Janelle Monáe
The ArchAndroid |
Label :
Bad Boy / Wondaland Arts Society |
||||
Imaginons : XSilence a sa rédaction dans un gigantesque building et abrite en son sein de nombreux et talentueux chroniqueurs-tout simplement les Lumières de ce siècle- à la recherche de la Vérité tels les journalistes du Washington Post en 1972. Nous voyons les années 2010 s'achever et pour les plus fragiles d'entre nous, bon nombre de croyances musicales s'effritent peu à peu, les jours, les semaines, les mois avançant.
Pour aider chacun à exprimer ses doutes, imaginons encore que l'un des bureaux de la rédaction d'XSilence est celui d'une psychologue.
Afin de me rendre les choses agréables, je vais représenter dans mon esprit cette thérapeute comme possédant les atouts de Laura Harring, ainsi que le charme espiègle et British de Diana Rigg. Elle serait habillée en rouge et noir afin de mieux exiler ma peur, me permettant d'aller plus haut que mes montagnes de douleur.
On va donc supposer que j'arrive dans son bureau un beau matin d'hiver. Le temps est exceptionnellement radieux, et comme Gérard Blanc avant moi, peut-être y trouverais-je du soleil dans la nuit. Ce soleil traverse les persiennes et éclaire le divan sur lequel je vais m'allonger et me confesser. Voici le dialogue qui pourrait s'ensuivre...
- Alors, comment va Monsieur Machete ?
- Pas très fort, merci. Je crains d'avoir perdu mon Mojo.
- Et si je mordille mes lunettes en faisant une moue laissant peu de place à l'ambiguïté ?
- Non, je parle de Mojo musical. Mais, faites donc, ça ne me dérange pas.
- Qu'est ce qui ne va pas ? Vous pouvez tout me dire...
- Bon. Confidence pour confidence, je sens que j'ai morflé durant cette dernière décennie. Je commence à me demander si je ne suis pas trop vieux pour ces conneries. Mes groupes ou mes artistes favoris sont entrain de tomber comme des mouches, ou ont déposé les armes, ou n'ont simplement sorti d'album depuis très longtemps. Par exemple,Je croyais que les Weezer étaient de gentils Nerds mais en fait ce sont des gros beaufs. P.J. Harvey n'est plus enragée et est devenue une Bobo avec des plumes. Non, franchement, ça le fait pas.
- Et c'est tout ?
- Non. J'essaye de me pencher sur...
- Mon sublime décolleté ?
- des groupes nouveaux, jeunes, ou des nouvelles tendances. Je consulte les collègues, demande conseil un petit peu partout, aux amis fidèles, aux nouvelles rencontres, mais je peine à trouver quelque chose qui m'emballe totalement. Oui, je peine à trouver le grand frisson. Et si je reviens à mes genres de prédilection, j'ai mal à ma guitare et à mon synthé. Ce que je peux un minimum apprécier ne tient pas sur la durée. Et puis, j'ai l'impression d'entendre du Electro R'N'B partout, comme si ce genre avait pris le pouvoir sur tous mes repères. Même mes comparses les plus fiables se laissent séduire. Je ne comprends vraiment pas.
- On dit qu'il faut savoir vivre avec son temps, vous n'êtes pas si vieux que ça non plus. Vous avez encore de multiples expériences musicales à vivre, vous n'en avez même pas vécu la moitié si l'on considère votre âge !
- Oui, vous avez sans doute raison, mais il y a une persistance en moi qui refuse de s'ouvrir.
- Vous savez qu'ici, c'est un lieu d'ouverture, ne l'oubliez jamais...
- Par exemple, les goûts et les couleurs dans la rédaction sont très variés et riches. Mais moi les morceaux de 17 minutes, l'expérimentation, les bruits tordus, le Rap, ça me soule assez vite. Je ne défends pas les lignes claires à tout prix, loin de là, mais...
- Sachez être curieux. On dirait que vous avez abandonné cet état d'esprit pourtant essentiel à votre condition.
Puis le téléphone de la renversante analyste sonne. La sonnerie reprend un des refrains les plus lascifs de l'histoire de l'année 1997 : Darling faisons l'amour ce soir / Tous deux émergés dans le noir / Car ton corps m'appelle / Délire Sensuel / Des plaisirs charnels....
