Told Slant
Going By |
Label :
Double Double Whammy |
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Isn't this silly and aren't you beautiful ?
Imaginez un petit monde composé de nuances de gris, dans lequel Modest Mouse n'aurait jamais parcouru les grands territoires américains pour en tirer ses poèmes doux-amers sur l'intime immensité des choses. Un monde où il ne serait même jamais sorti de sa chambre, vivant en reclus, blotti dans un coin à saisir ce qu'il peut du monde extérieur en regardant le ciel s'assombrir à travers sa fenêtre. Ce garçon là s'appelle Felix Walworth. Parfois ses copains passent le voir dans sa petite chambre, ensemble ils jouent une musique qui a le nom de Told Slant. Ensemble, ils respirent. Une inspiration, une expiration à la fois. Et mon cœur de manquer un battement à chaque fin de morceau, de peur que le diaphragme de Felix ne cesse de se soulever pour de bon si je cesse de tendre l'oreille.
Je ne saurais dire si Felix souffre en réalité d'un problème d'asthme, mais sa musique elle semble n'est concentrée que sur une chose : trouver le moyen de continuer à respirer. Sur leur bandcamp il est marqué "bedroom punk". Bedroom certes ; tout ceci fleure bon l'intimité de celui qui nous propose un accès à sa chambre intérieure, mais ne se dévoile qu'à demi-mot, par des paroles qui paraissent simples, d'une portée universelle quand on les reçoit pour la première fois mais qui recèlent un sens bien plus personnel pour peu qu'on les laissent germer en nous ("It's a long life, it will waste you in return"). Tout est susurré du bout des lèvres, du chant toujours baigné d'une rauque fausseté – qui n'est pas sans rappeler l'organe biscornu de Calvin Johnson (Beat Happening) – de celui qui vit dans une gueule de bois perpétuelle pour oublier sa fragilité existentielle, aux guitares entre longs échos lancinant et boîte à musique pincée qui se marient à un banjo occasionnel (c'est ici surtout que l'amateur de Modest Mouse se sentira en terrain familier), jusqu'à cette batterie qui paraît simplette, un peu maladroite, insouciante, paresseuse même pourquoi pas, mais qui apparaît avec le temps comme parfaitement à sa place pour illustrer le thème principal des chansons de Told Slant : le sentiment de décalage permanent, l'impression de ne pas parvenir à parvenir à rentrer dans le moule. Et chaque nouvelle phrase musicale de Felix est comme un appel à l'aide qui s'incarne en une respiration qui hésite à se poursuivre... Souvent, lorsqu'il finit un vers, le groupe marque une pause ; le temps s'arrête l'espace d'une seconde, la guitare retentit dans le silence, les baguettes restent en suspens dans les airs. Comme s'ils tendaient l'oreille, attendant une réponse qui ne viendra jamais. L'auditeur qui se prend au jeu restera là, à retenir son souffle, jusqu'à ce que la partition reprenne.
Même la pochette de Going By paraît refléter cette respiration interrompue, avec ce sapin (l'emblème des nouillorkais) dessiné avec des trous et cette fenêtre isolée sur fond blanc. Les respirations de Felix se suivent et se ressemblent un peu. Ne nous mentons pas ; là comme ça, avec un tel dénuement et cette manie de passer toujours du Do au Sol, Going By c'est un petit peu 11 fois la même chanson. Mais c'est la plus belle chanson qui soit, une qui donne l'illusion que l'écouter c'est déjà un peu la chanter soi-même. Une chanson qu'on ne se lassera jamais de chanter.
Lorsqu'il s'en ira naviguer sur les eaux du Styx pour atteindre en post-mortem cette crique qu'il évoque si souvent, il y a fort à parier que ce jeune homme partira sans déranger personne, discrètement. Anonyme, c'est à peine si on le remarquera. Cela n'empêchera pas quelques cœurs isolés ici et là de pleurer en silence, parce que sans qu'on ai jamais vraiment compris pourquoi ce type dont on ne connaissait somme toute rien d'autre qu'une voix frêle, même pas capable de murmurer correctement, avait fait son petit nid douillet en nous, dans un endroit qui auparavant ne contenait qu'une lointaine solitude. Et dans les moments de désœuvrement, quand je retourne mes yeux en dedans moi, j'y aperçois une petite fenêtre donnant sur une petite chambre. Et souvent depuis cette chambre, Felix me retourne mon regard en souriant tristement.
Why don't you comfort me ?
