Dirtmusic
BKO |
Label :
Glitterhouse Records |
||||
BKO est le deuxième album de Dirtmusic, groupe constiuté de Hugo Race, Chris Eckman et Chris Brokaw, tous multi-instrumentistes/chanteurs aux carrières tentaculaires : l'un a joué avec les Bad Seeds, l'autre est l'ex-leader des Walkabouts, le troisième est à l'initiative de Codeine et de Come, et j'en passe beaucoup, la liste est vertigineuse. Les trois mènent de surcroît de riches carrières solos. Ce disque est en rupture avec le précédent qui penchait vers une americana aride.
BKO est aussi, malheureusement, le dernier album du groupe dans cette configuration, Chris Brokaw ne participera pas aux albums suivants.
En 2008, le groupe est invité au festival du Désert à Bamako et y rencontre de nombreux musiciens, dont ceux du groupe touareg Tamikrest, et la chanteuse Fadimata Walett Oumar. L'alchimie est immédiate, ils décident de se retrouver quelques mois plus tard en janvier 2009 au studio Bogolan de Bamako, fondé par l'ingénieur du son Yves Wernert et Ali Farka Touré, légende du blues malien. Les dix jours de studio donnent naissance à ce superbe BKO.
L'album est composé de dix titres : Chris Eckman et Hugo Race pour trois chacun, deux pour Chris Brokaw, un morceau par les trois, et une reprise franchement osée !
"Black Gravity" ouvre fièrement ce disque, on retrouve dès le départ tout le talent de compositeur de Chris Eckman, aidé ici par Ousmane Ag Mossa de Tamikrest. Le chant se fait à la fois en anglais et en tamasheq, la langue touareg, c'est une belle illustration de la rencontre entre ce qui se fait de mieux dans le rock, et de musiciens issus du berceau africain du blues. Les guitares sont rugueuses, le rythme est lourd et le groove est énorme, c'est une excellente entrée en matière.
En deuxième place, chanté par la voix grave de Fadimata Walett Oumar, "All Tomorrow's Parties" du premier album du Velvet Underground. S'attaquer à un tel morceau est courageux. C'est à Chris Brokaw qu'en revient l'initiative, et c'est une réussite totale. Le mélange entre le New-York des 60's et le Mali de 2009 fonctionne parfaitement, la rythmique touareg est hypnotique, la voix ne cherche pas à copier Nico mais est assez proche. Comme sur le reste de l'album il y a souvent trois voire quatre guitares, ce n'est nullement un concours à celui qui joue le plus vite, le mieux, etc. Elles se mêlent, se complètent, se répondent.
Les titres composés par Hugo Race ont en commun d'être plus légers, plus aériens que ceux d'Eckman et Brokaw. C'est le cas de "Ready For The Sign" et du lancinant "Desert Wind". Sur ce dernier, Chris Brokaw arrive même à me faire apprécier le banjo.
"Collisions" de Chris Brokaw est un des titres où il y a le moins de musiciens, les trois de Dirtmusic et un percussionniste. Ce serait presque un morceau de pop/rock s'il n'y avait ce djembe. C'est le moins " malien " de l'album, ce qui ne le rend pas plus faible pour autant, au contraire. Alors que l'autre titre qu'il a composé, "Unknowable" est lui profondément ancré dans la tradition locale.
Unique titre crédité à Dirtmusic, l'instrumental "Niger Sundown" me rappelle les albums enregistrés par Toumani Diabaté et Ali Farka Touré. Il y règne une belle sérénité. Le subtile mélange de deux guitares, du banjo, du n'goni (guitare traditionnelle malienne) et du balafon est un des enchantements de ce disque qui en comporte beaucoup.
Pour fermer BKO, Chris Eckman a composé un morceau très calme, "Bring It Home" est cool, des guitares acoustiques, un orgue, et c'est en douceur que le voyage se termine.
Même si un seul morceau est crédité aux trois musiciens de Dirtmusic, BKO n'en est pas moins une œuvre collective. Il règne une belle homogénéité durant tout l'album, on ne sent pas de problèmes d'ego entre eux.
S'il fallait chercher des influences à ce disque, hormis le Velvet Underground, Ali Farka Touré et probablement Tinariwen, j'irai directement vers Deadman et Zuma de Neil Young. BKO n'a rien de peaufiné, de lisse, le côté brut, presque jam session par moments suffit à faire de cet album un de mes préférés toutes musiques ou époques confondues.
On arrive au bout de ce formidable album. Ce serait dommage de s'arrêter en si bon chemin. Les heureux possesseurs de l'édition cd de BKO ont la chance d'avoir en plus un dvd, un livret et une pochette. Cette dernière, cartonnée, est superbe. Les dessins aléatoires au crayon noir lui donne un aspect presque cuivré. Le livret, tout aussi soigné, donne en plus des crédits et des paroles à voir des photos (œuvres d'Eckman et Brokaw entre autres) prises à Bamako lors du festival du Désert et pendant l'enregistrement. C'est une belle réussite qui accompagne superbement l'album.
