Syd Barrett
Barrett |
Label :
EMI |
||||
Il est des artistes dont il est difficile de parler.
Quoi qu'on en dise, on ne dira jamais assez bien, jamais assez complètement l'amour qu'on leur voue.
Syd Barrett pour moi est de ceux-là.
Comment bien en parler sans utiliser de superlatifs tels que
"visionnaire" ou "génie".
Sans évoquer une certaine modernité qui commençait déjà avec "Bike" ou "Jugband Blues".
La musique de Barrett paraît simple, mais elle est compliquée.
Tortueuse, elle traîne, elle dérape, elle frôle les murs et évite la chute à chaque instant. Mais à force de contorsions, au final elle retombe toujours sur ses pattes.
C'est l'effet que ça me fait quand je l'écoute à chaque fois.
Syd a déjà brûlé quand il enregistre ce disque.
Il est maintenant en convalescence.
Trop vite, trop rapidement, il est passé comme une étoile filante.
En trajectoire oblique.
Laissant les autres membres de Pink Floyd se partager l'héritage (qu'ils ne feront pas forcément fructifier, rendant leur musique plus armée, plus forte pour affronter les charts).
En 1970, Barrett c'est fait remercier depuis déjà quelques temps et a emporté quelques secrets avec lui.
Il les livrera encore quelques fois, lorsque la force et l'envie lui en dira. Sur une poignée de disques indispensables, dont celui ci fait partie.
Il y a eu The Madcap Laughs un peu avant. Un disque dont on ne se remet jamais totalement.
Syd ne se remet pas lui non plus, ne guérit pas, n'ira jamais mieux.
C'est gravé ici, sur ce disque.
On y entend cette voix frêle, un petit truc écorché, fatigué qui respire avec très peu d'air.
Il y a toujours ces accords qui ne vont nulle part, qui dérivent...
Etonnement, il n'y a jamais de tristesse dans cette musique là. Rien pour faire pleurer dans les chaumières.
Il m'arrive parfois de me demander ce qui l'anime? Ce qui l'a amené là? J'ai du mal à imaginer Syd Barrett à vrai dire.
A lui prêter une vie, des sentiments...
A chaque écoute, c'est la même chose. Tout file entre les doigts, on ne peut s'accrocher à rien, tout glisse, tout dérape.
La seule chose que je sais, c'est que j'ai appris à parler un peu le même langage que lui.
Ça n'a pas été facile, mais maintenant avec Syd, nous avons des conversations très intéressantes.
Nous jouons aux dominos durant de longs après midis et passons le temps ainsi. Sans chercher plus.
Ça suffit bien comme ça.
Je ne lui demande rien de plus, après avoir entendu "Wined And Dined".
Tout pourrait s'achever maintenant, c'était déjà beaucoup.
Je serais bien embêtée de vous expliquer à qui il s'adresse, pour qui est faite cette musique.
Moi même je crois que je ne la comprends pas totalement.
Elle n'est même pas désespérée. Je pense qu'elle attend. Elle est en convalescence, quelque part...
Elle est pour ceux qui tomberont dessus un jour.
Qui tomberont sur "Wolfpack" ou "It is Obvious". Elle vous glissera peut être aussi entre les doigts, s'accrochera en d'infimes morceaux à vos cheveux et puis passera son chemin. Il vous en restera toujours quelque chose.
Cette musique échappe complètement au temps et à son époque.
Elle n'a pas de cadre ou de référence. Elle invente quelque chose, sa propre langue.
Après ça, Syd Barrett ne dira plus grand chose au monde.
Il se taira à jamais.
Mais sa musique continue toujours de parler dans l'obscurité.
Quoi qu'on en dise, on ne dira jamais assez bien, jamais assez complètement l'amour qu'on leur voue.
Syd Barrett pour moi est de ceux-là.
Comment bien en parler sans utiliser de superlatifs tels que
"visionnaire" ou "génie".
Sans évoquer une certaine modernité qui commençait déjà avec "Bike" ou "Jugband Blues".
La musique de Barrett paraît simple, mais elle est compliquée.
Tortueuse, elle traîne, elle dérape, elle frôle les murs et évite la chute à chaque instant. Mais à force de contorsions, au final elle retombe toujours sur ses pattes.
C'est l'effet que ça me fait quand je l'écoute à chaque fois.
Syd a déjà brûlé quand il enregistre ce disque.
Il est maintenant en convalescence.
Trop vite, trop rapidement, il est passé comme une étoile filante.
En trajectoire oblique.
Laissant les autres membres de Pink Floyd se partager l'héritage (qu'ils ne feront pas forcément fructifier, rendant leur musique plus armée, plus forte pour affronter les charts).
En 1970, Barrett c'est fait remercier depuis déjà quelques temps et a emporté quelques secrets avec lui.
