Pan European Recording

"Aujourd'hui, ça sert à ça les labels, à faire aboutir des projets, à faire exister des disques." [mercredi 09 janvier 2013]

En ce milieu d'après midi frileux de début janvier, je me rends dans les locaux de Pan European Recording, situé dans le 18è arrondissement, pour tailler le bout de gras avec Arthur Peschaud, ancien bassiste de Turzi et désormais boss de label... Interview fleuve. Interview faite par Lok



(La discussion s'engage d'elle même, sans même poser la première question)

...Finalement ça m'aide vachement d'avoir la connaissance du process, d'avoir joué dans des groupes, d'avoir enregistré....Pour comprendre en fait. J'vois quand même, dans pas mal de maisons de disques ils ne comprennent pas forcément tout les fils du procédé...

-Ils ont le produit fini, et point

-Ouais, quand tu veux dire quelque chose ils te comprennent pas forcément,

-C'est pas le même langage

-Ouais voilà, faut que ce soit plus bleu..., ambiance un peu starac quoi

-Ton univers...

-Ouais, mot interdit ! On a une liste de mots interdits comme ça avec Judah (Warsky), il est bien porté sur ce genre de trucs, on essaie de faire la liste de tous les mots à pas dire, genre opus, galette..y'en a plein, l'univers surtout, ça a été complètement dépossédé de son sens

-Clairement ouais, ça marche pour tout le monde

-Ouais c'est devenu super lisse, ça n'a plus de sens,

-Ca évite de parler de sa personnalité, son monde comme ils disent,

-Ce genre de phrases toute faite..

-Ou dans les critiques aussi, parler de l'album de la maturité !

-Ouais, ce genre de conneries (rire général) c'est complètement interdit l'album de la maturité.
Donc je disais, ça m'aide vachement d'avoir été beaucoup en studio, avec Turzi notamment, pour pouvoir parler le même langage, ça permet aussi de comprendre, ce qui est possible & ce qui ne l'est pas. Genre t'as un mix, tu voudrais que ça ressemble à du Lil'Wayne, c'est enregistré d'une telle manière, le process inclut le résultat de toute façon, même si au final, c'est le résultat qui compte...

-La façon de faire, la manière de travailler...

-Certains artistes travaillent de façon super empirique, & d'autres de façon plus traditionnelle, chaque artiste a son propre process...

-Son mode de création..

-Ouais voilà, entre Koudlam & Jonathan Fitoussi c'est pas du tout la même façon de fonctionner : l'un fait marcher des bandes toute la journée, en essayant, dans la pureté du son, et l'autre n'est que dans le résultat, il est là pour construire un truc.
Mais c'est amusant, moi j'aime bien . Le rôle d'un label aujourd'hui c'est de s'adapter au mode opératoire d'un artiste, pour leur faire faire le meilleur disque. C'est un rôle de vecteur...

-Oui, ce n'est pas juste d'avoir le produit fini...

-Moi ça m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse c'est le parcours, de partir d'un point de départ, une démo, jusqu'à la réalisation. Après il y a une multitude de chemin, c'est ça qui est intéressant, c'est ce qui fait que j'ai envie d'avoir un label, que ça m'intéresse de signer des artistes. C'est pour ça aussi que je signe pas de licence, ou de trucs étrangers, et que je signe souvent des artistes qui sont autour de moi, parce que j'aime la relation. Plus on est éloigné plus c'est difficile de travailler.

-Travailler par mail, s'échanger des pistes, des maquettes...

-Pour moi c'est pas possible, c'est un travail quotidien. Aujourd'hui, ça sert à ça les labels, à faire aboutir des projets, à faire exister des disques. Ça sert aussi d'étiquette, on est perdu dans une telle multitude de chose, de s'identifier à des vecteurs, c'est impossible sinon, trop de choses se font, trop de création. Un label c'est comme un prisme, un entonnoir, ça permet de simplifier.C'est pour ça que je pense que les labels ont encore de la place en 2013.

