Bruce Peninsula

Il y a dans Bruce Peninsula une flamme d'une rare intensité. Une flamme consumant avec amour son désir de rester connectée à l'essence profonde de mère nature. Une flamme dévorant le mépris des hommes avec force dans le seul but de refaire jaillir leurs origines les plus paisibles et bucoliques. A Mountain Is A Mouth est littéralement une procession d'hymnes revendicatrices et fédératrices rejoignant les rangs d'Efterklang, Dirty Projectors, Fela Kuti ou d'autres artistes à tribu. Plutôt que de croiser le fer de manière sanguine, ce collectif de Toronto tresse ses doléances en puisant sa force vitale de chorales gospel qui inondent de lumière, de rythmes afro incisifs ancrés dans une sagesse millénaire ("Inside/Outside" et ses balafons, "Streamroller" et "Shutters" et leur guitare nomade), de world music généreuse ("Crabapples" et sa batucada) et de folk-rock qui mène ses premières révoltes, sans crainte ou connaissance des répressions du passée. Chaque style fortifie leur cause, chaque voix étoffe les suffrages en faveur de cette réunification animiste. Désir immuable, inoxydable, conduite par la voix gutturale incroyable de Matt Cully, maître de cérémonie par excellence. Les morceaux s'enchaînent, défilent, paradent (la transition "2nd 4th World War" et "Satisfied" est superbe) dans une ferveur constante, parfois proche d'une attitude dévotieuse plus que d'une simple conviction comme "Weave Myself A Dress" qui marque une pause brève le temps d'un appel à la prière. Mais la quête est belle, juste et surtout spirituelle. A Mountain Is A Mouth apporte des lumières, des réponses et de l'oxygène à qui, après avoir entendu vaguement de la musique, passe la porte de cette confrérie canadienne.