Il les livrera encore quelques fois, lorsque la force et l'envie lui en dira. Sur une poignée de disques indispensables, dont celui ci fait partie.
Il y a eu The Madcap Laughs un peu avant. Un disque dont on ne se remet jamais totalement.
Syd ne se remet pas lui non plus, ne guérit pas, n'ira jamais mieux.
C'est gravé ici, sur ce disque.
On y entend cette voix frêle, un petit truc écorché, fatigué qui respire avec très peu d'air.
Il y a toujours ces accords qui ne vont nulle part, qui dérivent...
Etonnement, il n'y a jamais de tristesse dans cette musique là. Rien pour faire pleurer dans les chaumières.
Il m'arrive parfois de me demander ce qui l'anime? Ce qui l'a amené là? J'ai du mal à imaginer Syd Barrett à vrai dire.
A lui prêter une vie, des sentiments...
A chaque écoute, c'est la même chose. Tout file entre les doigts, on ne peut s'accrocher à rien, tout glisse, tout dérape.
La seule chose que je sais, c'est que j'ai appris à parler un peu le même langage que lui.
Ça n'a pas été facile, mais maintenant avec Syd, nous avons des conversations très intéressantes.
Nous jouons aux dominos durant de longs après midis et passons le temps ainsi. Sans chercher plus.
Ça suffit bien comme ça.
Je ne lui demande rien de plus, après avoir entendu "Wined And Dined".
Tout pourrait s'achever maintenant, c'était déjà beaucoup.
Je serais bien embêtée de vous expliquer à qui il s'adresse, pour qui est faite cette musique.
Moi même je crois que je ne la comprends pas totalement.
Elle n'est même pas désespérée. Je pense qu'elle attend. Elle est en convalescence, quelque part...
Elle est pour ceux qui tomberont dessus un jour.
Qui tomberont sur "Wolfpack" ou "It is Obvious". Elle vous glissera peut être aussi entre les doigts, s'accrochera en d'infimes morceaux à vos cheveux et puis passera son chemin. Il vous en restera toujours quelque chose.
Cette musique échappe complètement au temps et à son époque.
Elle n'a pas de cadre ou de référence. Elle invente quelque chose, sa propre langue.
Après ça, Syd Barrett ne dira plus grand chose au monde.
Il se taira à jamais.
Mais sa musique continue toujours de parler dans l'obscurité.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Lolipop |
Posté le 18 octobre 2011 à 15 h 22 |
Syd Barrett était un personnage fascinant. Surdoué mélodique, précurseur essentiel de la pop, tout cela est à peu près incontestable.
Cependant, il serait plus avisé de remanier la première affirmation en "Syd Barret fut à une époque un personnage fascinant." Car en 1970, trois ans après The Piper At The Gates Of Dawn, Syd n'est plus. Il a déjà chopé ce que ses proches appellent en frissonnant "the look". Ce regard vide, qui pourrait aussi bien être révulsé tant il est évident que Syd a perdu contact avec la réalité. Drogues ? Fragilité émotionnelle depuis la mort de son père ? On ne saura jamais vraiment ce qui retira son don à Barrett. Ses proches, en particulier David Gilmour, ne comprennent pas non plus ce qu'il arrive à leur ami. Impuissants à contrer l'embourbement inexorable de leur ami, les membres du Floyd tentent de lui venir en aide lorsqu'il décide (ou l'a-t-on encouragé ?) de se lancer en solo. Gilmour et Waters produisent son premier album, The Madcap Laughs, que l'on pourra trouver à l'envie génialement défoncé ou affreusement mou. Par la suite, c'est Wright qui remplace Waters à la production de son nouvel album, le présent Barrett. Et voici le club de soutien de Syd présent pour l'aider à réaliser son deuxième effort solo.
Mais là volonté y est elle ? Pas sûr. Syd s'ennuie, ne s'intéresse à rien et comprend à peine ce qu'on exige de lui. Du propre aveu de Gilmour, seul "Gigolo Aunt" a été réalisé en live avec le groupe au complet. Le reste a été enregistré de deux manières différentes ; dans un cas le groupe pré-enregistrait l'instrumentation du morceau et passait la bande à Syd pour qu'il s'efforce de chanter et de jouer dessus, dans l'autre le groupe saisissait au vol des idées de Barrett et se débrouillaient dans leur coin pour assembler ça et le faire ressembler à quelque chose. Et le résultat est prévisible ; un album impersonnel où Barrett apparaît complètement extérieur à ce qui se passe autour de lui. Son chant lancinant d'antan a perdu de sa grâce et est devenu à moitié faux tandis que le groupe qui l'accompagne est en décalage total avec l'instabilité du génie déchu. The Madcap Laughs, bien que mou, soporifique et furieusement hermétique, avait au moins le mérite de représenter l'état d'esprit de Barrett, qui était alors un tant soit peu autonome. Ici, Gilmour & Cie s'efforcent avec la meilleur volonté du monde de canaliser les divagations du junkie, d'intervenir pour lui permettre de laisser un témoignage cohérent, le tout le plus vite et efficacement possible. Du coup, le disque est forcément bâclé, Syd devenant trop imprévisible pour que quiconque ait la patience d'attendre qu'il chie une bonne idée.
