Moke [UK]
Superdrag |
Label :
Dorado |
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Dans l'insondable magma de groupes furtifs, par le succès comme par la longévité, on trouve Moke. À l'écoute de ce Superdrag, on s'étonne d'avoir si peu entendu parler de cet autre avatar du "groupe prometteur". Où est encore passé ce farouche écho réservé à un tel groupe ? Peut-être n'a-t-il pas su sur quel pied danser...
On pense au petit mysticisme d'un The Who tourné sauce fin 90's quand s'enclenche "Sleepyhead". Pas étonnant que le rock éclose (et donc l'album) d'un riff de guitare à la papa sur un cri digne de Roger Daltrey ! Et encore, vu le numéro d'acrobatie vocale auquel nous allons avoir droit tout au long du disque, la hiérarchie est peut-être à revoir... La voix chaude et légère de John Hogg habille la précision d'un chant tout-terrain et complexe, très fin. De l'orfèvrerie dans le soul, blues, funk, quasi-rap l'espace d'un ou deux titres (au bord de l'imitation parfaite de Zach De La Rocha), et bien sûr musclé dans les moments de tension ou d'émotion...
C'est qu'il fallait bien ce gabarit de voix pour des musiciens tout aussi maîtres de leurs arts et un répertoire tout aussi éclectique. Le plan de travail est bien rock-pop, et on a parfois assez peur, mais quelques surprises font de l'album un périple attachant. La seule chose qui nous sauve du grincement de dents dans ces parfois, c'est donc l'exécution parfaite de la voix, mais aussi du guitariste et du batteur - tous impressionnants de nuances et d'idées d'arrangements, pour de "vulgaire rockers" ; mais également la production et ses effets, pas extravagants mais frappant chaque fois le cœur de leur cible. Pour poser une ambiance, les quinze premières secondes de raffinement simplissime de "Water" sont exemplaires... Ça fourmille et du coup, des thèmes musicaux, des mélodies (plutôt cul-cul par moments) ou des couleurs qui peuvent agacer ou lasser sont tirées vers le haut par la production, les arrangements, du contre-pied rythmique, une petite idée bien trouvée, un virage dans la structure...
Ainsi, le sus-cité phrasé rap nineties de "Wheel In Motion" et "Another Weekend" voire "Power Cut" peut paraître comme vieillot (on pense parfois à Dog Eat Dog !) ou pire, n'ayant pas survécu aux stéréotypes de la vague neo-metal... mais en colocation avec de la guitare folk, de la mélodie lumineuse, des arrangements subtiles et une exécution irréprochable – la classe anglaise quoi... bah tout va plus-mieux-bien qu'on veut l'avouer... L'humeur nonchalante très Steve Miller Band version sirupeuse de "My Desire" est quant à elle sauvée de la poubelle... par la sympathie que nous procure le reste du disque...
Car c'est aussi grâce à cette base rock-pop homogène de quatre-cinq titres sympas sans trop de plus que les trésors sont mis en valeur bien davantage. Si les pièces plus folks brillent de mille feux, la plus grosse surprise demeure assurément "Hide & Seek" qui nous capture en première moitié d'écoute. Exercice rare du jungle-dub-rock, atmosphérique avant tout, à la pulsation délicieusement régressive, elle fait bien plus que tirer parti de son essence enivrante qui fleure bon la rave stroboscopique sous ecsta. Le soin de la production pour "mettre en scène" la chanson est ici encore plus admirable, avec arrière-goût reggae du genre, crescendo/decrescendo, effets d'écho inévitable, et le coup risqué des deux batteries de chaque côtés du spectre pour ici accentuer l'effet épileptique : de quoi fournir des sensations aériennes difficiles à surpasser par la suite... Pour peu qu'on s'obstine à ne plus voir que cette chanson, il n'y aura guère pour nous contenter que les plaisirs acoustiques intenses et variés que procurent le minimalisme impérial du blues "Mislaid The Key", la sophistication des cordes de "Into Your Dreams" (pensez au Beck de "Black Hole" et Sea Change), et la transe flottante de "Water ", ultime étape de voyage idéale.