-C'est une sorte de porte d'entrée, pour peu que le label ait une ligne éditoriale cohérente, ça permet de fouiller, de chercher, tu connais cet artiste, tu vas chercher sur le label..

-Ouais c'est exactement ça, ça permet de se focaliser. Il y a beaucoup d'artistes, au tout début de la crise du disque, qui se sont dit « maintenant ce qui marche c'est l'autoproduction », mais y'en a pas un derrière qui n'a pas re-signer dans une maison de disque.

-Même quand tu vois Radiohead qui met son disque à prix libre sur internet, et deux mois après ils le sortent en coffret deluxe

-Ouais exactement à 28e... c'est de l'effet d'annonce , ça leur permet surtout de pas avoir à se payer de promo...

-Ouais, les morceaux gratuits sur le net, après forcément c'est Radiohead donc les fans veulent un truc un peu chiadé, ils raquent...

-Dans les contre exemples d'autoproduction moi j'avoue que.... j'adore le Klub des Loosers. Je trouve que son disque est génial, & pour le coup il l'a vraiment auto-produit.

-Y'a pas mal de collectifs qui se lancent ou qui sont déjà bien en place, comme Mon Cul C'est du Tofu par exemple,

-Ca me dit quelque chose ça

-C'est une espèce de label, distribution, collectif, organisation de concerts, et qui vend ses disques seulement dans l'optique de produire les suivants..

C'est un peu comme des marques en fait, plus qu'un système de fonctionnement. C'est important, de rassembler des artistes sous des bannières, pour faire le tri, y'a des milliards d'informations, des milliards de groupes

-T'es vite perdu, tu passes à coté de plein de trucs

Il n'y a jamais eu autant de musique qu'aujourd'hui, Tout le monde peut faire de la musique,

-Tout le monde peut la diffuser, après faire le tri c'est autre chose..

-Faire le tri, même pour un journaliste c'est impossible. Après tu passes ton temps à écouter, tu prends plus aucun plaisir à écouter les choses.
Quand je vois le classement Pitchfork, j'ai l'impression d'avoir des gens qui n'aiment plus écouter de musique, ils se réfèrent juste sur quel est la tendance de l'année... Là cette année c'était R'n'B, Kendrick Lamar... ça va quoi

-Perso j'ai écouté par curiosité mais bon...

-Mais ouais, en fait eux ils décident qu'un son est cool, ils recherchent plein de trucs qui correspondent à ce son là, et ils t'en mettent 70 noms sur les 100.

(Interruption extérieure rapide, me permettant de recentrer un peu la discussion)

-Cela fait donc 5 ans que le label existe...

-Ouais c'est ça, 5ans

-Et ça a commencé comment ?

-A l'époque je travaillais chez Record Makers, c'est là que j'ai appris comment fonctionnait un label. On avait reçu les démos d'un groupe, enfin d'un mec qui s'appelait Romain Turzi, et justement chez Record Makers on cherchait des projets de mec qui travaillait chez eux, qu'était plus dans le fonctionnement home-studio, c'était en... 2002.
C'était vraiment les débuts de la crise du disque, on sortait de la french touch, des trucs comme ça, et je me suis retrouvé à manager Turzi, je m'occupais des enregistrements, on a eu des tournées, & j'ai quitté Record Makers pour être avec Turzi et en croisant plein de groupes, que ce soit ceux rencontrés chez le label ou ceux qu'on croise en tournée, je me suis rendu compte qu'il y avait plein d'artistes qui n'étaient pas signés, qui n'avaient trop leur place dans l'esprit début 2000. A l'époque c'était un peu formaté, c'était le début du retour du rock, ça restait encore un peu poli, y'avait les Strokes, des trucs comme ça. Aqua Nebulla Oscillator quand je les ai vu en concert, je me suis dit ces mecs là ils ont compris un truc. C'était un truc que je ne connaissais pas, comme je te disais je sortais de la french touch tout ça, de la musique de connaisseurs, qui a traversé les frontières, tant mieux ! Ça nous a tous aidés, mais il y avait quand même un truc un peu lisse, et le retour du rock a amené un truc un peu... plus fou. Bon, après c'est parti dans l'autre sens, ça devenait cool de se battre, d'avoir l'air le plus... Mais du coup un groupe comme Aqua Nebulla Oscillator ça sortait de nul part, un vrai ovni. ça c'est une des rencontres par exemple, ça m'avait titillé quoi.

