Danishmendt
Un Passé Aride |
Label :
Cold Void Emanations |
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À l'heure où musiciens internationaux et fans se rejoignent pour affirmer que la scène metal française est actuellement une des meilleures d'Europe, les espoirs placés dans tout nouveau groupe sortant un album sont d'autant plus enclins à être déçus, la critique d'autant moins clémente. Surtout que compte tenu de l'évolution des techniques d'enregistrement, une mauvaise production est difficilement pardonnable.
Ces défis, Danishmendt les accepte et fait se lever un vent de désespoir froid et lancinant tout au long de Un Passé Aride, son deuxième album co produit par Cold Void Emanation et Odio Sonoro. En huit titres, le quintette parisien impose son style hypnotique et maladif, certes influencé mais jamais influençable.
Pour une fois, essayons d'être structuré dans la démarche car cet album le mérite. Tout d'abord, le superbe visuel du digipack, réalisé par Yves Marrochi. Ses photos en noir et blanc de décombres, décors industriels déshumanisés, sont déjà parfaitement cohérentes avec le climat qu'instaure Un Passé Aride lors de l'écoute. Cette perspective ascendante nous montre combien nous sommes encore loin de la lumière, ou alors combien nous nous en éloignons rapidement, pour plonger toujours plus profond, vers le noir absolu. Une fuite éperdue vers les tréfonds de l'existence, le cloaque de la pensée. Les textes ensuite. Ils sont rares les groupes français à chanter dans leur langue natale. C'est un exercice périlleux qui nécessite une très bonne plume, particulièrement dans les musiques obscures où l'on n'est jamais loin du cliché. Ici, en parcourant les écrits du livret, je découvre le champ sémantique d'une nature désolée, de corps ravagés évoluant dans une atmosphère crépusculaire. À la fois très personnels, dominés par un lyrisme apocalyptique ainsi que les métaphores du deuil, de l'accablement et l'absolue solitude, Danishmendt ne pouvait laisser la qualité musicale subir l'outrage d'une parole approximative. Et si le mixage très ou trop en retrait de la voix ne permet pas de discerner distinctement les paroles, il n'en occulte pas moins la conviction profonde avec laquelle Karl les crie, les vomit. Le chant est utilisé comme un instrument, contribuant à l'ambiance, à la compacité de l'ensemble. Hurlé et sauvage à la façon d'un Neurosis ou des premiers travaux des Swans, il s'éloigne des poncifs black metal et participe grandement à l'originalité de Danishmendt. Car les voilà, les influences que je perçois : Neurosis, pour les vocaux, mais également pour la durée de certains titres (les dix minutes de "La Source", neuf pour "Chute", huit pour "Révélations", quinze pour "Credo") dont les parties instrumentales s'inscrivent en partie dans une veine post core, Swans pour cette attirance viscérale envers les climats tendus, pesants et les débordements noises de guitares en roue libre, Blut Aus Nord dans l'aspect cruel des sonorités et le désir d'amener le black vers d'autres contrées plus atypiques, avec la dissonance comme cheval de bataille. L'utilisation des machines de Karl me fait également parfois penser à Lustmord ("Das Boot"), enfin, une affiliation avec le true black metal du fait de cette production très rêche, sèche comme un cadavre embaumé, où les guitares de Guillaume et Florent sont particulièrement mises en avant, lugubres et dominatrices. Autant de pistes, autant de cul-de-sac incapables de décrire exactement, de définir, de circonscrire, tant le style est maîtrisé, pensé, mûr. Le jeu de batterie de Julien, très épuré, est plutôt axé sur la percussion et le tribalisme industriel, il n'a rien de spécifique au metal. Là encore, loin de sonner déplacé, cela renforce encore l'identité du groupe, contribue à l'hypnose en évitant la facilité des blast beats et de la double pédale à outrance, même au cours des morceaux les plus rapides ("Lumpen Heros.") De plus, cette technique est complémentaire de la basse de Xavier, puissante, sobre, et surtout audible, ce qui est rare dans le genre pratiqué.
Un autre point fort est la façon dont est construit Un Passé Aride : Alternant avec intelligence des morceaux ensorcelants et bouclant inlassablement sur des riffs terrassants (l'épreuve sonore de "Chutes", magistral de bout en bout) avec des titres aux dimensions atmosphériques plus marquées ("Das Boot", "Une Houle d'un Siècle") me replongeant dans la poisse de La Nuit de Proton Burst, il ne subsiste nulle place pour un espace sonore vierge. L'auditeur cherche en vain des lueurs, de l'air frais, une accalmie dans la tourmente...
Très contemporain dans la démarche et les structures de ses chansons, Danishmendt semble également avoir des racines bien implantées dans le black norvégien des 90's. On y retrouve une même cruauté, une même émotion hérétique, un son qui semble tout droit sortir des enceintes, pur et naturellement méphitique.
Des albums de cette trempe, dans le style pratiqué, je dois dire que j'en ai peu entendu cette année. Danishmendt se positionne comme un des grands espoirs actuels de la scène, et une fois que "Credo (Zéro Absolu)" aura fini de vous laminer corps, tripes et nerfs, vous verrez, vous aussi vous y reviendrez aussi sec.
