Gregor Samsa
55:12 |
Label :
Kora |
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La musique de ce groupe américain sonne comme une berceuse. Une douce berceuse sortie d'un rêve, comme une main tendue, venue nous entraîner dans un monde onirique, où la tranquillité et la paix en seraient les éléments.
D'ailleurs, ça débute par quelques de notes de piano, fragiles, désuètes et floues, perturbées par des parasites cotonneux, des brouillages, des moments de flottements d'où émergent des voix susurrantes, faisant tanguer le sens des réalités.
Ce qui saisit et perturbe autant, c'est la lenteur que prend le groupe (qui tire son nom du personnage kafkaïen de la Métamorphose) à se dévoiler. Même les assauts les plus lyriques, les paroxysmes instrumentaux, prennent le temps de décoller, et ce uniquement après un long moment d'accalmie, où les notes sont lâchées au compte goutte. Cette dérive ralentie, à l'effet soporifique, cajole et berce doucement. On sent ses paupières lourdes et il est difficile de s'accrocher. De telles pauses sont introduites entre les notes que l'on croit que c'est fini, que l'on se perd, qu'on se retrouve déboussolé, au milieu d'un paysage rachitique, où ne subsiste que de la neige, à perte de vue, ou bien des nuages de brumes vaporeuses, qui enveloppent et caressent, tout comme peuvent le faire les violons, ou bien les voix, tendres et murmurantes.
On ne peut pas s'immiscer dans cet univers à tout venant : il faut une disposition d'esprit, car le groupe est peu pressé d'en finir, n'hésitant pas à traîner en longueur pour dire trois fois rien. Mais pour peu que l'on soit téméraire, et que l'on force les écoutes répétées, on se laisse à chaque fois pénétrer par une déstabilisante mélancolie, parfois poignante lorsqu'elle atteint des climax ("Even Numbers"), à grand renfort de violons et de montée en puissance des guitares.
Mais le plus souvent, c'est l'ascèse qui gagne, et il faut se laisser couler au rythme de la batterie et du piano ("What I Can Manage"), descendu à un tempo tel qu'il flirte avec l'arrêt. C'est au cours de ces apaisements que toute la beauté du groupe peut se révéler, comme lors de ces alternances, de ces dialogues de chants, tantôt masculin, tantôt féminin, mais parfaitement équilibrés, et se répondant avec douceur et une infime pureté. Lorsque le ton se durcit et que la voix se fait plus déchirante, plus intense, on atteint là des purs moments d'évasion. Les effets ne doivent rien de plus qu'à une échelle de plus dans l'intensité, mais l'authenticité est telle, et il a fallu tellement de chemin pour y arriver, que tout se transforme en le plus impressionnant des apparats.
Feutrée, cotonneuse, l'atmosphère que dégage maintenant l'album et qui envahit tout l'espace, celui de la pièce, comme de notre corps, se cristallise, s'étire le plus possible, en un minimalisme parfois haletant ("Loud And Clear").
Mais on ne résiste pas au plaisir savoureux de se laisser porter par cette tendresse triste, quelque peu rêveuse, qui se fait discrète mais bien latente, comme sur cet entrelacs de voix sur "These Points Balance", qui souffle un aria de pure beauté, soutenue, à peine, par une batterie émoussée, qui n'ose pas faire de bruit, et par des guitares dont les lignes d'accords montent progressivement de crans, jusqu'à ce qu'arrive enfin le chant de Nikki King, perçue comme une libération, un sommet de grâce absolue, une telle beauté virginale, qu'elle sert la gorge, fait venir les larmes aux yeux et fait chavirer d'une ivresse comme on n'a jamais connu. L'émotion est telle qu'elle subjugue, empoigne le cœur, et donne l'impression qu'on ne se remettra jamais de ce choc. Tout apparaît d'une telle beauté, d'une telle profondeur, d'une telle tristesse, que c'est tout notre être qui remonte à la surface, soudain libéré de ses poids, et qui voyage, là, éperdue et un peu bête, jusqu'à des hauteurs insoupçonné, naviguant dans le ciel, aux côtés d'anges, qui nous tiennent par la main, pour nous guider vers des contrées magiques.