Après ça j'ai rencontré Koudlam par un ami, à un concert qu'on faisait avec Turzi, j'l'ai vu jouer c'était bizarre, dans une salle vide à Maubeuge, avant de préparer un concert à Créteil, avec Turzi & Koudlam. J'ai été le voir après le concert, je lui a dit que j'allais monter un label, appelle moi dans un an, et on fera un disque ensemble. & ça s'est fait, j'ai monté le label. Tu vois c'est aussi con que ça. Avec des gens qui y ont cru, qui m'ont aidé, ça a été assez facile dès le début, pour moi c'était comme ça qu'il fallait faire les choses, hyper...candide. Avec pour seul vecteur la musique que j'ai envie de porter, c'était ça en fait à la base, j'ai été rapidement aidé, par Aurélie Mercier qui dès le début s'occupait de faire les contrats, d'institutionnaliser le truc

-Ouais c'est pratique d'avoir quelqu'un comme ça avec qui bosser

-Ben ouais, c'était super. La seule fois où j'ai démarché en tant que label, c'était pour trouver un distributeur. C'était chez PIAS, à l'époque il y avait Jérôme Mestre, le gars qui a monté Desire Records, il nous a dit oui tout de suite.
Ma première idée était de sortir une compilation de tout les artistes qu'on représentait, on la sortit directement, derrière, le disque de Koudlam était prêt, Aqua Nebulla aussi, & à ce moment on a eu énormément de presse. C'était parti, on était plus un label débrouille quoi. On a fait que progresser en 5ans.

-C'est vrai que je connais pas mal de gens à qui pan european ça parle, plus que les artistes qui sont dessus. C'est plus l'image que ça représente, ne serait ce que le logo...

-Il a pas mal d'histoires le logo ! A la toute base moi je suis hyper fan de Phantom of the Paradise, avec Death Records, c'est quand même le label idéal quoi. C'est le meilleur logo & c'est le meilleur nom de label. Pour moi c'est ça ouais. Le paon c'est... le symbole de l'éternité, de l'intemporalité. Ça va bien avec un disque, moi je ne veux pas sortir un disque pour aujourd'hui ou pour plaire à sa voisine, on est là pour rentrer dans l'histoire de la musique. Ya vraiment un grand écart entre les impératifs ; qui sont les impératifs du monde de la musique d'aujourd'hui, & la trace dans l'histoire que pourrait laisser un disque. C'est pour ça que j'ai fait ce label, pour l'intemporalité, c'est ça qui m'intéresse. Je veux participer à l'histoire de la musique globale. C'est vachement ambitieux ouais...

-Pas sortir des trucs jetables

-Ouais, pas faire des trucs qu'on aura oublié dans un an, mais pour que dans 10 ans par ex, on voit qu'il y avait plein de bons artistes en France à ce moment là. Si c'est pour faire des petites choses, ou de la musique de téléphone portable, ça m'intéresse pas

-Comme on disait, le classement Pitchfork, Kendrick Lamar dans un an probablement il sera aux oubliettes...

-Mais ouais, comme tout ces trucs folks, avec lesquels on nous a bassiné. J'aimais bien au début, mais d'un coup tu t'en prends 25 dans la gueule,

-En créant des cases, néofolk, antifolk,

-mais ouais c'est trop !

-Et cette volonté de pouvoir, de créer ton truc, d'avoir ton label par la suite, c'était pas faisable en restant chez Record Makers ?

-En fait j'étais passé à autre chose, j'avais quitté Record Makers pour jouer dans Turzi, j'ai managé, j'ai réalisé des albums, ça s'est jamais présenté réellement comme ça, ça s'est vraiment fait naturellement, pas forcément pour avoir Mon label, mais ça s'est fait comme ça, la ligne artistique est un peu différente chez Record Makers, ils ont plus de notoriété déjà, c'est un peu mes parrains.