Elle répond à l'appel poétique :
- Oui, Monsieur Balthazar O'Hazard. Oui. Ah vous avez entendu les lamentations de Monsieur Machete ?! D'accord. Mais vous savez c'est un entretien confidentiel, conformément au serment de....Oui. Oui. Très bien, je lui dis alors. Non, ça ne devrait pas le traumatiser. J'ai écouté l'album, il y a plein de trucs sympas dessus.
Elle raccroche, toute fière d'avoir le Love de son mystérieux correspondant.
- Bon, Monsieur Machete. Voilà le traitement que je vous propose. Il y a des albums à chroniquer et...
- Il y a toujours des disques à chroniquer.
- Oui, et récemment une artiste a émergé au sein de la rédaction, il s'agit de Janelle Monáe. Il faut compléter sa discographie.
- Vous me proposez une chronique contre nature ? Mais c'est, mais c'est... une proposition indécente !
- Mieux vaut donc une Demi Moore qu'une demi-molle...Musicalement, j'entends... Ecoutez l'album The ArchAndroid et revenez me voir dans une semaine qu'on en discute.
- Vous êtes sûre ?
- Sinon, j'ai l'album Amants Poétiques des Poetic Lover.
- Mais attendez, nous sommes dans mon imagination, là...Votre voix, par exemple, est un mélange de celles de Kim Deal et Lauren Bacall. C'est censé être professionnel ici et de bon goût.
- Le ridicule ne tue pas et tout ce qui ne tue pas rend plus fort et puis c'est vous qui mélangez les choses aussi, à citer des Boys Band français ou Jeanne Mas pour le plaisir, vous n'avez qu'à arrêter vos conneries. On se revoit dans une semaine. Et puis les lecteurs de la chronique vont s'impatienter, ils veulent un compte-rendu sérieux de l'album The ArchAndroid de Janelle Monáe.
Une semaine plus tard, me revoici donc dans le bureau de la magnifique curatrice des maux de l'âme.
- Alors, comment va ?
- Ben si je viens vous voir depuis le début de la chronique, c'est que ça va pas forcément. Bon, j'ai écouté votre truc, là.
- Et alors ?
- Alors... Ben faut que j'organise mes idées.
- Très bien. Le temps de et pour vous rendre les choses plus faciles, cela vous dérange –‘t-il que l'on se serve une bouteille de bon Bordeaux et que j'aille dans la pièce à côté mettre une robe de couleur noire, de cuir et de dentelle, me mettant très avantageusement en valeur et surtout aux parties de mon corps où je suis favorablement dotée ?
- Euh, non... Faites comme il vous, euh...,me plaira.
Une fois revenue et me sentant ma foi pas trop mal dans ces conditions, voici ce que ça donne:
- Je vais donc tenter de vous dresser le portrait de cet album, avec le restant de force, de vigueur et de passion qu'il me reste. En levant les mystères qu'il recèle, j'espère être le plus fidèle possible à la ligne éditoriale que je me suis fixé, c'est-à-dire aucune. Il est sorti en 2010 et c'est le premier album "officiel" de Janelle Monáe. Je mets "officiel" entre guillemets car elle avait auparavant sorti quelques Maxi composant une sorte de concept, intitulé Metropolis, qui n'a que partiellement abouti puisqu'elle fut vite repérée et signée par Puff Daddy (qui, je le rappelle, a affronté Godzilla comme un vrai bonhomme, après que ce dernier l'ait bronché et malmené, dans un clip en 1998). The ArchAndroid est donc une sorte de prolongement / suite / conclusion de l'univers qu'elle avait esquissé. Elle s'est inventée un Alter Ego, du nom de Cindi Mayweather, une androïde messianique sauvant un monde oppressé, bref un truc entre Ziggy Stardust et Matrix. Il y a 18 titres au total.
- 18 titres ? 18 n'est pas un multiple de 69 par hasard ?
- Non, mais cela aurait été le cas s'il y avait eu 23 titres. Et 69 n'est pas non plus un nombre premier, c'est Bertrand Renard qui me l'a appris .
-Vous maîtrisez drôlement bien les chiffres, dîtes-donc !
- Annie Pujol, quant à elle, m'a inculqué le plaisir de retourner les Belles Lettres...
- Je peux être la Lettre que vous voulez, l'alphabet tout entier...
-... mais nous nous égarons. C'est un album aussi riche que ce qui ne se dissimule qu'à un quart dans votre splendide échancrure, où plusieurs styles et influences se mêlent et s'entremêlent. Il dure 68 minutes et 35 secondes.