L'instant dure peu, et on atterrit alors, non sans une lente et longue descente en douceur, le temps de savourer l'apogée vécue. C'est ainsi que toute la mélancolie élégiaque du groupe apparaît, volubile et planante, comme sur "Young And Old", cette paresse sublimée, pour mieux se plonger dans la contemplation d'une magnificence modeste et trop oublié, lorsqu'on ne prend pas la peine de prendre son temps, pour s'arrêter en chemin, et contempler, ces lentes montée en puissance vers la déclaration la plus absolue d'un amour sans borne, amour destiné à qui, on ne le sait pas, mais c'est tout juste si on ne succombe pas à la charge émotionnelle, la hargne romantique, de cette démonstration sublime de lyrisme, usant des superpositions de guitares, cordes et saturations, pour construire le plus élégant des apogées tempétueuses.
On ne revient d'ailleurs jamais d'un tel voyage. Celui-ci est trop intriguant, trop lointain pour qu'on n'en ressorte tout à fait le même. Les beautés admirées redeviennent vite des fantômes, et des échos bizarroïdes font irruption parfois ("We'll Lean That Way Forever"), trafiquant les voix, les faisant souffler trop près du micro, pour semer le doute et faire tanguer encore plus les barrières entre l'éveil et le sommeil. Et le dernier message, transperçant d'honnêteté désespérant, celui lancé à travers les brumes de "Lessening", auquel répond des lointaines voix de fées, se fait l'écho d'un touchant romantisme soyeux et délicat, sublimé par des affres atmosphériques, jusqu'à une candeur assumée et orchestrée par un déballage d'arrangements d'une magnificence des plus déchirante.
On ne sera jamais d'ailleurs, à la fin de l'écoute de cet album aussi intriguant que merveilleux, si tout cela n'était pas en réalité un simple rêve.
D'ailleurs, ça débute par quelques de notes de piano, fragiles, désuètes et floues, perturbées par des parasites cotonneux, des brouillages, des moments de flottements d'où émergent des voix susurrantes, faisant tanguer le sens des réalités.
Ce qui saisit et perturbe autant, c'est la lenteur que prend le groupe (qui tire son nom du personnage kafkaïen de la Métamorphose) à se dévoiler. Même les assauts les plus lyriques, les paroxysmes instrumentaux, prennent le temps de décoller, et ce uniquement après un long moment d'accalmie, où les notes sont lâchées au compte goutte. Cette dérive ralentie, à l'effet soporifique, cajole et berce doucement. On sent ses paupières lourdes et il est difficile de s'accrocher. De telles pauses sont introduites entre les notes que l'on croit que c'est fini, que l'on se perd, qu'on se retrouve déboussolé, au milieu d'un paysage rachitique, où ne subsiste que de la neige, à perte de vue, ou bien des nuages de brumes vaporeuses, qui enveloppent et caressent, tout comme peuvent le faire les violons, ou bien les voix, tendres et murmurantes.
On ne peut pas s'immiscer dans cet univers à tout venant : il faut une disposition d'esprit, car le groupe est peu pressé d'en finir, n'hésitant pas à traîner en longueur pour dire trois fois rien. Mais pour peu que l'on soit téméraire, et que l'on force les écoutes répétées, on se laisse à chaque fois pénétrer par une déstabilisante mélancolie, parfois poignante lorsqu'elle atteint des climax ("Even Numbers"), à grand renfort de violons et de montée en puissance des guitares.