-Avec la première sortie, Voyage I donc, tu n'avais pas peur de... même si c'est une carte de visite géniale, de t'enfermer dans un coté...

-Label psychédélique ?

Ouais, voilà.

-Si, un peu. J'avoue. Ça m'a aidé au début, d'être identifié en tant que label psyché, d'un coté c'est pratique. Mais quand on me le demande, je dis que c'est pas vrai, on est pas un label psyché.
Koudlam c'est pas psyché, c'est de l'avant garde par exemple... J'aurai pas de mots pour définir la musique qu'on produit vraiment. L'étiquette psyché, je m'en suis servie, aujourd'hui je dirai pas qu'elle me pèse, mais elle est restrictive. Quand c'est marqué comme ça, ça m'embête un peu, mais bon, c'est quand même une partie du label, je dirai juste... avant garde quoi. C'est un peu le grand écart, le fil qu'on tire entre nos références et le futur. Se projeter vers l'avenir, c'est quand même ça le défi.
On en parlait tout à l'heure, le retour de la new wave en français, c'est un manque de projection total ! Ça fait genre, qu'est ce qu'on fait maintenant, y'a eu le retour du rock, le retour de machin , reste plus que ça..

-Des trucs comme Lescop, Aline..

-Mais ouais, j'en pense pas beaucoup de bien, enfin ça me parle pas... je vois pas l'intérêt.

D'un point de vue plus globale, c'est aussi une des grandes différences entre la France & l’Angleterre, ou les Etats Unis : la musique pour les gens en France c'est un peu moins important, elle prend moins de place dans leur vie. Les grands événements historiques n'ont pas été porté par des identifiants musicaux aussi forts, que ce soit les esclaves ou toutes les révolutions, elles ont été porté par de la musique, en France pas vraiment. On a davantage besoin de musique par exemple à l'école, pour justement s'identifier, pour se trouver des potes, c’est comme ça qu'on commence à écouter de la musique, à se faire des avis, des amis, j'aimais bien ce moment là...

-Prendre du temps à se faire des cassettes...

-Ouais, j'aimais bien l'époque des hard-rockeurs contre les rappeurs. J'osais pas dire à mes potes que j'étais plus du coté hard rockeurs, j'avais quoi 13 ans, mais j'écoutais du rap en cachette. & après j'ai joué dans un groupe de funk au lycée, on jouait dans toutes les mjc des Yvelines, on gagnait les tremplins, on avait fait des pauvres enregistrements qui sont jamais sortis... & chemin faisant, nos copines se sont mis à sortir avec mecs, qui s'avéraient être les mecs de Phoenix. Ils avaient pas de groupe à l'époque, ils venaient à nos concerts, ça devenait des potes... Les mecs, ils ont monté un groupe, ils ont fait un concert, ils ont signé direct chez Source ! Ça a un peu changé toute notre vie ce truc là.

Derrière en fait Rob, un musicien qui a fait des albums, des B.O. etc, a signé chez Virgin grâce à Phoenix, et Sinclair Godon, qu'était un peu l'homme de l'ombre, le manager, il est devenu D.A. chez Record Maker quand le label s'est crée. C'est comme ça que je suis entré en stage chez Record Makers. À la base je suis ingénieur agronome. Ça me faisait chier, tout mes stages je les ai fait en maison de disque, & j'ai eu la chance que la personne qui était là parte, et c'est comme ça que j'ai commencé à travaillé en maison de disque.

C'est parti d'un groupe qu'on avait au collège, des mecs de Phoenix, tout ça un peu au hasard.. Mais en même temps je suis pas sur qu'il y ait tant de hasard...