- Oh ! 25 secondes de plus et on aurait eu...
- Le numéro atomique du Thulium et la propriété d'être le seul nombre dont le cube et le carré contiennent tous les chiffres de 0 à 9 une seule fois, c'est-à-dire au carré 4761 et au cube 328509. Mais là n'est pas le propos. Presque Une heure et neuf minutes en fait, donc un album assez long pour mes standards Rock habituels, mais c'est en général conforme au genre qui nous concerne ici.
- Court et intense, ou long et bon, peu importe !
- J'avais très peur. Une telle durée pour un genre que je n'affectionne pas particulièrement, ça avait de quoi me refroidir. Mais si je m'attarde sur...
- Mes formes enchanteresses ?
- ...la question de genre, il faut bien reconnaître que cette jeune artiste a su brouiller les pistes, et je dois aussi avouer qu'elle l'a fait avec une certaine classe et intelligence.
- Pouvez-vous m'en faire une brève description dans un style pompeux qui sert la soupe, comme si vous étiez chroniqueur à France Sphincter ?
- Avec fausse joie ! The ArchAndroid, qui sort en 2010, donnera le ton de cette décennie, où de nombreuses barrières musicales sont tombées sur les cendres d'une industrie du disque moribonde. Les pieds sur terre et avec la tête dans les étoiles qu'elle a plein les yeux, la jeune et dynamique Janelle Monáe, sur fond de musique naturellement hybride, questionne notre rapport aux machines et à notre contemporanéité par rapport à la musique, tour à tour explorant un héritage et des concepts qu'elle renouvelle de bout en bout : cordes somptueuses, Bossa Nova génétiquement modifiée pour le bien de l'humanité avec du Funk, Pop appropriée pour des flirts avec foi qui ne font pas n'importe quoi...
- Je vous coupe ; vous croyez en ce que vous dîtes ?
- J'y croirais si on m'avait payé cher pour le dire. Mais les choses pourraient être probablement posées ainsi pour un certain type de public.
- Bon continuez comme vous le sentez alors...
- Pour être honnête, je ne vais pas crier et chanter "Hallelujah" comme me l'a prescrit le Docteur Alban.
- Un confrère pourtant fiable que je vous avais recommandé. Mais comme ça n'avait pas marché avec le Dr. Feelgood...
- Ce n'est pas non plus l'infamie que je m'étais représentée. Je lui reconnais une palette d'influences assez bien mises en espace, et ma crainte d'avoir des voix trafiquées fut vite soulagée. Il n'en fut rien ou s'il y en a eu, cela ne m'a pas choqué sinon je n'aurais pas écouté et réécouté l'album avant d'en déposer mes résidus... mémoriels ici. Et j'ai pu identifier des choses de bon goût : des rappels à Simon And Garfunkel ("57821"), au meilleur de la Pop 60's et 70's ("Make The Bus" un Featuring avec Of Montreal évoquant Bowie), des renvois inédits à Basia et Matt Bianco ("Say You'll Go"), de belles cordes, comme je l'ai déjà dit, sur "Suite Overture II", ou le très Love "Neon Valley Street". Je reconnais aussi une certaine douceur dans la frénésie créative du disque (l'enchaînement "Dance Or Die" / "Faster").
- Et c'est tout ?
- Je pense en avoir résumé mon essentiel.
- Et quant à votre enthousiasme ? Votre... "Mojo" musical ?
- Ce n'est malheureusement pas ce disque qui va m'aider. Dans le genre "album au fourmillement d'idées" et pour citer ses sponsors, je m'étais beaucoup plus ouvert sur le Speakerboxx / The Love Below d'Outkast. Mais c'était un autre temps aussi...
- Vous allez faire quoi maintenant ? Vous n'allez pas continuer à chroniquer d'obscurs Live de Depeche Mode ou d'albums de reprises de Siouxsie And The Banshees.
- Je ne sais pas encore. Je vais tenter de suivre l'actu, mais j'ai pas le temps, mon esprit glisse ailleurs...
- Vous ne vous sentez pas mieux ?
- Ce sera long. Il faut que je puisse trouver le ou les groupes qui me feront croire que cette décennie m'a fait avancer, et il faudra bien que je réussisse à faire des vrais Tops un jour... Des Tops avec de la conviction et du cœur. Je repasserai, sans doute.
- Ce sera avec plaisir et sans regrets, alors. A ce propos, je ne veux pas rentrer chez moi seule.