Les dvd en bonus sont souvent l'occasion de caser quelques rebuts et chutes de studio, pour une fois, ce n'est pas le cas. S'y trouve un court documentaire suivi de trois titres clippés, et de quatre morceaux en bonus.
Dans ce documentaire de sept minutes, les membres du groupe parlent de la naissance de l'album et de sa réalisation. On en apprend un peu sur les conditions d'enregistrement, à voir une fois ou deux.
Les vidéos de "Black Gravity" et "Desert Wind" sont assez similaires : un mélange d'images tournées en studio où on voit les nombreux musiciens en train de jouer, et d'images du désert, de Bamako, du campement au festival de Désert. C'est fait avec les moyens du bord, c'est assez brouillon, ça me plait bien.
"All Tomorow's Parties" est tourné en noir et blanc avec un adolescent plus ou moins grimé en Warhol qui est un peu le roi de la fête, c'est du second degré d'un bout à l'autre. C'est bien foutu, mais ça reste anecdotique.
Les quatre morceaux en bonus sont illustrés de clichés pris lors de l'enregistrement.
En premier, "If We Run" de Chris Eckman est un morceau assez calme, presque triste, nostalgique. Il aurait pu figurer dans l'album.
"Ain't No Grave" est un gospel bien rythmé attribué à Claude Ely chanté par Hugo Race. Clairement ce morceau un peu trop long flirtant avec le metal n'avait pas sa place sur l'album, mais en bonus c'est pas mal. C'est un peu comme un défouloir. Je préfère les versions de Tom Jones, pour sa putain de voix, et surtout la version crépusculaire de Johnny Cash, même si celle de Claude Ely est déjà pas mal du tout et a inspiré quelques morceaux du rock'n'roll 50's.
Composé par Chris Brokaw, "Bogolon Blue" est un court morceau expérimental avec une guitare et un balafon. En bonus c'est intéressant.
Pour finir, "The Angel's Message To Me" du révérend Gary Davis, légende du blues et du gospel, plus une jam qu'autre chose, mais ça illustre la première rencontre en 2008 de Dirtmusic avec les musiciens locaux.
Difficilement trouvables, et c'est bien dommage, parce que vendus uniquement lors des concerts, il existe un disque des premières sessions de 2008 pendant le festival du Désert, et un autre, enregistré lors d'un concert à Vienne en 2010.
Après cet album, Chris Eckman produira les trois premiers, hautement recommandables, albums de Tamikrest sur Glitterhouse puis Glitterbeat Records.
BKO est aussi, malheureusement, le dernier album du groupe dans cette configuration, Chris Brokaw ne participera pas aux albums suivants.
En 2008, le groupe est invité au festival du Désert à Bamako et y rencontre de nombreux musiciens, dont ceux du groupe touareg Tamikrest, et la chanteuse Fadimata Walett Oumar. L'alchimie est immédiate, ils décident de se retrouver quelques mois plus tard en janvier 2009 au studio Bogolan de Bamako, fondé par l'ingénieur du son Yves Wernert et Ali Farka Touré, légende du blues malien. Les dix jours de studio donnent naissance à ce superbe BKO.
L'album est composé de dix titres : Chris Eckman et Hugo Race pour trois chacun, deux pour Chris Brokaw, un morceau par les trois, et une reprise franchement osée !
"Black Gravity" ouvre fièrement ce disque, on retrouve dès le départ tout le talent de compositeur de Chris Eckman, aidé ici par Ousmane Ag Mossa de Tamikrest. Le chant se fait à la fois en anglais et en tamasheq, la langue touareg, c'est une belle illustration de la rencontre entre ce qui se fait de mieux dans le rock, et de musiciens issus du berceau africain du blues. Les guitares sont rugueuses, le rythme est lourd et le groove est énorme, c'est une excellente entrée en matière.
En deuxième place, chanté par la voix grave de Fadimata Walett Oumar, "All Tomorrow's Parties" du premier album du Velvet Underground. S'attaquer à un tel morceau est courageux. C'est à Chris Brokaw qu'en revient l'initiative, et c'est une réussite totale. Le mélange entre le New-York des 60's et le Mali de 2009 fonctionne parfaitement, la rythmique touareg est hypnotique, la voix ne cherche pas à copier Nico mais est assez proche. Comme sur le reste de l'album il y a souvent trois voire quatre guitares, ce n'est nullement un concours à celui qui joue le plus vite, le mieux, etc. Elles se mêlent, se complètent, se répondent.
Les titres composés par Hugo Race ont en commun d'être plus légers, plus aériens que ceux d'Eckman et Brokaw. C'est le cas de "Ready For The Sign" et du lancinant "Desert Wind". Sur ce dernier, Chris Brokaw arrive même à me faire apprécier le banjo.