-Pour toi donc quand tu signes un artiste, faut qu'il y ait un rapport humain à la base

-Ouais, c'est le principal en fait. C'est la communication que je peux avoir avec la personne qui va définir notre propension à travailler ensemble, c'est pas juste la musique non. C'est vraiment le facteur humain. Après y'en a d'autres, comme la place que la musique prend dans la vie de la personne. C'est presque suicidaire de vouloir être musicien coûte que coûte, quand je vois les artistes avec qui je travaille, que ce soit Aqua Nebulla, Nicolas Ker, ils n'ont pas vraiment de 'wayback', ils ont voué leur vie à leur art, je trouve qu'aujourd'hui, ce qui fait la différence entre une chanteuse de la Nouvelle Star par exemple, et un artiste, un chanteur, c'est la place que tu mets dans ton art, ce que t'y impliques, humainement & physiquement.

-Oui t'avances sans t'arrêter, sans te ménager une porte de sortie, de toute façon tu peux pas faire autre chose...

J'veux dire c'est facile de bien chanter, je regarde la Nouvelle Star, avec plaisir même, t’a toujours quelqu'un qui chante bien. Le problème c'est pas de bien chanter, c'est déjà de chanter des bonnes chansons !

-Mais ouais, limite avant les castings ils ont un album prêt clé en main, tout formaté avec les producteurs qui attendent juste une voix à poser dessus.

-Exactement ouais, ils veulent de la différence, pour les reformater complètement derrière ! C'est pour ça que ça marche pas

-Pourtant tu sens que certains ont du talent

-Mais il est gâché derrière, c'est presque contre-productif pour ceux qui sont vraiment bons. Par exemple j'ai été super déçu par l'album de Camélia Jordana, elle a vraiment été prise dans le prisme du « bon, elle chante bien mais maintenant on fait quoi avec ? » elle aurait du faire un album de soul...

(S'en suit une discussion sur la Star Ac, Pascal le grand frère, nrj 12, sur Sinclair, sur la différence entre les groupes & les dj's, les tarifs, etc)

Les grosses actus pour nous c'est la sortie du Poni Hoax, Aqua Nebulla qu'on a signé chez Tee Pee Records pour un vinyle qui va sortir le jour de la soirée, & le Koudlam, qui s'annonce bien vénère.

Ceci dit ça fait que prendre de l'ampleur Koudlam, moins on en fait des fois et plus.... il a une image hyper énigmatique pour les gens,

-C'est vrai qu'on en parle dans tous les magazines, du plus pointu au plus mainstream,

-Il a été dans tout les défilés de mode, c'est encore la musique de pas mal de défilés, ça ne s'est pas démodé. C'est aussi pour ça que je dis qu'on est un label avant gardiste, y'a un coté musique du futur dans la musique de Koudlam.



Je considère que les artistes ont une entité..

Ouais, par eux même, mais il n'y a pas un truc globale, propre au...

Pourtant c'est souvent les mêmes graphistes, qui se mettent à disposition du groupe, du disque. C'est sur qu'on est pas dans une identité graphique très tranchée hyper visuel

Oui voilà, un truc où tu reconnais immédiatement le label, c'est pas plus mal d'ailleurs.

Les deux sont jouables en fait. Au tout début, je voulais faire un truc comme ça, mais je me suis dit que c'était trop prétentieux vis-a-vis de l'artiste, ça faisait trop mettre le label en avant par rapport à l'artiste, c'était pas correct, chaque artiste doit exister par lui même, pas par rapport au label,

-Comme à l'époque, je ne sais pas s'il existe toujours, le label de Teki Latex, où il avait fait vraiment..

-Sound Pellegrino ouais, où il avait pompé le visuel de disques classiques

-Ouais de Deutsch Grammophon

-C'est un choix à la base, et une fois que t'as fais ce choix t'es coincé aussi, ça peut être vite emmerdant. l'idée est bonne à la base, après quand tu fais de la musique comme... Occora, c'est de la world, ils font du field recording, depuis 30 ans, c'est Radio France qui fait ça, ça se justifie l'identité commune, mais là pour Pan Européan ça se justifiait pas. On l'a quand même fait sur Voyage I&II, mais après c'est vraiment le graphiste au service du disque. Je déteste d'ailleurs créer une identité visuel pour un artiste, faut que ça incarne la musique..

-Faut pas que le disque soit juste une vitrine du label, le mettre en image ou en musique,

-C'est vachement important d'incarner sa musique.