- Désolé, ce fut délectable de vous voir et de parler avec vous, mais mon cœur est déjà pris. Et puis, tout votre truc, ça n'a pas été très professionnel.
- Vous croyez vraiment que cette chronique l'est ?!
Pour aider chacun à exprimer ses doutes, imaginons encore que l'un des bureaux de la rédaction d'XSilence est celui d'une psychologue.
Afin de me rendre les choses agréables, je vais représenter dans mon esprit cette thérapeute comme possédant les atouts de Laura Harring, ainsi que le charme espiègle et British de Diana Rigg. Elle serait habillée en rouge et noir afin de mieux exiler ma peur, me permettant d'aller plus haut que mes montagnes de douleur.
On va donc supposer que j'arrive dans son bureau un beau matin d'hiver. Le temps est exceptionnellement radieux, et comme Gérard Blanc avant moi, peut-être y trouverais-je du soleil dans la nuit. Ce soleil traverse les persiennes et éclaire le divan sur lequel je vais m'allonger et me confesser. Voici le dialogue qui pourrait s'ensuivre...
- Alors, comment va Monsieur Machete ?
- Pas très fort, merci. Je crains d'avoir perdu mon Mojo.
- Et si je mordille mes lunettes en faisant une moue laissant peu de place à l'ambiguïté ?
- Non, je parle de Mojo musical. Mais, faites donc, ça ne me dérange pas.
- Qu'est ce qui ne va pas ? Vous pouvez tout me dire...
- Bon. Confidence pour confidence, je sens que j'ai morflé durant cette dernière décennie. Je commence à me demander si je ne suis pas trop vieux pour ces conneries. Mes groupes ou mes artistes favoris sont entrain de tomber comme des mouches, ou ont déposé les armes, ou n'ont simplement sorti d'album depuis très longtemps. Par exemple,Je croyais que les Weezer étaient de gentils Nerds mais en fait ce sont des gros beaufs. P.J. Harvey n'est plus enragée et est devenue une Bobo avec des plumes. Non, franchement, ça le fait pas.
- Et c'est tout ?
- Non. J'essaye de me pencher sur...
- Mon sublime décolleté ?
- des groupes nouveaux, jeunes, ou des nouvelles tendances. Je consulte les collègues, demande conseil un petit peu partout, aux amis fidèles, aux nouvelles rencontres, mais je peine à trouver quelque chose qui m'emballe totalement. Oui, je peine à trouver le grand frisson. Et si je reviens à mes genres de prédilection, j'ai mal à ma guitare et à mon synthé. Ce que je peux un minimum apprécier ne tient pas sur la durée. Et puis, j'ai l'impression d'entendre du Electro R'N'B partout, comme si ce genre avait pris le pouvoir sur tous mes repères. Même mes comparses les plus fiables se laissent séduire. Je ne comprends vraiment pas.
- On dit qu'il faut savoir vivre avec son temps, vous n'êtes pas si vieux que ça non plus. Vous avez encore de multiples expériences musicales à vivre, vous n'en avez même pas vécu la moitié si l'on considère votre âge !
- Oui, vous avez sans doute raison, mais il y a une persistance en moi qui refuse de s'ouvrir.
- Vous savez qu'ici, c'est un lieu d'ouverture, ne l'oubliez jamais...
- Par exemple, les goûts et les couleurs dans la rédaction sont très variés et riches. Mais moi les morceaux de 17 minutes, l'expérimentation, les bruits tordus, le Rap, ça me soule assez vite. Je ne défends pas les lignes claires à tout prix, loin de là, mais...
- Sachez être curieux. On dirait que vous avez abandonné cet état d'esprit pourtant essentiel à votre condition.
Puis le téléphone de la renversante analyste sonne. La sonnerie reprend un des refrains les plus lascifs de l'histoire de l'année 1997 : Darling faisons l'amour ce soir / Tous deux émergés dans le noir / Car ton corps m'appelle / Délire Sensuel / Des plaisirs charnels....
Elle répond à l'appel poétique :
- Oui, Monsieur Balthazar O'Hazard. Oui. Ah vous avez entendu les lamentations de Monsieur Machete ?! D'accord. Mais vous savez c'est un entretien confidentiel, conformément au serment de....Oui. Oui. Très bien, je lui dis alors. Non, ça ne devrait pas le traumatiser. J'ai écouté l'album, il y a plein de trucs sympas dessus.
