The Kinks
Live At Kelvin Hall |
Label :
Pye Records |
||||
Ce premier album live des Kinks est un mélange de leurs deux concerts du 1er avril 1967 au Kelvin Hall de Glasgow, la plus grande salle locale de l'époque.
Une fois n'est pas coutume, l'album sort en Europe continentale et aux Etats-Unis plusieurs mois avant de sortir en Angleterre (août 1967 puis janvier 1968).
Que ce soit la parution américaine ou la parution anglaise, la sortie de ce disque n'arrive pas au bon moment, et les ventes sont mauvaises.
Le groupe n'a pas le droit de mettre les pieds aux USA depuis l'interdiction décrétée par le syndicat des musiciens américains, officiellement à cause du comportement tapageur et bagarreur du groupe, officieusement, ça fait un sérieux concurrent de moins. Un groupe qui ne peut pas faire de concerts, ni de promotion est au point mort.
Au Royaume-Uni c'est un autre problème, ce live est en complet décalage avec Something Else paru en septembre 1967 et avec les singles du moment. Live At Kelvin Hall a l'air d'un retour vers les premiers singles sauvages du groupe en 1964-1965 et ne correspond absolument pas à la pop élégante que jouent les Kinks.
La raison de la sortie est simple : Pye Records veut des disques pour occuper le terrain et faire sonner le tiroir-caisse, ce n'est pas nouveau ; donc ressortir ces titres à succès n'est pas pour lui déplaire.
A Glasgow, le groupe joue en clôture du festival Scene'67, sur une scène minuscule sans aucun retour, sur une photo du concert on voit Ray Davies littéralement coincé entre le bord de scène et la batterie. Le vacarme du public est un mur auquel le groupe se confronte, ils ne s'entendent presque pas, la musique est ensevelie sous les cris de la foule, et c'est dommage parce que le groupe s'en sort assez bien vu les conditions. Lors d'interviews ultérieures, Ray Davies a déclaré que les premières années il ne s'entendait pas et n'entendait quasiment pas les autres membres du groupe sur scène.
L'album débute par le féroce "Till The End Of The Day" accompagné dès le début par la furie de la foule. On sent le groupe en forme, prêt à satisfaire les centaines de personnes du public. On change d'ambiance avec "A Well Respected Man", beaucoup plus pop, sans riff rageur, ce genre de chansons n'est pas du tout fait pour la scène, et je me demande si les cris sont vraiment des éloges. Par contre, quand le groupe, avec Dave Davies au micro, revient vers la soul avec un "You're Lookin'Fine" un peu bâclé, la température remonte, puis redescend aussi vite avec le suivant.
"Sunny Afternoon" est anachronique dans cette playlist, tout ce qui fait le charme de la chanson disparaît, notamment sa partie de piano. Le morceau sombre corps et biens, sa subtilité et sa mélancolie ne sont pas vraiment à leurs places, même (surtout?) reprise en choeur par le public.
Le suivant "Dandy" est vite expédié et on change de face.
Quand Dave Davies s'époumonne sur "Come On Now" la chaleur revient, ce titre survolté est parfait sur scène. Les quatre Kinks se déchaînent ! Et continuent dans cette veine avec un rapide "You Really Got Me".
En guise de fin, le groupe joue un drôle de medley dont on peine à trouver la logique. "Milk Cow Blues" est un blues abrasif dans la veine des deux morceaux précédents, au détour d'un solo acéré le groupe enchaîne avec le thème d'une série à succès de l'époque : "Batman", puis revient à "Milk Cow Blues" et repart avec la parfaite pop de "Tired Of Waiting For You" qui arrive comme un cheveu sur la soupe, pour finalement terminer sur "Milk Cow Blues". C'est n'importe quoi...Après, un début de morceau est couvert par les cris, puis le disque s'arrête.
Si leurs morceaux plus anciens, blues proto-punk ou soul, fonctionnent bien en concert, ce n'est pas le cas des récentes compositions de Ray Davies. Ce qui passe bien en radio ou sur disque est beaucoup plus difficile à interpréter devant un public chauffé à blanc et qui veut se déhancher sur du rock. Ray Davies est bien le leader du groupe en studio, mais sur les planches c'est Dave le héros, celui qui joue les solos et que les filles regardent, il bouge, sourit, danse, interpellele public, à la fois clown et playboy.
La grande nouveauté de ce disque est que le producteur n'est plus Shel Talmy, le groupe a réussi à s'en séparer, c'est Ray Davies lui-même qui prend les commandes et qui est responsable de ce désastre.