Ceci dit y'a une charte graphique par le premier mec qui a fait le logo, qui a fait les pochettes de Voyage, qui bosse beaucoup. C'était le batteur de Turzi, on a vraiment tout fait en famille, Voyage I & II c'est vraiment la présentation de la famille..

-Moi c'est par là que j'ai découvert le label, & c'est super cohérent, malgré tout les styles présents

-Ouais c'est super cohérent, malgré des trucs vachement électroniques, d'autres moins, mais y'a un lien, le fil conducteur est facile à trouver. & j'ai rencontré Nicolas Ker juste après Voyage II.

&....comment on peut faire vivre un label en 2013 ?

-...économiquement ?

-Oui

-Ben.... C'est pas évident. Les ventes de disques ça reste une petite partie. La plus grande ça reste la musique à l'image, la musique de films, de pubs. C'est l'édition. En fait je suis producteur & éditeur de ce que je sors, sinon je ne pourrais pas en vivre. En fait quelque part, la production me sert de vitrine à l'édition, c'est comme ça que je fonctionne. Je me suis rendu compte que sortir un disque, c'était presque de la promo, pour que ta musique soit diffusée, et c'est ça qui nous rapporte le plus, c'est la diffusion, la musique de film, de pub, c'est ça qui nous fait vivre, et qui nous permet de produire.

Parce que justement, maintenant que...

Produire uniquement, je ne sais même pas comment c'est possible

C'est ça ouais, c'est...

Certains y arrivent, J.B. De Born Bad par exemple, c'est comme ça qu'il fonctionne. Moi c'est un de mes héros. Lui c'est un producteur, y'a une grosse partie des disques qu'il vend directement dans sa boutique, il est connecté à tout les réseaux de disques,

-C'est vachement bien ce qu'il fait ouais, comme un label AOC, directement du producteur au consommateur,

-Exactement, c'est hyper pur, il connaît pratiquement tout les disquaires, il est vraiment sur le terrain, moi je suis plus dans l’artistique, je ne pourrais pas faire le travail qu'il fait.

-En parlant de Born Bad, dans une interview que tu avais donné à Libé, tu disais qu'à la base avec Pan European, tu voulais faire des rééditions, des trucs comme ça.

-Oui, oui c'est vrai ouais.

Comme ce label justement, avec par exemple Francis Bebey. C'est un truc qui te tente encore ou...

-Je suis tellement fan de Francis Bebey en plus !

-Moi aussi ouais j'aime beaucoup.

-Bah ouais ça me trotte toujours dans la tête, sauf qu'il y a eu la période des blogs entre temps, ou tout était disponible ! Tout le monde faisait des compiles, j'en ai gardé des tonnes des compilations de blog, je trouvais que c'était vain quoi.

-Ouais mais avoir le format physique ça a quand même plus de gueule..

-Oui oui, mais il y a des professionnels de ça maintenant, c'est se confronter à un marché énorme, toutes les semaines y'en a des dizaines qui sortent...

-Oui c'est la profusion oui

-Ceci dit tu dis ça mais, on a une idée de réédition. C'en est pas vraiment une, mais c'est une compilation de musique de jeux vidéos. Je peux pas t'en dire plus mais...

-Y'a du potentiel !

-Ouais, y'a un coté un peu tendance qu'on a pas l'habitude d'avoir. C'est un truc vraiment particulier. Y'a vraiment des trucs fantastiques, des musiques de malades !

-Mais ouais, qu'ils faisaient avec rien en plus !

-Ouais c'est avec rien ! Y'avait 3 pistes, des trucs en 8 bits, y'avait trois canaux, mono, & les types ils composaient quasiment des opéras avec 3 pistes mono ! Tout le monde s'en souviens pour le coté techno, alors qu'en fait le coté symphonique est génial ! Tu prends Shadow Of The Beast, c'est sublime !

