Ben Bridwell
Sing Into My Mouth |
Label :
Black Cricket Recording Co. ; Brown Records |
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Sing Into My Mouth est, à bien des égards, le témoin tangible d'une amitié qui remonte à la jeunesse de ses deux principaux protagonistes, Sam Beam et Ben Bridwell, que leurs parcours musicaux respectifs n'ont pas éloignés. Bien au contraire, ils les ont même rapprochés, surtout au début, à l'orée des années 2000. Après plusieurs années à enregistrer dans son coin, Beam surgit en 2002 avec The Creek Drank the Cradle et Bridwell fonde Band of Horses en 2004, suite à la dissolution de Carissa's Wierd, son précédent groupe, un an plus tôt. Le second se retrouve à faire les premières parties de l'autre et finit par le rejoindre sur le même label, Sub Pop (toujours dans les bons coups presque vingt ans après la déferlante grunge), sur lequel Band of Horses sort son premier album, Everything All the Time, en 2006. Et pour la petite histoire, c'est un peu grâce au frère de Ben, Michael, que Beam signa sur le vénérable label de Seattle. En effet, le frangin fut un de ceux à qui le Carolinien de naissance donna, par amitié, ses premières démos à écouter, démos que Michael transmit ensuite à un magazine qui édita une compilation comportant le titre "Dead Man's Will" qui finit par tomber dans l'oreille de Jonathan Poneman. Séduit, ce dernier contacta Beam pour lui demander qu'il lui envoie davantage de musique, si bien que cela déboucha sur un contrat. Et c'est ainsi que débuta l'aventure Iron & Wine. Et que se poursuit encore aujourd'hui cette solide amitié entre Ben et Sam. Mais malgré les années qui passent, des affinités musicales évidentes, des influences et goûts partagés, il a fallu attendre 2015 pour qu'ils se décident enfin à collaborer ensemble, avec le présent Sing Into My Mouth, un album exclusivement composé de reprises.
Les deux compères ne sont pas maladroits dans cet art délicat, ils l'ont largement démontré avant de se rejoindre en studio. Band of Horses ou Bridwell seul ont ainsi repris, souvent sur scène, Gram Parsons, Neil Young, George Harrison, les Stones, les Replacements, Townes Van Zandt ou encore Grizzly Bear. Beam, là aussi avec ou sans son groupe, s'est attaqué à Stereolab, aux Flaming Lips, The Postal Service, New Order (merveilleuse version de "Love Vigilantes" sur Around the Well !), au Loner aussi évidemment, Will Oldham et d'autres que j'oublie. Pour eux, réaliser un disque de reprises ne tombait donc pas sous le sens. Et le soin apporté à Sing Into My Mouth atteste bien de leur appétence pour cet exercice et leur passion pour les artistes et formations qu'ils reprennent. Entourés des musiciens d'Iron & Wine (Rob Burger, Paul Niehaus, Joe Adamik, Jim Becker et Matt Lux) et se consacrant, une fois n'est pas coutume, uniquement au chant, ils alternent chacun leur tour en voix principale, l'autre s'occupant alors des harmonies et autres chœurs.
Les deux hommes s'attaquent à un répertoire assez varié, peuplé d'artistes et groupes plus ou moins connus, avec une préférence pour leurs œuvres des années 70, par le prisme de réinterprétations country-folk pleines de révérence et d'affection, sans que cela ne tourne cependant à l'hommage vain et insipide. Certaines sont très fidèles aux originales comme celle de "Done This One Before", tirée d'Anymore for Anymore, le premier album solo de Ronnie Lane, le chanteur des Small Faces, sorti en 1974, ou celle un peu ralentie et baignée de pedal steel du "Any Day Woman" de Bonnie Raitt, issue là aussi de son premier disque (Bonnie Raitt, 1971), ou bien encore "Ab's Song" des seigneurs du Southern Rock, le Marshall Tucker Band (même si je suis plus Allman Bros, mais là n'est pas la question), avec un Beam parfait au micro pour nous conter cette courte perle aux paroles marquantes. Mais là où fidélité et appropriation personnelle se marient le mieux, c'est peut-être sur "No Way Out of Here", un morceau tiré de Too Many Crooks (1973), le troisième album d'Unicorn, une formation anglaise des années 70 aujourd'hui un peu oubliée qui a orchestré avec goût, le temps d'une poignée de disques, la collision entre le folk british et la country ricaine et que je ne connaissais pas du tout. Si vous aimez, par exemple, Crosby, Stills, Nash & Young, Big Star, les Byrds, Badfinger, Teenage Fanclub, les Posies, les belles mélodies, les chœurs soignés et les productions claires, ce groupe est fait pour vous. C'est Bridwell qui s'en occupe ici, avec une version aérienne et pleine de classe.