"Collisions" de Chris Brokaw est un des titres où il y a le moins de musiciens, les trois de Dirtmusic et un percussionniste. Ce serait presque un morceau de pop/rock s'il n'y avait ce djembe. C'est le moins " malien " de l'album, ce qui ne le rend pas plus faible pour autant, au contraire. Alors que l'autre titre qu'il a composé, "Unknowable" est lui profondément ancré dans la tradition locale.
Unique titre crédité à Dirtmusic, l'instrumental "Niger Sundown" me rappelle les albums enregistrés par Toumani Diabaté et Ali Farka Touré. Il y règne une belle sérénité. Le subtile mélange de deux guitares, du banjo, du n'goni (guitare traditionnelle malienne) et du balafon est un des enchantements de ce disque qui en comporte beaucoup.
Pour fermer BKO, Chris Eckman a composé un morceau très calme, "Bring It Home" est cool, des guitares acoustiques, un orgue, et c'est en douceur que le voyage se termine.
Même si un seul morceau est crédité aux trois musiciens de Dirtmusic, BKO n'en est pas moins une œuvre collective. Il règne une belle homogénéité durant tout l'album, on ne sent pas de problèmes d'ego entre eux.
S'il fallait chercher des influences à ce disque, hormis le Velvet Underground, Ali Farka Touré et probablement Tinariwen, j'irai directement vers Deadman et Zuma de Neil Young. BKO n'a rien de peaufiné, de lisse, le côté brut, presque jam session par moments suffit à faire de cet album un de mes préférés toutes musiques ou époques confondues.
On arrive au bout de ce formidable album. Ce serait dommage de s'arrêter en si bon chemin. Les heureux possesseurs de l'édition cd de BKO ont la chance d'avoir en plus un dvd, un livret et une pochette. Cette dernière, cartonnée, est superbe. Les dessins aléatoires au crayon noir lui donne un aspect presque cuivré. Le livret, tout aussi soigné, donne en plus des crédits et des paroles à voir des photos (œuvres d'Eckman et Brokaw entre autres) prises à Bamako lors du festival du Désert et pendant l'enregistrement. C'est une belle réussite qui accompagne superbement l'album.
Les dvd en bonus sont souvent l'occasion de caser quelques rebuts et chutes de studio, pour une fois, ce n'est pas le cas. S'y trouve un court documentaire suivi de trois titres clippés, et de quatre morceaux en bonus.
Dans ce documentaire de sept minutes, les membres du groupe parlent de la naissance de l'album et de sa réalisation. On en apprend un peu sur les conditions d'enregistrement, à voir une fois ou deux.
Les vidéos de "Black Gravity" et "Desert Wind" sont assez similaires : un mélange d'images tournées en studio où on voit les nombreux musiciens en train de jouer, et d'images du désert, de Bamako, du campement au festival de Désert. C'est fait avec les moyens du bord, c'est assez brouillon, ça me plait bien.
"All Tomorow's Parties" est tourné en noir et blanc avec un adolescent plus ou moins grimé en Warhol qui est un peu le roi de la fête, c'est du second degré d'un bout à l'autre. C'est bien foutu, mais ça reste anecdotique.
Les quatre morceaux en bonus sont illustrés de clichés pris lors de l'enregistrement.
En premier, "If We Run" de Chris Eckman est un morceau assez calme, presque triste, nostalgique. Il aurait pu figurer dans l'album.
"Ain't No Grave" est un gospel bien rythmé attribué à Claude Ely chanté par Hugo Race. Clairement ce morceau un peu trop long flirtant avec le metal n'avait pas sa place sur l'album, mais en bonus c'est pas mal. C'est un peu comme un défouloir. Je préfère les versions de Tom Jones, pour sa putain de voix, et surtout la version crépusculaire de Johnny Cash, même si celle de Claude Ely est déjà pas mal du tout et a inspiré quelques morceaux du rock'n'roll 50's.
Composé par Chris Brokaw, "Bogolon Blue" est un court morceau expérimental avec une guitare et un balafon. En bonus c'est intéressant.
Pour finir, "The Angel's Message To Me" du révérend Gary Davis, légende du blues et du gospel, plus une jam qu'autre chose, mais ça illustre la première rencontre en 2008 de Dirtmusic avec les musiciens locaux.
Difficilement trouvables, et c'est bien dommage, parce que vendus uniquement lors des concerts, il existe un disque des premières sessions de 2008 pendant le festival du Désert, et un autre, enregistré lors d'un concert à Vienne en 2010.
Après cet album, Chris Eckman produira les trois premiers, hautement recommandables, albums de Tamikrest sur Glitterhouse puis Glitterbeat Records.
Excellent ! 18/20 | par NicoTag |
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