Jungstötter
Love Is |
Label :
PIAS Germany |
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Je n'aime pas le name-dropping, cette pratique courante lorsqu'on parle de musique, qui consiste à citer tous les artistes qui nous viennent en tête à l'écoute d'une musique au sujet de laquelle l'on a vraisemblablement rien de mieux à dire. Oh certes, ça permet de briller en société, à épater le badaud à coup d'érudition de surface, ça permet de mettre d'emblée l'inconnu dans quelques cases bien rangées et confortables. Je comprends l'attrait du truc hein, parfois même je m'y adonne, suivi de deux Ave Maria et trois Notre Père pour me faire pardonner. Mais comprenez bien que ça a l'effet pervers de nier la singularité de ce qui est en train de se passer chez ce nouveau venu qui vient poliment se loger entre nos oreilles, le risque étant de surcroit de rater purement et simplement une voix nouvelle, qui n'a jamais demandé à être placée aux côtés de plus glorieux ainés, écrasée par le poids d'une descendance supposée qu'on lui fourre dans la gorge à son corps défendant. Non vraiment, plus ça va, moins j'aime le name-dropping.
Pourtant je vais bien devoir faire une exception (de plus), en essayant de rattraper le coup derrière... car pour ceux d'entre vous qui passeront le pas et donneront sa chance au jeune Jungstötter, il ne sera pas possible de manquer certaines effluves évidentes qui s'échappent de sa musique. Pour faire bonne figure, appelons ça une manière d'exorciser ces noms qui ne peuvent s'empêcher de surgir dans ma tête, en espérant que le chaland sera appâté ; appelons ça un mal pour un bien. Après tout, il suffit que cette voix entonne ses premières notes : j'entends Nick Cave, en plus doucereux, et moins sombre ; Scott Walker bien sûr, précieux et dandy comme à son habitude, mais moins démonstratif ; et Antony Hegarty tiens, pour les trémolos et une certaine sensibilité d'écorché vif, moins théâtral, davantage dans la retenue. Ces précisions, c'est important, ça n'est pas juste histoire de faire des manières et jouer à enculer les mouches. C'est un signe que tout n'est pas joué d'entrée de jeu avec Fabian Altstötter, que quelque chose échappe au jeu des comparaisons. Comme untel, mais pas tout à fait non plus... Et petit à petit, Love Is déroule ses arguments, premier album impressionnant de maturité et de cohérence, et avec lui on apprend à se détacher des ombres étouffantes dans lesquelles on croyait le reconnaître. Car ce bonhomme luit d'une lumière singulière, et semble déjà prêt à dévorer le monde par son chant vibrant, son lyrisme rauque, ses instrumentations tantôt trainantes tantôt trépidantes, par ce canevas de tristesse sur lequel se dessinent des figures couleur corbeau qui trahissent parfois un subreptice espoir.
En guise d'échantillon de cette vaste palette de couleurs : "Sally Ran" en extrait d'un cabaret d'encre secoué d'une disto éplorée, "In Too Deep" en western queer, "Black Hair" en valse folk lugubre, "Systems" et ses faux airs de Radiohead, "Wound Wrapped In Song" en épopée échevelée, soufflant chaud et froid avec un sens certain du drame. Que dire de "Silence", qui parvient à mêler recueillement, colère sombre et une sorte de sérénité religieuse qui surprend en deuxième moitié de morceau, déchirée de quelques accords de guitare extatiques et d'un doux piano qui, ensemble, parviennent à émuler rien moins que le Spirit of Eden de Talk Talk, si peu de temps avant que le grand Mark ne s'évanouisse pour de bon dans le néant qu'il en vient à sonner tristement prophétique. Je n'irai pas jusqu'à dire que Jungstötter fait un sans faute, après tout il saccage le final d'une de ses plus belles chansons, "Love Is", en lui apposant un crescendo débouchant sur une espèce d'indus grossier comme tout. Mais quand même, on est pas loin de l'excellence pour un premier essai qui demeure une puissante déclaration d'intention ; théâtrale, maniérée, hantée, classe tout simplement. On est pas plus étonné que ça d'apprendre qu'il a longtemps tourné avec Soap & Skin et que celle-ci a participé à une version live de "Wound Wrapped in Song". Les deux se complètent et se répondent très naturellement. Il reste à souhaiter à Fabian une suite de carrière aussi forte que celle de sa sœur d'armes.
Pourtant je vais bien devoir faire une exception (de plus), en essayant de rattraper le coup derrière... car pour ceux d'entre vous qui passeront le pas et donneront sa chance au jeune Jungstötter, il ne sera pas possible de manquer certaines effluves évidentes qui s'échappent de sa musique. Pour faire bonne figure, appelons ça une manière d'exorciser ces noms qui ne peuvent s'empêcher de surgir dans ma tête, en espérant que le chaland sera appâté ; appelons ça un mal pour un bien. Après tout, il suffit que cette voix entonne ses premières notes : j'entends Nick Cave, en plus doucereux, et moins sombre ; Scott Walker bien sûr, précieux et dandy comme à son habitude, mais moins démonstratif ; et Antony Hegarty tiens, pour les trémolos et une certaine sensibilité d'écorché vif, moins théâtral, davantage dans la retenue. Ces précisions, c'est important, ça n'est pas juste histoire de faire des manières et jouer à enculer les mouches. C'est un signe que tout n'est pas joué d'entrée de jeu avec Fabian Altstötter, que quelque chose échappe au jeu des comparaisons. Comme untel, mais pas tout à fait non plus... Et petit à petit, Love Is déroule ses arguments, premier album impressionnant de maturité et de cohérence, et avec lui on apprend à se détacher des ombres étouffantes dans lesquelles on croyait le reconnaître. Car ce bonhomme luit d'une lumière singulière, et semble déjà prêt à dévorer le monde par son chant vibrant, son lyrisme rauque, ses instrumentations tantôt trainantes tantôt trépidantes, par ce canevas de tristesse sur lequel se dessinent des figures couleur corbeau qui trahissent parfois un subreptice espoir.
En guise d'échantillon de cette vaste palette de couleurs : "Sally Ran" en extrait d'un cabaret d'encre secoué d'une disto éplorée, "In Too Deep" en western queer, "Black Hair" en valse folk lugubre, "Systems" et ses faux airs de Radiohead, "Wound Wrapped In Song" en épopée échevelée, soufflant chaud et froid avec un sens certain du drame. Que dire de "Silence", qui parvient à mêler recueillement, colère sombre et une sorte de sérénité religieuse qui surprend en deuxième moitié de morceau, déchirée de quelques accords de guitare extatiques et d'un doux piano qui, ensemble, parviennent à émuler rien moins que le Spirit of Eden de Talk Talk, si peu de temps avant que le grand Mark ne s'évanouisse pour de bon dans le néant qu'il en vient à sonner tristement prophétique. Je n'irai pas jusqu'à dire que Jungstötter fait un sans faute, après tout il saccage le final d'une de ses plus belles chansons, "Love Is", en lui apposant un crescendo débouchant sur une espèce d'indus grossier comme tout. Mais quand même, on est pas loin de l'excellence pour un premier essai qui demeure une puissante déclaration d'intention ; théâtrale, maniérée, hantée, classe tout simplement. On est pas plus étonné que ça d'apprendre qu'il a longtemps tourné avec Soap & Skin et que celle-ci a participé à une version live de "Wound Wrapped in Song". Les deux se complètent et se répondent très naturellement. Il reste à souhaiter à Fabian une suite de carrière aussi forte que celle de sa sœur d'armes.
Très bon 16/20 | par X_Wazoo |
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