L'enregistrement originel est tellement pourri, qu'on le soupçonne fortement d'avoir fait réenregistrer des parties entières au groupe, à plusieurs moments on a l'impression d'entendre une troisième guitare alors qu'ils ne sont que deux guitaristes sur scène. C'est devenu flagrant avec l'édition d'une version stéréo où certains solos de Dave Davies sont différents selon que l'on écoute les canaux gauche ou droit, c'est quasiment incontestable sur "You Really Got Me".
De plus si on écoute attentivement le public, à plusieurs moments, on se rend compte qu'il s'agit d'une bande passée en boucle, comme les rires d'une sitcom.
Avec le recul, heureusement que Ray Davies s'est fait les dents sur un live sans grand intérêt plutôt que sur un album studio.
Les concerts de cette époque, et ça ne vaut pas que pour les Kinks, sont souvent expédiés en 30 ou 40 minutes, le temps de jouer les 45t. Le groupe joue encore en costume Carnaby Street et n'a rien à voir avec ce qu'il deviendra quelques années plus tard quand il retournera prendre sa revanche dans les stades américains et donnera des concerts d'une autre trempe. To The Bone, album mi-live/mi-unplugged enregistré avec beaucoup de ferveur et sorti en 1994, est un excellent témoignage de ce que les Kinks (enfin seulement les frères Davies) sont devenus, c'est également leur testament.
Live At Kelvin Hall est sorti avec plusieurs pochettes, la plus répandue est celle avec le fond bleu. Assez cocasse et révélateur du professionnalisme de Pye Records, pendant plusieurs années, le premier titre, "Till The End Of The Day" apparaitra au verso de la pochette sous le nom d'un titre absent du disque : "All The Day And All Of The Night".
On peut largement considérer ce disque comme un document, tout comme Got Live If You Want It des Stones c'est plus un enregistrement du public avec un fond musical plus ou moins retravaillé en studio et ce n'est surtout pas le disque à écouter si on veut découvrir le groupe. Il vaut beaucoup mieux écouter les enregistrements réalisés pour la BBC qui proposent des versions live écoutables. Ou se reporter sur les enregistrements vidéos pour l'émission française Discorama qu'on peut trouver très facilement, avec un son correct.
Ça pourrait donc être un album dont on peut se passer. Mais malgré tout ce que je viens d'écrire, ma mauvaise foi m'empêche d'affirmer que Kelvin Hall est absolument nul, j'ai une tendresse particulière pour cette première tentative de Ray Davies
Une fois n'est pas coutume, l'album sort en Europe continentale et aux Etats-Unis plusieurs mois avant de sortir en Angleterre (août 1967 puis janvier 1968).
Que ce soit la parution américaine ou la parution anglaise, la sortie de ce disque n'arrive pas au bon moment, et les ventes sont mauvaises.
Le groupe n'a pas le droit de mettre les pieds aux USA depuis l'interdiction décrétée par le syndicat des musiciens américains, officiellement à cause du comportement tapageur et bagarreur du groupe, officieusement, ça fait un sérieux concurrent de moins. Un groupe qui ne peut pas faire de concerts, ni de promotion est au point mort.
Au Royaume-Uni c'est un autre problème, ce live est en complet décalage avec Something Else paru en septembre 1967 et avec les singles du moment. Live At Kelvin Hall a l'air d'un retour vers les premiers singles sauvages du groupe en 1964-1965 et ne correspond absolument pas à la pop élégante que jouent les Kinks.
La raison de la sortie est simple : Pye Records veut des disques pour occuper le terrain et faire sonner le tiroir-caisse, ce n'est pas nouveau ; donc ressortir ces titres à succès n'est pas pour lui déplaire.
A Glasgow, le groupe joue en clôture du festival Scene'67, sur une scène minuscule sans aucun retour, sur une photo du concert on voit Ray Davies littéralement coincé entre le bord de scène et la batterie. Le vacarme du public est un mur auquel le groupe se confronte, ils ne s'entendent presque pas, la musique est ensevelie sous les cris de la foule, et c'est dommage parce que le groupe s'en sort assez bien vu les conditions. Lors d'interviews ultérieures, Ray Davies a déclaré que les premières années il ne s'entendait pas et n'entendait quasiment pas les autres membres du groupe sur scène.
L'album débute par le féroce "Till The End Of The Day" accompagné dès le début par la furie de la foule. On sent le groupe en forme, prêt à satisfaire les centaines de personnes du public. On change d'ambiance avec "A Well Respected Man", beaucoup plus pop, sans riff rageur, ce genre de chansons n'est pas du tout fait pour la scène, et je me demande si les cris sont vraiment des éloges. Par contre, quand le groupe, avec Dave Davies au micro, revient vers la soul avec un "You're Lookin'Fine" un peu bâclé, la température remonte, puis redescend aussi vite avec le suivant.