Je sauve quand même deux morceaux de cette laborieuse rondelle ; l'entraînante "Baby Lemonade" et la burlesque "Effervescing Elephant" où Barrett semble en pleine possession de ses moyens.
Wright, lucide, témoignera, résumant parfaitement la situation : "Il s'agissait juste d'essayer d'aider Syd de quelque manière que ce soit, plutôt que de s'occuper de donner le meilleur son de guitare possible. Pour ça, laissez tomber ! Tout ce qu'on voulait c'était aller dans le studio et essayer de la faire chanter."
Plus qu'une représentation du talent musical de Syd Barrett, ce disque n'était qu'un moyen de ne pas laisser tomber l'homme durant son déclin. Difficile donc de voir ce disque comme autre chose qu'un brouillon insipide, sa véritable signification étant ailleurs que dans la musique.
L'album est touchant, mais désormais c'est Syd le pathétique junkie qui émeut, plus sa musique.
Cependant, il serait plus avisé de remanier la première affirmation en "Syd Barret fut à une époque un personnage fascinant." Car en 1970, trois ans après The Piper At The Gates Of Dawn, Syd n'est plus. Il a déjà chopé ce que ses proches appellent en frissonnant "the look". Ce regard vide, qui pourrait aussi bien être révulsé tant il est évident que Syd a perdu contact avec la réalité. Drogues ? Fragilité émotionnelle depuis la mort de son père ? On ne saura jamais vraiment ce qui retira son don à Barrett. Ses proches, en particulier David Gilmour, ne comprennent pas non plus ce qu'il arrive à leur ami. Impuissants à contrer l'embourbement inexorable de leur ami, les membres du Floyd tentent de lui venir en aide lorsqu'il décide (ou l'a-t-on encouragé ?) de se lancer en solo. Gilmour et Waters produisent son premier album, The Madcap Laughs, que l'on pourra trouver à l'envie génialement défoncé ou affreusement mou. Par la suite, c'est Wright qui remplace Waters à la production de son nouvel album, le présent Barrett. Et voici le club de soutien de Syd présent pour l'aider à réaliser son deuxième effort solo.
Mais là volonté y est elle ? Pas sûr. Syd s'ennuie, ne s'intéresse à rien et comprend à peine ce qu'on exige de lui. Du propre aveu de Gilmour, seul "Gigolo Aunt" a été réalisé en live avec le groupe au complet. Le reste a été enregistré de deux manières différentes ; dans un cas le groupe pré-enregistrait l'instrumentation du morceau et passait la bande à Syd pour qu'il s'efforce de chanter et de jouer dessus, dans l'autre le groupe saisissait au vol des idées de Barrett et se débrouillaient dans leur coin pour assembler ça et le faire ressembler à quelque chose. Et le résultat est prévisible ; un album impersonnel où Barrett apparaît complètement extérieur à ce qui se passe autour de lui. Son chant lancinant d'antan a perdu de sa grâce et est devenu à moitié faux tandis que le groupe qui l'accompagne est en décalage total avec l'instabilité du génie déchu. The Madcap Laughs, bien que mou, soporifique et furieusement hermétique, avait au moins le mérite de représenter l'état d'esprit de Barrett, qui était alors un tant soit peu autonome. Ici, Gilmour & Cie s'efforcent avec la meilleur volonté du monde de canaliser les divagations du junkie, d'intervenir pour lui permettre de laisser un témoignage cohérent, le tout le plus vite et efficacement possible. Du coup, le disque est forcément bâclé, Syd devenant trop imprévisible pour que quiconque ait la patience d'attendre qu'il chie une bonne idée.
Je sauve quand même deux morceaux de cette laborieuse rondelle ; l'entraînante "Baby Lemonade" et la burlesque "Effervescing Elephant" où Barrett semble en pleine possession de ses moyens.
Wright, lucide, témoignera, résumant parfaitement la situation : "Il s'agissait juste d'essayer d'aider Syd de quelque manière que ce soit, plutôt que de s'occuper de donner le meilleur son de guitare possible. Pour ça, laissez tomber ! Tout ce qu'on voulait c'était aller dans le studio et essayer de la faire chanter."
Plus qu'une représentation du talent musical de Syd Barrett, ce disque n'était qu'un moyen de ne pas laisser tomber l'homme durant son déclin. Difficile donc de voir ce disque comme autre chose qu'un brouillon insipide, sa véritable signification étant ailleurs que dans la musique.
L'album est touchant, mais désormais c'est Syd le pathétique junkie qui émeut, plus sa musique.
Insipide 7/20
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