Imaginez un petit monde composé de nuances de gris, dans lequel Modest Mouse n'aurait jamais parcouru les grands territoires américains pour en tirer ses poèmes doux-amers sur l'intime immensité des choses. Un monde où il ne serait même jamais sorti de sa chambre, vivant en reclus, blotti dans un coin à saisir ce qu'il peut du monde extérieur en regardant le ciel s'assombrir à travers sa fenêtre. Ce garçon là s'appelle Felix Walworth. Parfois ses copains passent le voir dans sa petite chambre, ensemble ils jouent une musique qui a le nom de Told Slant. Ensemble, ils respirent. Une inspiration, une expiration à la fois. Et mon cœur de manquer un battement à chaque fin de morceau, de peur que le diaphragme de Felix ne cesse de se soulever pour de bon si je cesse de tendre l'oreille.
Je ne saurais dire si Felix souffre en réalité d'un problème d'asthme, mais sa musique elle semble n'est concentrée que sur une chose : trouver le moyen de continuer à respirer. Sur leur bandcamp il est marqué "bedroom punk". Bedroom certes ; tout ceci fleure bon l'intimité de celui qui nous propose un accès à sa chambre intérieure, mais ne se dévoile qu'à demi-mot, par des paroles qui paraissent simples, d'une portée universelle quand on les reçoit pour la première fois mais qui recèlent un sens bien plus personnel pour peu qu'on les laissent germer en nous ("It's a long life, it will waste you in return"). Tout est susurré du bout des lèvres, du chant toujours baigné d'une rauque fausseté – qui n'est pas sans rappeler l'organe biscornu de Calvin Johnson (Beat Happening) – de celui qui vit dans une gueule de bois perpétuelle pour oublier sa fragilité existentielle, aux guitares entre longs échos lancinant et boîte à musique pincée qui se marient à un banjo occasionnel (c'est ici surtout que l'amateur de Modest Mouse se sentira en terrain familier), jusqu'à cette batterie qui paraît simplette, un peu maladroite, insouciante, paresseuse même pourquoi pas, mais qui apparaît avec le temps comme parfaitement à sa place pour illustrer le thème principal des chansons de Told Slant : le sentiment de décalage permanent, l'impression de ne pas parvenir à parvenir à rentrer dans le moule. Et chaque nouvelle phrase musicale de Felix est comme un appel à l'aide qui s'incarne en une respiration qui hésite à se poursuivre... Souvent, lorsqu'il finit un vers, le groupe marque une pause ; le temps s'arrête l'espace d'une seconde, la guitare retentit dans le silence, les baguettes restent en suspens dans les airs. Comme s'ils tendaient l'oreille, attendant une réponse qui ne viendra jamais. L'auditeur qui se prend au jeu restera là, à retenir son souffle, jusqu'à ce que la partition reprenne.
Même la pochette de Going By paraît refléter cette respiration interrompue, avec ce sapin (l'emblème des nouillorkais) dessiné avec des trous et cette fenêtre isolée sur fond blanc. Les respirations de Felix se suivent et se ressemblent un peu. Ne nous mentons pas ; là comme ça, avec un tel dénuement et cette manie de passer toujours du Do au Sol, Going By c'est un petit peu 11 fois la même chanson. Mais c'est la plus belle chanson qui soit, une qui donne l'illusion que l'écouter c'est déjà un peu la chanter soi-même. Une chanson qu'on ne se lassera jamais de chanter.
Lorsqu'il s'en ira naviguer sur les eaux du Styx pour atteindre en post-mortem cette crique qu'il évoque si souvent, il y a fort à parier que ce jeune homme partira sans déranger personne, discrètement. Anonyme, c'est à peine si on le remarquera. Cela n'empêchera pas quelques cœurs isolés ici et là de pleurer en silence, parce que sans qu'on ai jamais vraiment compris pourquoi ce type dont on ne connaissait somme toute rien d'autre qu'une voix frêle, même pas capable de murmurer correctement, avait fait son petit nid douillet en nous, dans un endroit qui auparavant ne contenait qu'une lointaine solitude. Et dans les moments de désœuvrement, quand je retourne mes yeux en dedans moi, j'y aperçois une petite fenêtre donnant sur une petite chambre. Et souvent depuis cette chambre, Felix me retourne mon regard en souriant tristement.
Why don't you comfort me ?
Excellent ! 18/20 | par X_Wazoo |
En écoute : https://toldslant.bandcamp.com/album/going-by
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