Majesty Crush
Sans Muscles EP |
Label :
Vulva |
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Sans doute est-ce la poisse qui est à l'origine de la faillite de Majesty Crush. Ou peut-être un mauvais sens de la gestion. Ou tout simplement une inadéquation totale avec le style de son époque.
Le guitariste Mickeal Segal le dira lui-même: comment s'imposer face au grunge ? Et qui plus est en étant basé à Detroit dans le Michigan, qualifié ‘d'anus de l'univers' ? Pas évident donc.
Surtout quand on a à sa tête un personnage haut en couleur comme David Stroughter. Obsédé sexuel notoire (on se souvient de son single "Cicciolina" tout simplement dédié à l'actrice de X italienne), ce chanteur charismatique et quelque peu fêlé aura donné un ton particulièrement déroutant et savoureux à la musique de son groupe, devenu sur la foi d'un seul album à la suite de nombreux concerts, absolument culte pour les initiés. Mais ses textes sulfureux, ses allusions continuelles pour la pornographie ou les joueuses de tennis, ses discours énigmatiques n'auront pas contribué à faire dépasser l'aura du groupe au-delà des radios locales.
Il faut dire aussi que la musique du combo américain n'a pas aidé: trop aérienne, profonde, lumineuse et intense pour accrocher les radios FM. Pourtant le groupe sait trouver des mélodies enchanteresses à partir de deux ou trois accords cristallins posés là comme des ambiances. La rythmique du bassiste Hobey Echlin et du batteur Odell Nails III (tout deux ex-Spahn Ranch) est étonnament puissante, tandis que la guitare de Mickeal Segal couvre le tout d'un nuage ombrageux et lyrique de saturations. Majesty Crush fut un des rares groupes à prolonger et à s'inspirer des grâces du courant shoegaze et c'est aussi une des raisons de son manque de notoriété. Trop évasives, trop sensuelles, les chansons n'ont su trouver un écho, alors qu'elles sonnaient de manière magistrale, entre rêverie et déluge fracassant.
Après l'échec commercial et le flop financier de leur label Dali Records, le groupe a du se réfugier chez Vulva (encore un nom tendancieux, surtout associé à son logo, un coquillage dont les plis columellaires évoquent des lèvres), histoire de ne pas sombrer. La bande de Detroit y signera le maxi Sans Muscles, où il reprendront le titre "Uma" (dédié à Uma Thurman), issus de leur album Love 15, mais paru sous le nom "Bestower Of Blessing", à cause des droits. On ne peut pas dire que le groupe ait eu beaucoup de chance. Et ce ne fut pas ce maxi qui sauva les meubles.
Pourtant les titres y sont tous ici excellents, énergiques et grandioses, à l'instar de "Seine" ou du hit "If JFA Were Still Together", qui part du principe que JFA n'est pas un groupe hardcore mais une branche armée chargée de protéger les actrices de John Hinckley. C'est clair, David Stroughter a toujours navigué dans ses délires et autres fantasmes, le décalant toujours d'un cran par rapport à la normalité. Ce pur génie frappadingue a su rendre ses chansons particulièrement prenantes, basant son chant sur le tempo, groovy lors des passages lascifs, rayonnant lors des refrains éclatants. Ses paroles sont de vrais textes farfelus et remplis de sous-entendu, s'accommodant des renversements de climat des chansons, basculant d'une ambiance calme à une tempête de guitares.
"Space Between Your Moles" est un titre assez confondant, complètement relâché et contemplatif, typique du style shoegaze, au cours du quel la voix de David Stroughter se fait complètement douce, éthérée, prolongeant toujours son souffle, derrière des nappes de saturations hypnotiques.
Majesty Crush n'a jamais su calquer son style sur les modes de son époque et de sa nation, mais il aura réussi comme aucun autre à rendre ses chansons intenses et émotionnelles. "Ghost Of Fun", à l'intro cosmique
où rentre une basse ronde et chaude avant que des guitares n'explosent comme des déflagrations d'étoiles, sert d'écrin idéal au chant de David Stroughter, susurrant, voilé, soupirant, comme s'il gémissait en faisant l'amour. De temps à autre le ton s'assombrit pendant une décharge de saturations et d'adrénalines. Mais il revient toujours vers celui de l'évasion et de l'ensorcellement.
David Stroughter émerveille parce qu'il emmène loin, très loin l'auditeur dans des virées psychédéliques. Peut-être est-ce la faute aussi à son rapport avec la drogue, qui a coulé Majesty Crush. Qui sait ? David Stroughter est un artiste perturbé, très difficile à suivre. Les membres ont tous fini par quitter l'aventure. Et Sans Muscles restera le dernier témoignage du combo.
Aujourd'hui Mickeal Segal est graphiste à Detroit, Odell Nails est avocat à New York, Hobey Echlin est journaliste à Los Angeles et à l'occasion prof de yoga. Quant à David Stroughter, il continue à agiter le microcosme de Detroit avec son nouveau groupe PS I Love You, toujours aussi peu recommandable.