"Sunny Afternoon" est anachronique dans cette playlist, tout ce qui fait le charme de la chanson disparaît, notamment sa partie de piano. Le morceau sombre corps et biens, sa subtilité et sa mélancolie ne sont pas vraiment à leurs places, même (surtout?) reprise en choeur par le public.
Le suivant "Dandy" est vite expédié et on change de face.
Quand Dave Davies s'époumonne sur "Come On Now" la chaleur revient, ce titre survolté est parfait sur scène. Les quatre Kinks se déchaînent ! Et continuent dans cette veine avec un rapide "You Really Got Me".
En guise de fin, le groupe joue un drôle de medley dont on peine à trouver la logique. "Milk Cow Blues" est un blues abrasif dans la veine des deux morceaux précédents, au détour d'un solo acéré le groupe enchaîne avec le thème d'une série à succès de l'époque : "Batman", puis revient à "Milk Cow Blues" et repart avec la parfaite pop de "Tired Of Waiting For You" qui arrive comme un cheveu sur la soupe, pour finalement terminer sur "Milk Cow Blues". C'est n'importe quoi...Après, un début de morceau est couvert par les cris, puis le disque s'arrête.
Si leurs morceaux plus anciens, blues proto-punk ou soul, fonctionnent bien en concert, ce n'est pas le cas des récentes compositions de Ray Davies. Ce qui passe bien en radio ou sur disque est beaucoup plus difficile à interpréter devant un public chauffé à blanc et qui veut se déhancher sur du rock. Ray Davies est bien le leader du groupe en studio, mais sur les planches c'est Dave le héros, celui qui joue les solos et que les filles regardent, il bouge, sourit, danse, interpellele public, à la fois clown et playboy.
La grande nouveauté de ce disque est que le producteur n'est plus Shel Talmy, le groupe a réussi à s'en séparer, c'est Ray Davies lui-même qui prend les commandes et qui est responsable de ce désastre.
L'enregistrement originel est tellement pourri, qu'on le soupçonne fortement d'avoir fait réenregistrer des parties entières au groupe, à plusieurs moments on a l'impression d'entendre une troisième guitare alors qu'ils ne sont que deux guitaristes sur scène. C'est devenu flagrant avec l'édition d'une version stéréo où certains solos de Dave Davies sont différents selon que l'on écoute les canaux gauche ou droit, c'est quasiment incontestable sur "You Really Got Me".
De plus si on écoute attentivement le public, à plusieurs moments, on se rend compte qu'il s'agit d'une bande passée en boucle, comme les rires d'une sitcom.
Avec le recul, heureusement que Ray Davies s'est fait les dents sur un live sans grand intérêt plutôt que sur un album studio.
Les concerts de cette époque, et ça ne vaut pas que pour les Kinks, sont souvent expédiés en 30 ou 40 minutes, le temps de jouer les 45t. Le groupe joue encore en costume Carnaby Street et n'a rien à voir avec ce qu'il deviendra quelques années plus tard quand il retournera prendre sa revanche dans les stades américains et donnera des concerts d'une autre trempe. To The Bone, album mi-live/mi-unplugged enregistré avec beaucoup de ferveur et sorti en 1994, est un excellent témoignage de ce que les Kinks (enfin seulement les frères Davies) sont devenus, c'est également leur testament.
Live At Kelvin Hall est sorti avec plusieurs pochettes, la plus répandue est celle avec le fond bleu. Assez cocasse et révélateur du professionnalisme de Pye Records, pendant plusieurs années, le premier titre, "Till The End Of The Day" apparaitra au verso de la pochette sous le nom d'un titre absent du disque : "All The Day And All Of The Night".
On peut largement considérer ce disque comme un document, tout comme Got Live If You Want It des Stones c'est plus un enregistrement du public avec un fond musical plus ou moins retravaillé en studio et ce n'est surtout pas le disque à écouter si on veut découvrir le groupe. Il vaut beaucoup mieux écouter les enregistrements réalisés pour la BBC qui proposent des versions live écoutables. Ou se reporter sur les enregistrements vidéos pour l'émission française Discorama qu'on peut trouver très facilement, avec un son correct.
Ça pourrait donc être un album dont on peut se passer. Mais malgré tout ce que je viens d'écrire, ma mauvaise foi m'empêche d'affirmer que Kelvin Hall est absolument nul, j'ai une tendresse particulière pour cette première tentative de Ray Davies
Passable 11/20 | par NicoTag |
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