon projet est assez réfléchi en termes d’esthétique et ça a toujours collé avec eux car c’est plus qu’un simple label ; c’est une famille. Ils sont très attachés à tout ce qu’il y a autour de la musique ; les vidéos, les pochettes, etc. Avec eux tout est basé sur les rencontres. On se connait tous, on collabore ensemble alors que musicalement Jonathan Fitoussi, Buvette, Koudlam ou moi, ce qu’on fait est assez différent. Mais c’est un état d’esprit, une culture. Je fais écouter des trucs à Arthur, on pioche dedans, on rebosse. Il n’y a pas de sessions d’enregistrement studio, on a une grande liberté avec eux. Bon, si je propose un morceau en duo avec un pétomane ils vont peut-être me calmer (rires).
Pour moi après leur rencontre, ça été assez fulgurant. Tout ce que j’avais appris, attendu, espéré est arrivé. La collaboration avec Robin qui s’occupe de mes clips, Elodie qui s’occupe du management…C’est assez mystique toutes ces rencontres géniales et décisives en fait quand j’y repense !


2015 a été une année exceptionnelle pour toi. Ton premier album Léviathan a été unanimement salué par la critique et le public a suivi !

Ce n’est pas magique la presse et la promo ! Quand ça arrive, ça veut dire que plein de gens ont bossé en amont. Je me rends compte que j’ai eu une bonne année quand tu me le dis, car sinon je ne me repose pas sur mes lauriers, je continue les projets, j’avance. Maintenant il y’a tout un vocabulaire marin qui m’attend, et j’adore ça : le creux de la vague, l’écueil du deuxième album…ce champ lexical me plait beaucoup, j’ai hâte !

T’as même fait des plateaux télé ?

Oui un peu, ce n’est pas forcément ce que je préfère mais c’est un media énorme et ce serait con de s’en passer. Je suis passé sur France 4 à Monte Le Son dernièrement par exemple ; c’était pas mal.

Le titre Gravité est devenu un tube en plus !

Un tube je ne sais pas, mais il est programmé sur la playlist de France Inter par exemple…c’est assez étonnant car ce morceau n’a pas de structure avec un son en boucle très spécial. Mais tant mieux si cela plait à un maximum de gens, moi ça me rend heureux !


Tu n’aimerais pas essayer de le jouer avec un groupe type guitare-basse-batterie pour essayer ?

J’aime le blues, la guitare tout ça, mais non ce n’est pas prévu pour l’instant ; peut-être un jour mais ça me parait assez lointain pour le moment. Je n’y avais jamais pensé pour tout te dire !

Comment envisages-tu la suite ?

Je suis professeur dans une école  (ndlr : Atelier Préparatoire aux Ecoles Supérieures d'Art à Sèvres. Flavien est initialement diplômé de l’école nationale supérieure de création industrielle). Je voudrais bien finir l’année scolaire avec les étudiants, car dernièrement, je n’ai pas forcément été autant là que je le souhaitais. Je veux les suivre, les accompagner car c’est très important pour moi. Ensuite, je vais recommencer à travailler sur des morceaux, faire des concerts et continuer la tournée Léviathan jusqu’à La Cigale au mois de mai…La cigale quand je pense que je vais y jouer, j’en ai des frissons. C’est la plus belle salle de Paris ; l’histoire, le son, tout y est magique !

Le studio, les concerts sont deux exercices différents. Comment les appréhendes-tu ?

Pour les live, je crois en la transe dans son concept global ; l’inverse de la méditation. Un truc ou tout le monde se laisse aller. J’ai envie de faire danser les gens, que ce soit un spectacle ! Sébastien Tellier disait quelque chose comme « je veux m’adresser autant aux reins qu’au cerveau ». J’aime bien cette idée.
La création par contre c’est 100 % introspectif. Je sais ce à quoi je veux que ressemble mes productions. Ça n’empêche pas après de collaborer avec d’autres personnes mais les idées j’ai besoin de les trouver seul.

J’ai l’impression que pour toi et d’autres artistes de ta génération, comme Mansfield Tya, la musique est aussi un prétexte pour s’exprimer, avec avant tout l’envie de créer un univers ou raconter une histoire.

Oui je suis d’accord…C’est un cadre mais en effet on est inspiré par d’autres choses que la musique elle-même. Par exemple, moi la musique je ne la connais pas, c’est un terrain algébrique dont je n’ai aucune base…C’est un tâtonnement global assez mystique ; croire aux projets plus que savoir les faire.

Tu as abordé la SF, l’amour, la séparation, le Léviathan. Est ce qu’on pourrait te voir aborder d’autres sujets plus insolites comme…je ne sais pas ; le sport ?

Tu me dis ça en référence à Kraftwerk ! On m’en parle souvent, je les connais, j’aime ce qu’ils font mais je ne suis pas non plus un érudit de Kraftwerk. Le sport Je n’y connais rien…le seul lien que je dois avoir avec le sport c’est que mon frangin achète et lit l’équipe ! Mais c’est vrai que ça pourrait être un bon sujet, tiens.

Il faut faire gaffe aux albums à thèmes par contre. J’adore Sébastien Tellier, je le vénère et j’ai énormément écouté son album Sexuality par exemple. Mais à moment donné, je trouve que son écriture peut vite devenir très lisible dans ces disques à thèmes.


C’est comment la France pour les artistes en 2016 ?

Dans mon cas, je trouve ça super ! Par exemple, j’ai eu l’aide du fair (dispositif de soutien au démarrage de carrière et de professionnalisation en musiques actuelles). On me propose des dates, il y a des bonnes salles, je n’ai pas à me plaindre, ce serait mal venu !

Ta musique est très cinématographique. Tu vas devenir acteur ?

Non je ne pense pas…j’ai fait du théâtre plus jeune, mais non ça ne m’attire pas. Par contre réalisateur, quand j’aurais 50 ans, je commence à y réfléchir sérieusement. J’ai déjà pas mal de choses en tête ; comme le fait de faire jouer Gérard Depardieu…je l’adore, c’est le plus grand acteur français de tous les temps. Carpentier, Cronenberg, Lars Van Trier, Fellini, Cavalier, Bresson sont les réalisateurs qui m’inspire.

Ce soir tu joues dans le cadre du festival Vie Sauvage. Ton festival idéal ce serait quoi ?

Sun Ra, Musique Chienne, Buvette…et les Frères Jacques.


Vous pouvez lire le live-report du concert par ici









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