C'est néanmoins là peut-être une raison pour laquelle Moke ne nous dit pas grand-chose, ne reste dans les mémoires qu'au-delà d'une ou deux téloches UK/US et de tournées avec de gros groupes de l'époque. Cette oscillation dure à suivre entre ce qui est incroyable, la polymorphie, et les meubles sauvés. Peut-être parce qu'en tout ce qu'il a d'exaltant, le "Down" reste un titre-proue casse-gueule. Son petit motif de guitare acoustique syncopé, sa portion de lyrics obstinée - mi-couplet mi-refrain, et surtout son rythme à sept temps – celui qui contrarie, donnent un effet surprenant voire déroutant. Celui d'une spirale magique (puisque le titre est excellent), comme ces bibelots à mouvements perpétuels qui vont et viennent sans qu'on comprenne trop comment, une arabesque sonore qui, hormis une zone de confort en 4/4 qu'on identifie spontanément comme du refrain pour se rassurer, empêche de savoir clairement... sur quel pied danser. Il a bien fait son petit boulot de promotion minimum, et c'est perso même par lui que le groupe m'est venu aux oreilles, au début des années 2000 et par le plus grand des hasards ; mais il a ce petit plus de zicos, qui peut justement s'interpréter comme un petit moins par certains... "Wrong", son petit siamois-sept-temps power-rock à pointes popounette, détient cette même hypnose mêlant mélodie assumée et force sonique décomplexée (quel retour de refrain !), mais donc aussi ce déséquilibre pas toujours facile à prendre en marche, attraper au vol.
La sensation discrète provoquée par le groupe à l'époque laisse songeur à l'écoute de Superdrag. La faute à pas-de-chance... L'air du temps ? Une pochette de disque pas folichonne ? Autant arrêter de chercher des motifs pour une question qui n'importe plus de nos jours interactifs d'inventaire sans fin, et se réjouir de rendre ne serait-ce qu'un tout petit peu justice à une œuvre à l'aura étrange mais aboutie.
On pense au petit mysticisme d'un The Who tourné sauce fin 90's quand s'enclenche "Sleepyhead". Pas étonnant que le rock éclose (et donc l'album) d'un riff de guitare à la papa sur un cri digne de Roger Daltrey ! Et encore, vu le numéro d'acrobatie vocale auquel nous allons avoir droit tout au long du disque, la hiérarchie est peut-être à revoir... La voix chaude et légère de John Hogg habille la précision d'un chant tout-terrain et complexe, très fin. De l'orfèvrerie dans le soul, blues, funk, quasi-rap l'espace d'un ou deux titres (au bord de l'imitation parfaite de Zach De La Rocha), et bien sûr musclé dans les moments de tension ou d'émotion...
C'est qu'il fallait bien ce gabarit de voix pour des musiciens tout aussi maîtres de leurs arts et un répertoire tout aussi éclectique. Le plan de travail est bien rock-pop, et on a parfois assez peur, mais quelques surprises font de l'album un périple attachant. La seule chose qui nous sauve du grincement de dents dans ces parfois, c'est donc l'exécution parfaite de la voix, mais aussi du guitariste et du batteur - tous impressionnants de nuances et d'idées d'arrangements, pour de "vulgaire rockers" ; mais également la production et ses effets, pas extravagants mais frappant chaque fois le cœur de leur cible. Pour poser une ambiance, les quinze premières secondes de raffinement simplissime de "Water" sont exemplaires... Ça fourmille et du coup, des thèmes musicaux, des mélodies (plutôt cul-cul par moments) ou des couleurs qui peuvent agacer ou lasser sont tirées vers le haut par la production, les arrangements, du contre-pied rythmique, une petite idée bien trouvée, un virage dans la structure...