Mais le plus souvent, c'est l'ascèse qui gagne, et il faut se laisser couler au rythme de la batterie et du piano ("What I Can Manage"), descendu à un tempo tel qu'il flirte avec l'arrêt. C'est au cours de ces apaisements que toute la beauté du groupe peut se révéler, comme lors de ces alternances, de ces dialogues de chants, tantôt masculin, tantôt féminin, mais parfaitement équilibrés, et se répondant avec douceur et une infime pureté. Lorsque le ton se durcit et que la voix se fait plus déchirante, plus intense, on atteint là des purs moments d'évasion. Les effets ne doivent rien de plus qu'à une échelle de plus dans l'intensité, mais l'authenticité est telle, et il a fallu tellement de chemin pour y arriver, que tout se transforme en le plus impressionnant des apparats.
Feutrée, cotonneuse, l'atmosphère que dégage maintenant l'album et qui envahit tout l'espace, celui de la pièce, comme de notre corps, se cristallise, s'étire le plus possible, en un minimalisme parfois haletant ("Loud And Clear").
Mais on ne résiste pas au plaisir savoureux de se laisser porter par cette tendresse triste, quelque peu rêveuse, qui se fait discrète mais bien latente, comme sur cet entrelacs de voix sur "These Points Balance", qui souffle un aria de pure beauté, soutenue, à peine, par une batterie émoussée, qui n'ose pas faire de bruit, et par des guitares dont les lignes d'accords montent progressivement de crans, jusqu'à ce qu'arrive enfin le chant de Nikki King, perçue comme une libération, un sommet de grâce absolue, une telle beauté virginale, qu'elle sert la gorge, fait venir les larmes aux yeux et fait chavirer d'une ivresse comme on n'a jamais connu. L'émotion est telle qu'elle subjugue, empoigne le cœur, et donne l'impression qu'on ne se remettra jamais de ce choc. Tout apparaît d'une telle beauté, d'une telle profondeur, d'une telle tristesse, que c'est tout notre être qui remonte à la surface, soudain libéré de ses poids, et qui voyage, là, éperdue et un peu bête, jusqu'à des hauteurs insoupçonné, naviguant dans le ciel, aux côtés d'anges, qui nous tiennent par la main, pour nous guider vers des contrées magiques.
L'instant dure peu, et on atterrit alors, non sans une lente et longue descente en douceur, le temps de savourer l'apogée vécue. C'est ainsi que toute la mélancolie élégiaque du groupe apparaît, volubile et planante, comme sur "Young And Old", cette paresse sublimée, pour mieux se plonger dans la contemplation d'une magnificence modeste et trop oublié, lorsqu'on ne prend pas la peine de prendre son temps, pour s'arrêter en chemin, et contempler, ces lentes montée en puissance vers la déclaration la plus absolue d'un amour sans borne, amour destiné à qui, on ne le sait pas, mais c'est tout juste si on ne succombe pas à la charge émotionnelle, la hargne romantique, de cette démonstration sublime de lyrisme, usant des superpositions de guitares, cordes et saturations, pour construire le plus élégant des apogées tempétueuses.
On ne revient d'ailleurs jamais d'un tel voyage. Celui-ci est trop intriguant, trop lointain pour qu'on n'en ressorte tout à fait le même. Les beautés admirées redeviennent vite des fantômes, et des échos bizarroïdes font irruption parfois ("We'll Lean That Way Forever"), trafiquant les voix, les faisant souffler trop près du micro, pour semer le doute et faire tanguer encore plus les barrières entre l'éveil et le sommeil. Et le dernier message, transperçant d'honnêteté désespérant, celui lancé à travers les brumes de "Lessening", auquel répond des lointaines voix de fées, se fait l'écho d'un touchant romantisme soyeux et délicat, sublimé par des affres atmosphériques, jusqu'à une candeur assumée et orchestrée par un déballage d'arrangements d'une magnificence des plus déchirante.
On ne sera jamais d'ailleurs, à la fin de l'écoute de cet album aussi intriguant que merveilleux, si tout cela n'était pas en réalité un simple rêve.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Vic |
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