Mais c'est surtout avec Majesty Crush, qu'il restera comme un des personnages les plus atypiques de l'underground américain.
Le guitariste Mickeal Segal le dira lui-même: comment s'imposer face au grunge ? Et qui plus est en étant basé à Detroit dans le Michigan, qualifié ‘d'anus de l'univers' ? Pas évident donc.
Surtout quand on a à sa tête un personnage haut en couleur comme David Stroughter. Obsédé sexuel notoire (on se souvient de son single "Cicciolina" tout simplement dédié à l'actrice de X italienne), ce chanteur charismatique et quelque peu fêlé aura donné un ton particulièrement déroutant et savoureux à la musique de son groupe, devenu sur la foi d'un seul album à la suite de nombreux concerts, absolument culte pour les initiés. Mais ses textes sulfureux, ses allusions continuelles pour la pornographie ou les joueuses de tennis, ses discours énigmatiques n'auront pas contribué à faire dépasser l'aura du groupe au-delà des radios locales.
Il faut dire aussi que la musique du combo américain n'a pas aidé: trop aérienne, profonde, lumineuse et intense pour accrocher les radios FM. Pourtant le groupe sait trouver des mélodies enchanteresses à partir de deux ou trois accords cristallins posés là comme des ambiances. La rythmique du bassiste Hobey Echlin et du batteur Odell Nails III (tout deux ex-Spahn Ranch) est étonnament puissante, tandis que la guitare de Mickeal Segal couvre le tout d'un nuage ombrageux et lyrique de saturations. Majesty Crush fut un des rares groupes à prolonger et à s'inspirer des grâces du courant shoegaze et c'est aussi une des raisons de son manque de notoriété. Trop évasives, trop sensuelles, les chansons n'ont su trouver un écho, alors qu'elles sonnaient de manière magistrale, entre rêverie et déluge fracassant.
Après l'échec commercial et le flop financier de leur label Dali Records, le groupe a du se réfugier chez Vulva (encore un nom tendancieux, surtout associé à son logo, un coquillage dont les plis columellaires évoquent des lèvres), histoire de ne pas sombrer. La bande de Detroit y signera le maxi Sans Muscles, où il reprendront le titre "Uma" (dédié à Uma Thurman), issus de leur album Love 15, mais paru sous le nom "Bestower Of Blessing", à cause des droits. On ne peut pas dire que le groupe ait eu beaucoup de chance. Et ce ne fut pas ce maxi qui sauva les meubles.
Pourtant les titres y sont tous ici excellents, énergiques et grandioses, à l'instar de "Seine" ou du hit "If JFA Were Still Together", qui part du principe que JFA n'est pas un groupe hardcore mais une branche armée chargée de protéger les actrices de John Hinckley. C'est clair, David Stroughter a toujours navigué dans ses délires et autres fantasmes, le décalant toujours d'un cran par rapport à la normalité. Ce pur génie frappadingue a su rendre ses chansons particulièrement prenantes, basant son chant sur le tempo, groovy lors des passages lascifs, rayonnant lors des refrains éclatants. Ses paroles sont de vrais textes farfelus et remplis de sous-entendu, s'accommodant des renversements de climat des chansons, basculant d'une ambiance calme à une tempête de guitares.
"Space Between Your Moles" est un titre assez confondant, complètement relâché et contemplatif, typique du style shoegaze, au cours du quel la voix de David Stroughter se fait complètement douce, éthérée, prolongeant toujours son souffle, derrière des nappes de saturations hypnotiques.
Majesty Crush n'a jamais su calquer son style sur les modes de son époque et de sa nation, mais il aura réussi comme aucun autre à rendre ses chansons intenses et émotionnelles. "Ghost Of Fun", à l'intro cosmique
où rentre une basse ronde et chaude avant que des guitares n'explosent comme des déflagrations d'étoiles, sert d'écrin idéal au chant de David Stroughter, susurrant, voilé, soupirant, comme s'il gémissait en faisant l'amour. De temps à autre le ton s'assombrit pendant une décharge de saturations et d'adrénalines. Mais il revient toujours vers celui de l'évasion et de l'ensorcellement.
David Stroughter émerveille parce qu'il emmène loin, très loin l'auditeur dans des virées psychédéliques. Peut-être est-ce la faute aussi à son rapport avec la drogue, qui a coulé Majesty Crush. Qui sait ? David Stroughter est un artiste perturbé, très difficile à suivre. Les membres ont tous fini par quitter l'aventure. Et Sans Muscles restera le dernier témoignage du combo.
Aujourd'hui Mickeal Segal est graphiste à Detroit, Odell Nails est avocat à New York, Hobey Echlin est journaliste à Los Angeles et à l'occasion prof de yoga. Quant à David Stroughter, il continue à agiter le microcosme de Detroit avec son nouveau groupe PS I Love You, toujours aussi peu recommandable.
Mais c'est surtout avec Majesty Crush, qu'il restera comme un des personnages les plus atypiques de l'underground américain.
Très bon 16/20 | par Vic |
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