Man Man
Rabbit Habits |
Label :
Anti |
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Cet album, passé très curieusement inaperçu cette année, m'est tombé entre les oreilles comme une météorite. Grand moment d'hystérie de groupe, Rabbit Habbits est l'oeuvre d'une bande de gugus délurés en provenance de Philadelphie qui en sont déjà à leur troisième album. Le groupe se définit comme créant du viking-vaudeville ou manic gypsy jazz... Au menu: beuglements de bête à la Tom Waits en pleine crise, choeurs féminins tout à fait charmants et espiègles que-je-me-marierai-bien-avec (pour compenser), compositions survitaminées (les "vitamines" ne doivent pas êtres très légales) lorgnant vers l'Europe de l'Est et barrages en couille dignes d'un Mr Bungle ayant goûté la gnôle explosive de Captain Beefheart.
Avec un programme de ce genre, c'est dans un vrai cirque qu'on est plongés. Mais un cirque ravagé par la vermine dont tous les acteurs seraient en fait des monstres aigris ou des psychopathes au nez rouge, ce qui est particulièrement tangible sur "The Ballad of Butter Beans" (La Ballade des Haricots au Beurre) où j'ai vraiment l'impression d'assister à un numéro d'équilibrisme foireux mené par des clowns bourrés, sortis tout droit des souvenirs de Fellini. Cette bande d'affreux étoffe ses compos en leur apportant un rythme plus soutenu que par le passé, produisant un véritable carnage dès les premières mesures de "Mr Jung Stuffed" qui entame le disque à toute berzingue, et ce vent de folie primaire se calmera (pour mieux repartir de plus belle) seulement au bout de trois titres à se rouler par terre, frappés du casque, imprévisibles et dotés d'une section rythmique diaboliquement technique et efficace.
Nous faisons connaissance avec un cas: Honus Honus avec son look de poilu de 14-18 en pleine montée de LSD, voudrait bien aussi monter dans les aigus avec sa grosse voix de primate, mais il en est incapable. Alors il braille à tout va, presque au hasard, faisant preuve d'un je-m'en-foutisme notoire, sans se départir d'un certain charisme (diantre, mais comment fait-il?). Derrière ça clappe, ça tape sur des casseroles, ça accélère, ça part dans de grasses lignes de basses rutilantes, ça fait jaillir d'un clavier atomisé des hurlements de bébé-truie soumis à la torture, ou hurle des diatribes en choeur totalement incompréhensibles. Gorgé d'idées, de plans tous plus fous et dynamités les uns que les autres et d'instruments divers tel que le xylophone (très présent sur tout le disque), piano, clavier poussiéreux et saturé, trompette, saxo, mélodica ou violon, Rabbit Habits se place pourtant, au milieu de tous ces disques qui superposent les instruments hétéroclites trop souvent n'importe comment et en rajoutant à outrance des effets, comme un boulet de canon incroyablement direct, franc du collier, carburant à une folie très matrîsée et efficace. Le groupe se garde bien de surcharger, et sonne très live: ce qui prime ici, c'est l'énergie, et chaque morceau pris isolément se limite instrumentalement à l'essentiel, en témoigne l'irrésistible et mémorable moment de dinguerie brute de décoffrage "Harpoon's Fever". Pour couronner le tout, Man Man semble se foutre royalement des techniques d'enregistrement numérique, le son est gras et étonnament proche.
Quand cette bande de bipèdes survoltés décide de calmer le jeu, c'est toute la mélancolie de l'alcool triste qui s'échappe de cette voix d'ours, et qui finit par dévoiler ses failles, pour m'émouvoir sincèrement.
Fanfare de rue cabossée nourrie au punk ou au jazz New-Orleans, bande de crooners souffrant d'un problème de pilosité encombrante, artistes subversifs jouant sur une scène de cabaret croulante devant une parterre d'animaux sans maîtres, ça pourrait être un peu tout ça Man Man. En tout cas, c'est un groupe proprement inclassable et animé d'une énergie décoiffante. Man Man joue à mon avis sans le savoir dans la petite cour toujours pas nettoyée des grands groupes dont la simple existence tient d'une anomalie poétique et absurde.
Avec un programme de ce genre, c'est dans un vrai cirque qu'on est plongés. Mais un cirque ravagé par la vermine dont tous les acteurs seraient en fait des monstres aigris ou des psychopathes au nez rouge, ce qui est particulièrement tangible sur "The Ballad of Butter Beans" (La Ballade des Haricots au Beurre) où j'ai vraiment l'impression d'assister à un numéro d'équilibrisme foireux mené par des clowns bourrés, sortis tout droit des souvenirs de Fellini. Cette bande d'affreux étoffe ses compos en leur apportant un rythme plus soutenu que par le passé, produisant un véritable carnage dès les premières mesures de "Mr Jung Stuffed" qui entame le disque à toute berzingue, et ce vent de folie primaire se calmera (pour mieux repartir de plus belle) seulement au bout de trois titres à se rouler par terre, frappés du casque, imprévisibles et dotés d'une section rythmique diaboliquement technique et efficace.
Nous faisons connaissance avec un cas: Honus Honus avec son look de poilu de 14-18 en pleine montée de LSD, voudrait bien aussi monter dans les aigus avec sa grosse voix de primate, mais il en est incapable. Alors il braille à tout va, presque au hasard, faisant preuve d'un je-m'en-foutisme notoire, sans se départir d'un certain charisme (diantre, mais comment fait-il?). Derrière ça clappe, ça tape sur des casseroles, ça accélère, ça part dans de grasses lignes de basses rutilantes, ça fait jaillir d'un clavier atomisé des hurlements de bébé-truie soumis à la torture, ou hurle des diatribes en choeur totalement incompréhensibles. Gorgé d'idées, de plans tous plus fous et dynamités les uns que les autres et d'instruments divers tel que le xylophone (très présent sur tout le disque), piano, clavier poussiéreux et saturé, trompette, saxo, mélodica ou violon, Rabbit Habits se place pourtant, au milieu de tous ces disques qui superposent les instruments hétéroclites trop souvent n'importe comment et en rajoutant à outrance des effets, comme un boulet de canon incroyablement direct, franc du collier, carburant à une folie très matrîsée et efficace. Le groupe se garde bien de surcharger, et sonne très live: ce qui prime ici, c'est l'énergie, et chaque morceau pris isolément se limite instrumentalement à l'essentiel, en témoigne l'irrésistible et mémorable moment de dinguerie brute de décoffrage "Harpoon's Fever". Pour couronner le tout, Man Man semble se foutre royalement des techniques d'enregistrement numérique, le son est gras et étonnament proche.
Quand cette bande de bipèdes survoltés décide de calmer le jeu, c'est toute la mélancolie de l'alcool triste qui s'échappe de cette voix d'ours, et qui finit par dévoiler ses failles, pour m'émouvoir sincèrement.
Fanfare de rue cabossée nourrie au punk ou au jazz New-Orleans, bande de crooners souffrant d'un problème de pilosité encombrante, artistes subversifs jouant sur une scène de cabaret croulante devant une parterre d'animaux sans maîtres, ça pourrait être un peu tout ça Man Man. En tout cas, c'est un groupe proprement inclassable et animé d'une énergie décoiffante. Man Man joue à mon avis sans le savoir dans la petite cour toujours pas nettoyée des grands groupes dont la simple existence tient d'une anomalie poétique et absurde.
Excellent ! 18/20 | par Sam lowry |
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