En d'autres occasions, les originales sont retravaillées plus en profondeur. C'est le cas avec "This Must Be the Place (Naive Melody)" des Talking Heads (Speaking in Tongues, 1983) où la new wave minimaliste des New-Yorkais est remplacée par une interprétation folk menée par une pedal steel rêveuse. "Bullet Proof Soul" de Sade (Love Deluxe, 1992) a droit à un traitement similaire et l'on retrouve, avec les instruments employés, un peu de l'ambiance trip hop planante de l'originale. Autre belle découverte pour ma part (les albums de reprises, ça sert aussi à ça), la version de "God Knows (You Gotta Give to Get)", une très belle et amère chanson d'El Perro del Mar (El Perro del Mar, 2006). Sous ce nom aux consonances ibériques se cache la Suédoise Sarah Assbring, qui œuvre dans un registre indie pop mélancolique, fragile et délicat. Beam et Bridwell ralentissent son morceau, lui donnent davantage d'espace et parviennent à lui retirer un peu de sa tristesse. Autre moment notable, "Am I a Good Man?" de Them Two, un obscur duo de soul auteur d'un unique single en 1967 (avec "Love Has Taken Wings" en face b pour être tout à fait complet) et repris régulièrement par Band of Horses en concert depuis 2007, ici joué de façon passionnée et très percutante, piano et batterie en avant. Enfin, les deux camarades réinventent totalement "Coyote, My Little Brother" de Peter La Farge (As Long As The Grass Shall Grow: Peter La Farge Sings Of The Indians, 1963), un folksinger des fifties et sixties décédé prématurément en 1965 à 34 ans et notamment repris par Dylan et Cash. Leur version, avec une batterie proéminente, est assez proche de ce que Band of Horses pourrait en faire en studio.
Ajoutez à tout cela des reprises de John Cale ("You Know More Than I Know"), Spiritualized ("The Straight and Narrow") et JJ Cale ("Magnolia"), toutes réussies, et vous obtenez un album de très bonne tenue qui oscille entre hommages respectueux et réinterprétations plus audacieuses, le fil conducteur de Sing Into My Mouth restant en premier lieu la passion et le plaisir qu'ont tous ces musiciens à jouer ensemble et revisiter ces chansons qui leur tiennent indéniablement à cœur. Et il est bien difficile de leur résister.
Les deux compères ne sont pas maladroits dans cet art délicat, ils l'ont largement démontré avant de se rejoindre en studio. Band of Horses ou Bridwell seul ont ainsi repris, souvent sur scène, Gram Parsons, Neil Young, George Harrison, les Stones, les Replacements, Townes Van Zandt ou encore Grizzly Bear. Beam, là aussi avec ou sans son groupe, s'est attaqué à Stereolab, aux Flaming Lips, The Postal Service, New Order (merveilleuse version de "Love Vigilantes" sur Around the Well !), au Loner aussi évidemment, Will Oldham et d'autres que j'oublie. Pour eux, réaliser un disque de reprises ne tombait donc pas sous le sens. Et le soin apporté à Sing Into My Mouth atteste bien de leur appétence pour cet exercice et leur passion pour les artistes et formations qu'ils reprennent. Entourés des musiciens d'Iron & Wine (Rob Burger, Paul Niehaus, Joe Adamik, Jim Becker et Matt Lux) et se consacrant, une fois n'est pas coutume, uniquement au chant, ils alternent chacun leur tour en voix principale, l'autre s'occupant alors des harmonies et autres chœurs.