Elle raccroche, toute fière d'avoir le Love de son mystérieux correspondant.
- Bon, Monsieur Machete. Voilà le traitement que je vous propose. Il y a des albums à chroniquer et...
- Il y a toujours des disques à chroniquer.
- Oui, et récemment une artiste a émergé au sein de la rédaction, il s'agit de Janelle Monáe. Il faut compléter sa discographie.
- Vous me proposez une chronique contre nature ? Mais c'est, mais c'est... une proposition indécente !
- Mieux vaut donc une Demi Moore qu'une demi-molle...Musicalement, j'entends... Ecoutez l'album The ArchAndroid et revenez me voir dans une semaine qu'on en discute.
- Vous êtes sûre ?
- Sinon, j'ai l'album Amants Poétiques des Poetic Lover.
- Mais attendez, nous sommes dans mon imagination, là...Votre voix, par exemple, est un mélange de celles de Kim Deal et Lauren Bacall. C'est censé être professionnel ici et de bon goût.
- Le ridicule ne tue pas et tout ce qui ne tue pas rend plus fort et puis c'est vous qui mélangez les choses aussi, à citer des Boys Band français ou Jeanne Mas pour le plaisir, vous n'avez qu'à arrêter vos conneries. On se revoit dans une semaine. Et puis les lecteurs de la chronique vont s'impatienter, ils veulent un compte-rendu sérieux de l'album The ArchAndroid de Janelle Monáe.
Une semaine plus tard, me revoici donc dans le bureau de la magnifique curatrice des maux de l'âme.
- Alors, comment va ?
- Ben si je viens vous voir depuis le début de la chronique, c'est que ça va pas forcément. Bon, j'ai écouté votre truc, là.
- Et alors ?
- Alors... Ben faut que j'organise mes idées.
- Très bien. Le temps de et pour vous rendre les choses plus faciles, cela vous dérange –‘t-il que l'on se serve une bouteille de bon Bordeaux et que j'aille dans la pièce à côté mettre une robe de couleur noire, de cuir et de dentelle, me mettant très avantageusement en valeur et surtout aux parties de mon corps où je suis favorablement dotée ?
- Euh, non... Faites comme il vous, euh...,me plaira.
Une fois revenue et me sentant ma foi pas trop mal dans ces conditions, voici ce que ça donne:
- Je vais donc tenter de vous dresser le portrait de cet album, avec le restant de force, de vigueur et de passion qu'il me reste. En levant les mystères qu'il recèle, j'espère être le plus fidèle possible à la ligne éditoriale que je me suis fixé, c'est-à-dire aucune. Il est sorti en 2010 et c'est le premier album "officiel" de Janelle Monáe. Je mets "officiel" entre guillemets car elle avait auparavant sorti quelques Maxi composant une sorte de concept, intitulé Metropolis, qui n'a que partiellement abouti puisqu'elle fut vite repérée et signée par Puff Daddy (qui, je le rappelle, a affronté Godzilla comme un vrai bonhomme, après que ce dernier l'ait bronché et malmené, dans un clip en 1998). The ArchAndroid est donc une sorte de prolongement / suite / conclusion de l'univers qu'elle avait esquissé. Elle s'est inventée un Alter Ego, du nom de Cindi Mayweather, une androïde messianique sauvant un monde oppressé, bref un truc entre Ziggy Stardust et Matrix. Il y a 18 titres au total.
- 18 titres ? 18 n'est pas un multiple de 69 par hasard ?
- Non, mais cela aurait été le cas s'il y avait eu 23 titres. Et 69 n'est pas non plus un nombre premier, c'est Bertrand Renard qui me l'a appris .
-Vous maîtrisez drôlement bien les chiffres, dîtes-donc !
- Annie Pujol, quant à elle, m'a inculqué le plaisir de retourner les Belles Lettres...
- Je peux être la Lettre que vous voulez, l'alphabet tout entier...
-... mais nous nous égarons. C'est un album aussi riche que ce qui ne se dissimule qu'à un quart dans votre splendide échancrure, où plusieurs styles et influences se mêlent et s'entremêlent. Il dure 68 minutes et 35 secondes.
- Oh ! 25 secondes de plus et on aurait eu...
- Le numéro atomique du Thulium et la propriété d'être le seul nombre dont le cube et le carré contiennent tous les chiffres de 0 à 9 une seule fois, c'est-à-dire au carré 4761 et au cube 328509. Mais là n'est pas le propos. Presque Une heure et neuf minutes en fait, donc un album assez long pour mes standards Rock habituels, mais c'est en général conforme au genre qui nous concerne ici.