Ainsi, le sus-cité phrasé rap nineties de "Wheel In Motion" et "Another Weekend" voire "Power Cut" peut paraître comme vieillot (on pense parfois à Dog Eat Dog !) ou pire, n'ayant pas survécu aux stéréotypes de la vague neo-metal... mais en colocation avec de la guitare folk, de la mélodie lumineuse, des arrangements subtiles et une exécution irréprochable – la classe anglaise quoi... bah tout va plus-mieux-bien qu'on veut l'avouer... L'humeur nonchalante très Steve Miller Band version sirupeuse de "My Desire" est quant à elle sauvée de la poubelle... par la sympathie que nous procure le reste du disque...
Car c'est aussi grâce à cette base rock-pop homogène de quatre-cinq titres sympas sans trop de plus que les trésors sont mis en valeur bien davantage. Si les pièces plus folks brillent de mille feux, la plus grosse surprise demeure assurément "Hide & Seek" qui nous capture en première moitié d'écoute. Exercice rare du jungle-dub-rock, atmosphérique avant tout, à la pulsation délicieusement régressive, elle fait bien plus que tirer parti de son essence enivrante qui fleure bon la rave stroboscopique sous ecsta. Le soin de la production pour "mettre en scène" la chanson est ici encore plus admirable, avec arrière-goût reggae du genre, crescendo/decrescendo, effets d'écho inévitable, et le coup risqué des deux batteries de chaque côtés du spectre pour ici accentuer l'effet épileptique : de quoi fournir des sensations aériennes difficiles à surpasser par la suite... Pour peu qu'on s'obstine à ne plus voir que cette chanson, il n'y aura guère pour nous contenter que les plaisirs acoustiques intenses et variés que procurent le minimalisme impérial du blues "Mislaid The Key", la sophistication des cordes de "Into Your Dreams" (pensez au Beck de "Black Hole" et Sea Change), et la transe flottante de "Water ", ultime étape de voyage idéale.
C'est néanmoins là peut-être une raison pour laquelle Moke ne nous dit pas grand-chose, ne reste dans les mémoires qu'au-delà d'une ou deux téloches UK/US et de tournées avec de gros groupes de l'époque. Cette oscillation dure à suivre entre ce qui est incroyable, la polymorphie, et les meubles sauvés. Peut-être parce qu'en tout ce qu'il a d'exaltant, le "Down" reste un titre-proue casse-gueule. Son petit motif de guitare acoustique syncopé, sa portion de lyrics obstinée - mi-couplet mi-refrain, et surtout son rythme à sept temps – celui qui contrarie, donnent un effet surprenant voire déroutant. Celui d'une spirale magique (puisque le titre est excellent), comme ces bibelots à mouvements perpétuels qui vont et viennent sans qu'on comprenne trop comment, une arabesque sonore qui, hormis une zone de confort en 4/4 qu'on identifie spontanément comme du refrain pour se rassurer, empêche de savoir clairement... sur quel pied danser. Il a bien fait son petit boulot de promotion minimum, et c'est perso même par lui que le groupe m'est venu aux oreilles, au début des années 2000 et par le plus grand des hasards ; mais il a ce petit plus de zicos, qui peut justement s'interpréter comme un petit moins par certains... "Wrong", son petit siamois-sept-temps power-rock à pointes popounette, détient cette même hypnose mêlant mélodie assumée et force sonique décomplexée (quel retour de refrain !), mais donc aussi ce déséquilibre pas toujours facile à prendre en marche, attraper au vol.
La sensation discrète provoquée par le groupe à l'époque laisse songeur à l'écoute de Superdrag. La faute à pas-de-chance... L'air du temps ? Une pochette de disque pas folichonne ? Autant arrêter de chercher des motifs pour une question qui n'importe plus de nos jours interactifs d'inventaire sans fin, et se réjouir de rendre ne serait-ce qu'un tout petit peu justice à une œuvre à l'aura étrange mais aboutie.
Excellent ! 18/20 | par X_YoB |
À noter : L'album est sorti sans titre aux USA un an plus tard (03/08/1999), l'ordre de la tracklist totalement revu, et le slowcore tendu "Leather Drag" remplaçant "Hide & Seek".
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