Les deux hommes s'attaquent à un répertoire assez varié, peuplé d'artistes et groupes plus ou moins connus, avec une préférence pour leurs œuvres des années 70, par le prisme de réinterprétations country-folk pleines de révérence et d'affection, sans que cela ne tourne cependant à l'hommage vain et insipide. Certaines sont très fidèles aux originales comme celle de "Done This One Before", tirée d'Anymore for Anymore, le premier album solo de Ronnie Lane, le chanteur des Small Faces, sorti en 1974, ou celle un peu ralentie et baignée de pedal steel du "Any Day Woman" de Bonnie Raitt, issue là aussi de son premier disque (Bonnie Raitt, 1971), ou bien encore "Ab's Song" des seigneurs du Southern Rock, le Marshall Tucker Band (même si je suis plus Allman Bros, mais là n'est pas la question), avec un Beam parfait au micro pour nous conter cette courte perle aux paroles marquantes. Mais là où fidélité et appropriation personnelle se marient le mieux, c'est peut-être sur "No Way Out of Here", un morceau tiré de Too Many Crooks (1973), le troisième album d'Unicorn, une formation anglaise des années 70 aujourd'hui un peu oubliée qui a orchestré avec goût, le temps d'une poignée de disques, la collision entre le folk british et la country ricaine et que je ne connaissais pas du tout. Si vous aimez, par exemple, Crosby, Stills, Nash & Young, Big Star, les Byrds, Badfinger, Teenage Fanclub, les Posies, les belles mélodies, les chœurs soignés et les productions claires, ce groupe est fait pour vous. C'est Bridwell qui s'en occupe ici, avec une version aérienne et pleine de classe.
En d'autres occasions, les originales sont retravaillées plus en profondeur. C'est le cas avec "This Must Be the Place (Naive Melody)" des Talking Heads (Speaking in Tongues, 1983) où la new wave minimaliste des New-Yorkais est remplacée par une interprétation folk menée par une pedal steel rêveuse. "Bullet Proof Soul" de Sade (Love Deluxe, 1992) a droit à un traitement similaire et l'on retrouve, avec les instruments employés, un peu de l'ambiance trip hop planante de l'originale. Autre belle découverte pour ma part (les albums de reprises, ça sert aussi à ça), la version de "God Knows (You Gotta Give to Get)", une très belle et amère chanson d'El Perro del Mar (El Perro del Mar, 2006). Sous ce nom aux consonances ibériques se cache la Suédoise Sarah Assbring, qui œuvre dans un registre indie pop mélancolique, fragile et délicat. Beam et Bridwell ralentissent son morceau, lui donnent davantage d'espace et parviennent à lui retirer un peu de sa tristesse. Autre moment notable, "Am I a Good Man?" de Them Two, un obscur duo de soul auteur d'un unique single en 1967 (avec "Love Has Taken Wings" en face b pour être tout à fait complet) et repris régulièrement par Band of Horses en concert depuis 2007, ici joué de façon passionnée et très percutante, piano et batterie en avant. Enfin, les deux camarades réinventent totalement "Coyote, My Little Brother" de Peter La Farge (As Long As The Grass Shall Grow: Peter La Farge Sings Of The Indians, 1963), un folksinger des fifties et sixties décédé prématurément en 1965 à 34 ans et notamment repris par Dylan et Cash. Leur version, avec une batterie proéminente, est assez proche de ce que Band of Horses pourrait en faire en studio.
Ajoutez à tout cela des reprises de John Cale ("You Know More Than I Know"), Spiritualized ("The Straight and Narrow") et JJ Cale ("Magnolia"), toutes réussies, et vous obtenez un album de très bonne tenue qui oscille entre hommages respectueux et réinterprétations plus audacieuses, le fil conducteur de Sing Into My Mouth restant en premier lieu la passion et le plaisir qu'ont tous ces musiciens à jouer ensemble et revisiter ces chansons qui leur tiennent indéniablement à cœur. Et il est bien difficile de leur résister.
Très bon 16/20 | par Poukram |
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