- Court et intense, ou long et bon, peu importe !
- J'avais très peur. Une telle durée pour un genre que je n'affectionne pas particulièrement, ça avait de quoi me refroidir. Mais si je m'attarde sur...
- Mes formes enchanteresses ?
- ...la question de genre, il faut bien reconnaître que cette jeune artiste a su brouiller les pistes, et je dois aussi avouer qu'elle l'a fait avec une certaine classe et intelligence.
- Pouvez-vous m'en faire une brève description dans un style pompeux qui sert la soupe, comme si vous étiez chroniqueur à France Sphincter ?
- Avec fausse joie ! The ArchAndroid, qui sort en 2010, donnera le ton de cette décennie, où de nombreuses barrières musicales sont tombées sur les cendres d'une industrie du disque moribonde. Les pieds sur terre et avec la tête dans les étoiles qu'elle a plein les yeux, la jeune et dynamique Janelle Monáe, sur fond de musique naturellement hybride, questionne notre rapport aux machines et à notre contemporanéité par rapport à la musique, tour à tour explorant un héritage et des concepts qu'elle renouvelle de bout en bout : cordes somptueuses, Bossa Nova génétiquement modifiée pour le bien de l'humanité avec du Funk, Pop appropriée pour des flirts avec foi qui ne font pas n'importe quoi...
- Je vous coupe ; vous croyez en ce que vous dîtes ?
- J'y croirais si on m'avait payé cher pour le dire. Mais les choses pourraient être probablement posées ainsi pour un certain type de public.
- Bon continuez comme vous le sentez alors...
- Pour être honnête, je ne vais pas crier et chanter "Hallelujah" comme me l'a prescrit le Docteur Alban.
- Un confrère pourtant fiable que je vous avais recommandé. Mais comme ça n'avait pas marché avec le Dr. Feelgood...
- Ce n'est pas non plus l'infamie que je m'étais représentée. Je lui reconnais une palette d'influences assez bien mises en espace, et ma crainte d'avoir des voix trafiquées fut vite soulagée. Il n'en fut rien ou s'il y en a eu, cela ne m'a pas choqué sinon je n'aurais pas écouté et réécouté l'album avant d'en déposer mes résidus... mémoriels ici. Et j'ai pu identifier des choses de bon goût : des rappels à Simon And Garfunkel ("57821"), au meilleur de la Pop 60's et 70's ("Make The Bus" un Featuring avec Of Montreal évoquant Bowie), des renvois inédits à Basia et Matt Bianco ("Say You'll Go"), de belles cordes, comme je l'ai déjà dit, sur "Suite Overture II", ou le très Love "Neon Valley Street". Je reconnais aussi une certaine douceur dans la frénésie créative du disque (l'enchaînement "Dance Or Die" / "Faster").
- Et c'est tout ?
- Je pense en avoir résumé mon essentiel.
- Et quant à votre enthousiasme ? Votre... "Mojo" musical ?
- Ce n'est malheureusement pas ce disque qui va m'aider. Dans le genre "album au fourmillement d'idées" et pour citer ses sponsors, je m'étais beaucoup plus ouvert sur le Speakerboxx / The Love Below d'Outkast. Mais c'était un autre temps aussi...
- Vous allez faire quoi maintenant ? Vous n'allez pas continuer à chroniquer d'obscurs Live de Depeche Mode ou d'albums de reprises de Siouxsie And The Banshees.
- Je ne sais pas encore. Je vais tenter de suivre l'actu, mais j'ai pas le temps, mon esprit glisse ailleurs...
- Vous ne vous sentez pas mieux ?
- Ce sera long. Il faut que je puisse trouver le ou les groupes qui me feront croire que cette décennie m'a fait avancer, et il faudra bien que je réussisse à faire des vrais Tops un jour... Des Tops avec de la conviction et du cœur. Je repasserai, sans doute.
- Ce sera avec plaisir et sans regrets, alors. A ce propos, je ne veux pas rentrer chez moi seule.
- Désolé, ce fut délectable de vous voir et de parler avec vous, mais mon cœur est déjà pris. Et puis, tout votre truc, ça n'a pas été très professionnel.
- Vous croyez vraiment que cette chronique l'est ?!
Pas mal 13/20 | par Machete83 |
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