David Vassalotti
Broken Rope |
Label :
Wharf Cat |
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Vous avez entendu l'histoire du petit David ? Non ? C'est normal après tout, vous n'êtes installés dans le quartier que depuis deux semaines. Bon, croyez-moi bien, c'est pas mon genre hein, je veux dire de faire la commère de service. Mais bon autant que vous soyez à la page, pour pas faire de gaffe, c'est un sujet assez sensible dans le coin. Laissez-moi vous resservir un peu de thé... oh j'insiste !
David Vassalotti, qu'il s'appelait le bonhomme. Ça sonne italien non, qu'est-ce que vous en pensez ? Tout jeune, une petite vingtaine à tout casser, musicien. Il s'était installé dans le coin l'année dernière, dans la même résidence que vous d'ailleurs. Un type vraiment charmant, c'était l'avis de tous ; malgré un abord assez étrange - le côté artiste sans doute - ("The Trouble of Being Born"), une fois la glace brisée il avait tout du grand sensible bien dans ses basques. Le genre à débarquer le sourire aux lèvres avec une chanson rock lo-fi galvanisée qui ressemblerait à s'y méprendre au "Heroes" de David Bowie réinterprété par Arcade Fire ("Lady Day Redux"). Le genre qu'on aime bien, qu'on invitait volontiers de temps en temps pour boire un thé. Il était presque trop sympa pour être honnête... parfois quand il revenait chez lui exténué par sa journée de boulot, il devenait tout d'un coup très sérieux, il perdait son sens de l'humour. Toujours charmant, bien sûr, mais c'est comme s'il apportait avec lui une menace sourde... ("Drawn and Quartered") J'ai arrêté de l'inviter à mes tea-party après 19h. Les choses n'ont pas tout de suite empiré, au contraire il semblait tout à fait radieux pendant un temps le David. Il avait le regard vague et le sourire un peu béat du romantique en pleine floraison ("Ines de Castro"). Le voisinage a lourdement suspecté qu'il entretenait une aventure avec la petite Inès du bâtiment B... une belle plante espagnole celle-là ! C'était ce que disaient les rumeurs en tout cas, oui je ne prête pas attention aux on-dit, bien évidemment. Un sucre ou deux dans votre thé ?
Peu de temps après, il a commencé à se faire mélancolique... il traversait une période difficile, les voisins disaient qu'il n'arrêtait pas de leur parler d'une Sarah, avec des traces de sanglots dans la voix ("Sarah Sings"). D'après ce qui se disait, c'était son ancienne compagne. Elle l'aurait quitté, ou elle serait morte je ne sais plus trop. À cette époque David ne jouait plus que des petites mélodiques mélancolique à la guitare. On aurait vraiment dit du John Fahey. C'est peu après que les choses ont vraiment empirées... Un beau jour, ses voisins l'ont entendu hurler dans son appartement. Il battait frénétiquement sa batterie en entonnant des chants rituels quasiment incompréhensibles ("The Dogs"). Par respect, et pour maintenir l'entente cordiale du voisinage, ils se sont retenus d'appeler la police. Avec le recul, peut-être qu'ils auraient dû... Les jours qui suivirent, personne ne le vit sortir de chez lui. Il ne passa pas chez la boulangère comme à son habitude, ni chez le boucher, ne promena pas son chien (qui ne pipait plus mot depuis quelques temps) et ne vint plus boire le thé à la maison. On pouvait l'entendre ricaner à travers les murs, jouer des espèces de musiques de westerns noirs, passer des bandes à l'envers, répéter des lignes de basses ad libitum ("Zahir")...