-Et de réussir à créer une musique qui te prend , sans te lasser, la même base génial durant tout le niveau

-Avec une petite modification, des boucles façon techno, fait par des mecs qu'avaient sans doute un peu mauvais goût, s'ils avaient eu des grands moyens, ils auraient sans doute fait des trucs horribles. Après ils ont eu des grands moyens justement, y'en a pas un qui a fait un truc bien. Faudrait faire un documentaire sur cette période, qui montrerait comment ils composaient, et qui montrerait qu'ils écoutaient du jazz-rock, du heavy métal, de la musique hyper composée, hyper mélodique, et justement ils essayaient de refaire avec une contrainte de malade, des lignes de codes... c'est là que c'est fantastique, c'est la contrainte de l'ordinateur, du Spectrum, de l'Amiga de l'époque...

(On dérive un peu sur l'Amstrad cpc 6128, la Xbox, la Génération X, et Simple & Funky, Bandcamp & Hadopi)

Ceci dit avec Hadopi ça a quand même mis un grand coup aux blogs, y'a plus grand chose...Aujourd'hui les sites pour télécharger t'as 20 000 spams...

(On continue à propos de Youtube, Myspace &Justin Timberlake, Poni Hoax qui est dans le Rolling Stone russe...)

Donc le 19 janvier, il va y avoir la soirée anniversaire, va t-il y avoir des trucs spéciaux ? Pour moi déjà ça va être un grand moment car je n'ai jamais vu Kill For Total Peace en live

-Ouais là ça va être la formule duo et c'est vachement bien, dommage qu'ils soient si peu productifs... Ils sont hyper mental, très culture nineties, abrupte, raide, rêche même. Ils joueront en avant dernier. Eux, ils sont là depuis le début du label.

Le premier album est vraiment génial, avec un super visuel..

-J'adore ce disque, pour beaucoup de gens c'est un peu un disque emblématique du label.

-Il y aura donc ça, Nicolas Ker aussi qui jouera, avec peut être une surprise avec lui (surprise qui s'avéra être Poni hoax en entier) Donc y'a Alice qui va commencer, ensuite Aqua Nebulla, Nicolas qui va faire 3-4 morceaux tout seul, rejoint par Poni Hoax ensuite, après Total Peace, après Koudlam. Ça va être des concerts assez courts, genre 40 minutes.

-Et tout va se faire sur la scène ?

-Ouais..

-j'te demande ça car une fois ils avaient...

Ah ils avaient ouvert ?

-Non, sur l'estrade à la place du merch, pendant le changement de scène, y'avait Jessica 93, justement de Mon cul c'est du Tofu. Le mec tout seul, avec sa guitare, sa basse, ses pédales pour faire des loops, et il faisait son set pendant qu'ils changeaient de scène.

-Ah oui pas mal ! Ça faisait une transition

-Voilà, c'était bien cool

-Ben là on va mettre les dj's sur scène : Anthony, qui est un peu le bras droit artistique du label, & Zoltan, un type un peu barré, habillé souvent en toge, qui mixe de la musique indienne avec de la musique de jeu vidéo, et Judah aussi va faire les transitions (en fait ils seront sur la mezzanine...) à la base je voulais que ça dure jusqu'à 5h du mat, pour pouvoir faire jouer tout le monde, du coup là ça va être un peu restreint, mais les soirées vont un peu tourner en France, à Lyon, à Nantes prochainement, y'aura plus d'infos bientôt mais elle va tourner la soirée, à pas mal d'endroit, et je vais en faire d'autres à Paris.

-Il y en a déjà eu pas mal des soirées Pan European, au Point FMR

-Ouais c'est un peu notre résidence, c'était notre studio de répète avec Turzi, c'est un peu la famille Sauf que tout le monde a changé en fait, c'est plus le même staff..

-L'environnement est génial aussi, avec les quais, le canal,... & sinon, avec tout ça, est ce que tu trouves encore le temps de faire de la musique ?

