Heatmiser

Mic City Sons

Mic City Sons

 Label :     Caroline 
 Sortie :    mardi 29 octobre 1996 
 Format :  Album / CD   

Le mélomane positivement sensible à la musique de feu Elliott Smith a deux moyens pour prolonger sa découverte de l'artiste ci-devant nommé. Il peut jouer les spirites et renouer le contact en se concentrant sur sa production posthume (From A Basement On The Hill ou récemment New Moon). Il peut encore s'improviser archéologue et se pencher sur les œuvres antérieures à son aventure solo. Il n'aura pas alors à creuser bien loin dans l'histoire du rock indie américain pour mettre à jour une discographie étonnante autant qu'évidente : Heatmiser, le groupe au sein duquel les talents de Smith ont éclos pour lui permettre de devenir l'auteur-compositeur-interprète que l'on sait ; Heatmiser dont le dernier opus Mic City Sons paru en 1996 mérite vraiment l'attention et cela tombe bien puisqu'il se trouve être l'objet de la présente chronique. Car, autant le préciser tout de suite, l'écoute de ce groupe se fait aujourd'hui essentiellement à l'aune de la production solo de Smith.

Elliott Smith a déjà à son actif deux réalisations en son nom propre, Roman Candle et son album éponyme, quand sort Mic City Sons. Leurs échos sont manifestes dans les morceaux qu'il compose pour ce disque qui sera d'ailleurs le dernier d'un groupe parvenu à son point de rupture. En effet, malgré une production qui tente en vain de l'homogénéiser, l'album, qui est loin d'être mauvais, pâtit des trop grandes disparités musicales existant entre ses deux leaders : Smith, bien sûr, dont le don pour la mélodie a déjà atteint une pleine maturité – que l'on songe ici à "Plainclothes Man" ou encore à l'émouvant "The Fix Is In" – et Neil Gust, son ami de longue date, plus attiré par le gros son et le hardcore à la Fugazi, formation à laquelle Heatmiser sera souvent comparé avant ce troisième et dernier album. Et même si par rapport aux deux albums précédents d'Heatmiser, Mic City Sons a largement évolué dans le sens voulu par Smith, la réalisation finale demeure trop écartelée entre les compositions des deux musiciens pour parvenir à un ensemble cohérent. Le disque est d'ailleurs moins bicéphale que clivé entre les morceaux de Smith et de Gust, et ce n'est pas faire injure à ce dernier que de reconnaître qu'il ne joue pas dans la même catégorie que le premier tant Smith semble évoluer à des altitudes nettement plus élevées en terme d'inspiration et de créativité. D'ailleurs, l'auditeur de Mic City Sons ne se trompera pas dans l'attribution des morceaux à l'un et à l'autre, leur style sont clairement différentiables. Bon il est vrai que cet exercice est nettement facilité par la reconnaissance de la voix de Smith qui chante sur ses propres morceaux, mais d'un autre côté, les titres n'étant pas crédités autrement que par un ‘All songs by Heatmiser', voici qui tend très légèrement à compenser l'avantage initial.

Au final, il reste que plus de dix ans après sa parution, Mic City Sons vaut qu'on lui prête une oreille attentive. Outre le fait d'offrir au mélomane des compositions originales du maître de Portland qui ne dépareraient pas sur ses albums solos, une des qualités intrinsèques indiscutable de ce disque réside dans l'orchestration électrique qui nous est proposée ici, et à laquelle Smith eut rarement recours par la suite, hormis à l'occasion de concerts avec les reprises qu'il pouvait faire de ses morceaux notamment le fameux "Needle In the Hay" qui a été composé sensiblement à la même époque que ceux de Mic City Sons puisque présent sur l'album éponyme de Smith sorti en 1995. La tonalité électrique est d'ailleurs clairement donnée dès les premiers accords de la première chanson de l'album : "Get Lucky" ; tout un programme... Enfin, la possibilité qui nous est donnée de découvrir ou de redécouvrir le travail de Neil Gust, personnalité attachante et singulière du rock indie américain des 90's, n'est pas le moindre des plaisirs procurés par ce disque, pour preuve le morceau "Rest My Head Against The Wall" au blues si particulier, ou encore celui au rythme plus enlevé "Low-Flying Jets" dont le titre a certainement inspiré la pochette de cet ultime opus d'Heatmiser.


Très bon   16/20
par Adishatz


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