On ne sait toujours pas exactement pourquoi il a craqué, ni à quel moment s'est joué le destin de sa santé mentale. Quand est-ce que la corde s'est brisée ? Quand est-ce que son existence a perdu toute sa linéarité ? Quand a-t-il basculé dans l'insondable ? Comment passe-t-on d'adorable jeune musicien à fleur de peau à dangereux maniaque halluciné en quelques jours à peine ? Toujours est-il qu'un jour, le petit Timothée des voisins d'en face n'est jamais rentré de l'école. Ses pauvres parents ont passé des heures à ratisser le quartier avec l'aide des forces de l'ordre, mais rien n'y a fait, ils ont dû arrêter les recherches pour la nuit. Sauf qu'en revenant chez eux, les parents Duratelier ont entendu des pleurs de l'autre côté de la porte de David. C'était Timothée qui chouinait faiblement. Le père a voulu défoncer la porte, mais de ce qu'ils m'ont rapporté David avait entassé tous ses meubles derrière la porte pour en empêcher l'accès. Depuis l'extérieur, on entendait des percussions étranges, des chœurs dissonants venus d'on ne sait-où, comme si la bande son de 2001 L'Odyssée de L'Espace était en train de se rejouer là-dedans, avec des percées bruitistes improbables, visiblement c'était assez terrifiant ("Maly Kitezh", "Bolshoy Kitezh"). Quand les flics ont enfin réussi à dégager l'entrée, le petit Timothée était assis sur le sol en train de pleurer, sain et sauf, mais aucune trace de David. Apparemment les murs étaient recouverts de textes et de dessins incompréhensibles, illisibles, peints avec de la... enfin bref. Quand on a retrouvé David, il était dans la rue, à errer en tous sens, le regard fou, a frapper dans les poubelles... Le plus étrange, presque, c'est que d'après celui qui l'a interpellé, il ne s'arrêtait pas de marmonner en boucle une chanson joyeuse ("Broken Rope"). Qui ressemblait un peu à "Heroes", de David Bowie.
Brrr... ça me rappelle cette scène de Brazil où le héros se réfugie dans ce monde joyeux et imaginaire avec l'héroïne, sauf qu'en fait c'est pas vrai et il se contente de rester là à chantonner pour lui-même le thème du film... vous l'avez vu ? J'espère que je ne vous l'ai pas spoilé... On entendrait presque les perceuses du tortionnaire en fond, vous ne trouvez pas ? Enfin bon. J'espère que le thé était à votre goût ! Et que je n'ai pas assombri l'ambiance avec mes sottises, je me suis juste dit que vous aimeriez être au courant, puisque vous habitez juste à côté de l'endroit où... enfin voilà. On ne l'a plus jamais revu, triste monde non ? Un si charmant jeune homme...
David Vassalotti, qu'il s'appelait le bonhomme. Ça sonne italien non, qu'est-ce que vous en pensez ? Tout jeune, une petite vingtaine à tout casser, musicien. Il s'était installé dans le coin l'année dernière, dans la même résidence que vous d'ailleurs. Un type vraiment charmant, c'était l'avis de tous ; malgré un abord assez étrange - le côté artiste sans doute - ("The Trouble of Being Born"), une fois la glace brisée il avait tout du grand sensible bien dans ses basques. Le genre à débarquer le sourire aux lèvres avec une chanson rock lo-fi galvanisée qui ressemblerait à s'y méprendre au "Heroes" de David Bowie réinterprété par Arcade Fire ("Lady Day Redux"). Le genre qu'on aime bien, qu'on invitait volontiers de temps en temps pour boire un thé. Il était presque trop sympa pour être honnête... parfois quand il revenait chez lui exténué par sa journée de boulot, il devenait tout d'un coup très sérieux, il perdait son sens de l'humour. Toujours charmant, bien sûr, mais c'est comme s'il apportait avec lui une menace sourde... ("Drawn and Quartered") J'ai arrêté de l'inviter à mes tea-party après 19h. Les choses n'ont pas tout de suite empiré, au contraire il semblait tout à fait radieux pendant un temps le David. Il avait le regard vague et le sourire un peu béat du romantique en pleine floraison ("Ines de Castro"). Le voisinage a lourdement suspecté qu'il entretenait une aventure avec la petite Inès du bâtiment B... une belle plante espagnole celle-là ! C'était ce que disaient les rumeurs en tout cas, oui je ne prête pas attention aux on-dit, bien évidemment. Un sucre ou deux dans votre thé ?
