Port O'brien

Le passage à l'âge adulte prend du temps pour certains. Cette fameuse maturité que l'on traque comme s'il s'agissait d'une clé inestimable, d'un gage de réussite, promesse de lendemains encore et toujours meilleurs. Threadbare aborde ces questions superficielles par la force des choses. Le frère de la belle Cambria Goodwin trouve la mort dans un accident de voiture. 17 ans. Une tragédie qu'on connaît de loin mais rappelle à l'ordre lorsqu'elle tombe dans notre cercle proche. Van Pierszalowski et Cambria Goodwin, encore dans une dynamique de passer une moitié de l'année sur un chalutier (pour lui) et dans une conserverie (pour elle), et l'autre à profiter de leurs belles années à faire vivre Port O'Brien, sont rattrapés par la réalité des choses. Leurs projets changent en conséquence lors de l'enregistrement de ce troisième album. Tout y est en suspens presque de tout repos. Leurs chansons de pêcheurs accusent un air affecté et amer qu'on ne leur connaissait pas. Les éléments marins ne sont plus au premier plan. De l'encre a coulé. L'ancre s'est levée. On le ressent indubitablement. Le duo a laissé la fougue ("Oslo Campfire" et "Leap Year" seuls représentants) et leur folk lo-fi ingrat pour écrire ce recueil brumeux, contemplatif et racé, pris entre les magnifiques parenthèses mystiques "High Without The Hope 3" et "High Without The Hope 72". Avec un poignant hommage jamais bien loin... La voix cassée de Van gagne en retenue, apprivoisée par les circonstances mais ce que l'on retiendra avant tout est la présence céleste de Cambria. Elle aura dû attendre ce triste signe du destin pour affirmer sa voix de sirène, fragile et désabusée diffusant tout son amour fraternel. Même si elle a été poussée par les évènements, rendons à Cléopâtre ce qui appartient à Cléopâtre...