L'album est en écoute intégrale sur leur myspace ainsi que sur le site officiel. Un choc de taille pour un nom dont on entendra sûrement reparler très prochainement : Danishmendt.
Ces défis, Danishmendt les accepte et fait se lever un vent de désespoir froid et lancinant tout au long de Un Passé Aride, son deuxième album co produit par Cold Void Emanation et Odio Sonoro. En huit titres, le quintette parisien impose son style hypnotique et maladif, certes influencé mais jamais influençable.
Pour une fois, essayons d'être structuré dans la démarche car cet album le mérite. Tout d'abord, le superbe visuel du digipack, réalisé par Yves Marrochi. Ses photos en noir et blanc de décombres, décors industriels déshumanisés, sont déjà parfaitement cohérentes avec le climat qu'instaure Un Passé Aride lors de l'écoute. Cette perspective ascendante nous montre combien nous sommes encore loin de la lumière, ou alors combien nous nous en éloignons rapidement, pour plonger toujours plus profond, vers le noir absolu. Une fuite éperdue vers les tréfonds de l'existence, le cloaque de la pensée. Les textes ensuite. Ils sont rares les groupes français à chanter dans leur langue natale. C'est un exercice périlleux qui nécessite une très bonne plume, particulièrement dans les musiques obscures où l'on n'est jamais loin du cliché. Ici, en parcourant les écrits du livret, je découvre le champ sémantique d'une nature désolée, de corps ravagés évoluant dans une atmosphère crépusculaire. À la fois très personnels, dominés par un lyrisme apocalyptique ainsi que les métaphores du deuil, de l'accablement et l'absolue solitude, Danishmendt ne pouvait laisser la qualité musicale subir l'outrage d'une parole approximative. Et si le mixage très ou trop en retrait de la voix ne permet pas de discerner distinctement les paroles, il n'en occulte pas moins la conviction profonde avec laquelle Karl les crie, les vomit. Le chant est utilisé comme un instrument, contribuant à l'ambiance, à la compacité de l'ensemble. Hurlé et sauvage à la façon d'un Neurosis ou des premiers travaux des Swans, il s'éloigne des poncifs black metal et participe grandement à l'originalité de Danishmendt. Car les voilà, les influences que je perçois : Neurosis, pour les vocaux, mais également pour la durée de certains titres (les dix minutes de "La Source", neuf pour "Chute", huit pour "Révélations", quinze pour "Credo") dont les parties instrumentales s'inscrivent en partie dans une veine post core, Swans pour cette attirance viscérale envers les climats tendus, pesants et les débordements noises de guitares en roue libre, Blut Aus Nord dans l'aspect cruel des sonorités et le désir d'amener le black vers d'autres contrées plus atypiques, avec la dissonance comme cheval de bataille. L'utilisation des machines de Karl me fait également parfois penser à Lustmord ("Das Boot"), enfin, une affiliation avec le true black metal du fait de cette production très rêche, sèche comme un cadavre embaumé, où les guitares de Guillaume et Florent sont particulièrement mises en avant, lugubres et dominatrices. Autant de pistes, autant de cul-de-sac incapables de décrire exactement, de définir, de circonscrire, tant le style est maîtrisé, pensé, mûr. Le jeu de batterie de Julien, très épuré, est plutôt axé sur la percussion et le tribalisme industriel, il n'a rien de spécifique au metal. Là encore, loin de sonner déplacé, cela renforce encore l'identité du groupe, contribue à l'hypnose en évitant la facilité des blast beats et de la double pédale à outrance, même au cours des morceaux les plus rapides ("Lumpen Heros.") De plus, cette technique est complémentaire de la basse de Xavier, puissante, sobre, et surtout audible, ce qui est rare dans le genre pratiqué.
Un autre point fort est la façon dont est construit Un Passé Aride : Alternant avec intelligence des morceaux ensorcelants et bouclant inlassablement sur des riffs terrassants (l'épreuve sonore de "Chutes", magistral de bout en bout) avec des titres aux dimensions atmosphériques plus marquées ("Das Boot", "Une Houle d'un Siècle") me replongeant dans la poisse de La Nuit de Proton Burst, il ne subsiste nulle place pour un espace sonore vierge. L'auditeur cherche en vain des lueurs, de l'air frais, une accalmie dans la tourmente...
Très contemporain dans la démarche et les structures de ses chansons, Danishmendt semble également avoir des racines bien implantées dans le black norvégien des 90's. On y retrouve une même cruauté, une même émotion hérétique, un son qui semble tout droit sortir des enceintes, pur et naturellement méphitique.
Des albums de cette trempe, dans le style pratiqué, je dois dire que j'en ai peu entendu cette année. Danishmendt se positionne comme un des grands espoirs actuels de la scène, et une fois que "Credo (Zéro Absolu)" aura fini de vous laminer corps, tripes et nerfs, vous verrez, vous aussi vous y reviendrez aussi sec.
L'album est en écoute intégrale sur leur myspace ainsi que sur le site officiel. Un choc de taille pour un nom dont on entendra sûrement reparler très prochainement : Danishmendt.
Très bon 16/20 | par Arno Vice |
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