Peu de temps après, il a commencé à se faire mélancolique... il traversait une période difficile, les voisins disaient qu'il n'arrêtait pas de leur parler d'une Sarah, avec des traces de sanglots dans la voix ("Sarah Sings"). D'après ce qui se disait, c'était son ancienne compagne. Elle l'aurait quitté, ou elle serait morte je ne sais plus trop. À cette époque David ne jouait plus que des petites mélodiques mélancolique à la guitare. On aurait vraiment dit du John Fahey. C'est peu après que les choses ont vraiment empirées... Un beau jour, ses voisins l'ont entendu hurler dans son appartement. Il battait frénétiquement sa batterie en entonnant des chants rituels quasiment incompréhensibles ("The Dogs"). Par respect, et pour maintenir l'entente cordiale du voisinage, ils se sont retenus d'appeler la police. Avec le recul, peut-être qu'ils auraient dû... Les jours qui suivirent, personne ne le vit sortir de chez lui. Il ne passa pas chez la boulangère comme à son habitude, ni chez le boucher, ne promena pas son chien (qui ne pipait plus mot depuis quelques temps) et ne vint plus boire le thé à la maison. On pouvait l'entendre ricaner à travers les murs, jouer des espèces de musiques de westerns noirs, passer des bandes à l'envers, répéter des lignes de basses ad libitum ("Zahir")...
On ne sait toujours pas exactement pourquoi il a craqué, ni à quel moment s'est joué le destin de sa santé mentale. Quand est-ce que la corde s'est brisée ? Quand est-ce que son existence a perdu toute sa linéarité ? Quand a-t-il basculé dans l'insondable ? Comment passe-t-on d'adorable jeune musicien à fleur de peau à dangereux maniaque halluciné en quelques jours à peine ? Toujours est-il qu'un jour, le petit Timothée des voisins d'en face n'est jamais rentré de l'école. Ses pauvres parents ont passé des heures à ratisser le quartier avec l'aide des forces de l'ordre, mais rien n'y a fait, ils ont dû arrêter les recherches pour la nuit. Sauf qu'en revenant chez eux, les parents Duratelier ont entendu des pleurs de l'autre côté de la porte de David. C'était Timothée qui chouinait faiblement. Le père a voulu défoncer la porte, mais de ce qu'ils m'ont rapporté David avait entassé tous ses meubles derrière la porte pour en empêcher l'accès. Depuis l'extérieur, on entendait des percussions étranges, des chœurs dissonants venus d'on ne sait-où, comme si la bande son de 2001 L'Odyssée de L'Espace était en train de se rejouer là-dedans, avec des percées bruitistes improbables, visiblement c'était assez terrifiant ("Maly Kitezh", "Bolshoy Kitezh"). Quand les flics ont enfin réussi à dégager l'entrée, le petit Timothée était assis sur le sol en train de pleurer, sain et sauf, mais aucune trace de David. Apparemment les murs étaient recouverts de textes et de dessins incompréhensibles, illisibles, peints avec de la... enfin bref. Quand on a retrouvé David, il était dans la rue, à errer en tous sens, le regard fou, a frapper dans les poubelles... Le plus étrange, presque, c'est que d'après celui qui l'a interpellé, il ne s'arrêtait pas de marmonner en boucle une chanson joyeuse ("Broken Rope"). Qui ressemblait un peu à "Heroes", de David Bowie.
Brrr... ça me rappelle cette scène de Brazil où le héros se réfugie dans ce monde joyeux et imaginaire avec l'héroïne, sauf qu'en fait c'est pas vrai et il se contente de rester là à chantonner pour lui-même le thème du film... vous l'avez vu ? J'espère que je ne vous l'ai pas spoilé... On entendrait presque les perceuses du tortionnaire en fond, vous ne trouvez pas ? Enfin bon. J'espère que le thé était à votre goût ! Et que je n'ai pas assombri l'ambiance avec mes sottises, je me suis juste dit que vous aimeriez être au courant, puisque vous habitez juste à côté de l'endroit où... enfin voilà. On ne l'a plus jamais revu, triste monde non ? Un si charmant jeune homme...
Bon 15/20 | par X_Wazoo |
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