Non. J'ai deux enfants, une femme, j'ai plus le temps non. J'avais envie là mais... Mais remarque si quand même. J'ai l'impression de faire de la musique tout le temps, je suis tout le temps en studio, tout le temps dans le process. Là je suis parti avec Nicolas Ker, enregistré son album en Bretagne faire tout l'engineering, enregistrer, donc j'en fais de la musique, j'en fais même tout les jours ! Après faire ma musique....J'ai pas peur de vieillir, j'aurai toujours le temps, nos enfants vont grandir, j'aurai rien à foutre, j'aurai du temps à remplir, je pourrais bien faire de la musique...c'est en latence.

-& Turzi ? Il reste en solo, ou un album en groupe va sortir...

-Bah il est chez record Makers là, il a sorti un album solo, je crois qu'il prépare un album avec un groupe. Y'a toujours Judah, Clément, un batteur, le batteur d'Antilles, ils sont à 4 maintenant

-Et ça va être... C ?

-J'espère. Moi ce que j'aurai voulu c'est sortir un live de turzi, quand on déchirait en live, c'était cool ! On a jamais reproduit en album ce qu'on faisait en live, même si j'ai réécouté A, j'ai été surpris

-Moi j'ai commencé par A, et ensuite B, et seulement ensuite j'ai écouté Made Under Authority, les premiers morceaux, et c'est marrant de voir les ébauches...

-C'est ça les morceaux qu'on avait reçu, quasiment tels quels, en démo chez Record Makers, enfin les 4 premiers morceaux, après on a fait un bon jam psychédélique, mais c'était vraiment les démos telles quelles...

-Ouais & c'est vraiment bien je trouve, de reconnaître des bouts de morceaux qui seront sur A..

-Exactement ouais, on s'est servi de ça pour jouer les morceaux en live, ils ont pris une autre tournure, jusqu'à devenir les morceaux qui étaient dans A. et ils ont continué à évoluer après. Je trouve qu'il y avait vraiment un moment à capter en live de Turzi, pile entre les 2 albums, c'était vraiment à ce moment là que...

-Je crois que c'est à cette période que je vous avais vu, à la Route du Rock

-Ah ouais ! On était stressés là, ça restera pas le souvenir le plus éclatant, on a eu du mal à commencer le concert, et puis on était entre Sonic Youth qui reprenait Daydream Nation & LCD Soundsystem. Avec tout Sonic youth qui nous regardait sur le coté de la scène, on était pas habitué aux grandes scènes comme ça, on était hyper loin les uns des autres.

La prog était vraiment cool cette année là ouais

-Mais on était content, ça reste quand même une grande expérience. On avait fait la route du rock hiver aussi un peu plus tard, avec encore un autre batteur, c'était vraiment génial, pour moi c'était ce concert là que j'aurai voulu sortir en live, et je m'en veux encore énormément. Le jour même ils nous disaient qu'on pouvait avoir les pistes séparées, fallait payer un truc genre 100e, et je sais plus pourquoi, avec les balances et tout, j'ai pas demandé.

-Oh merde

comme tu dis ouais, j'm'en veux encore...

-En décembre janvier, il y a toujours les classements, les tops, qu'est ce que t'as retenu de 2012, ce serait quoi ton classement ?

Alors.... en 1 le Klub des Loosers, forcément, en 2 Dr John, il est pas beaucoup dans les classements et pourtant l'album est vraiment génial. En 3 je vais faire hurler Elodie (Haddad, qui bosse aussi dans le label) mais je vais dire Grimes, pour le coup je trouve qu'elle incarne une modernité, Scratch Massive, j'aime bien leur album

-ah j'ai pas écouté le dernier

(Élodie acquiesce, nous glisse qu'il est pas mal) et... je sais plus si c'est sorti cette année, en tout cas le vinyl est sorti cette année, Unkle Acid & the deadbeats, je vois pourquoi tout le monde s'extasie sur le Tame Impala, Uncle Acid c'est tame Impala en mille fois mieux. Avec le même procédé, mixé à l'ordi, sauf que c'est des bouseux qu'ont jamais trouvé de groupes, et ce qu'il a fait c'est dément...on va le mettre en trois, donc ça donne :
1-Klub des Losers
2-Dr John
3-Uncle Acid & The Deadbeats
4-Grimes
5-Scratch Massive




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