The Shins
The Worm's Heart |
Label :
Aural Apothecary ; Columbia |
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Arrivé sans crier gare fin janvier 2018, The Worm's Heart par The Shins est un objet atypique, quelque peu déroutant et dont l'intérêt réel peut interroger au moment de l'aborder pour la première fois. Selon James Mercer, le démiurge de la formation, il s'agissait de réinterpréter la totalité des chansons de Heartworms, leur cinquième album sorti moins d'un an plus tôt, en mars 2017. Les morceaux, enregistrés en octobre 2016 (quand Heartworms le fut de juin 2015 à juin 2016, ce qui nous laisse apprécier le décalage temporel entre les différentes sessions en studio nécessaire pour élaborer cette nouvelle version), auxquels le terme "flipped" a été accolé (retourner, inverser en français dans le texte, ce qui nous renseigne plus précisément sur le but poursuivi par Mercer), sont joués de manière différente que sur Heartworms : les titres lents sont interprétés plus rapidement, les rapides plus lentement, quand les chansons calmes deviennent plus agitées et les agitées plus calmes. Et pour pousser le concept jusqu'au bout, l'ordre des titres a lui aussi été inversé et la toujours aussi belle pochette a désormais des teintes bleutées plutôt qu'orangées, tout comme l'intérieur du livret, alors que le cd devient noir dans la nouvelle version, étant vert clair dans la première. Le titre lui-même a eu droit à un traitement analogue, puisqu'il s'en retrouve tout à fait retourné. Mais plutôt qu'à ces changements organisationnels et visuels, somme toute agréables mais pas vraiment cruciaux pour juger de la qualité de l'ensemble, intéressons-nous à ces versions "flipped", afin de voir si l'entreprise en valait la peine.
Plutôt qu'un pâle négatif de Heartworms, The Worm's Heart est une réelle réinvention de chacun des morceaux : le groupe ne s'est pas seulement contenté d'appliquer la recette décrite plus haut, il revisite de fond en comble ses compositions, certaines en sortant transformées. Il convient de saluer cet effort appréciable. Mais là où le bât blesse, c'est que cette volonté de changement n'atteint pas toujours totalement son but. C'est notamment le cas, et c'est personnellement assez dommageable, avec les morceaux les plus réussis à mon goût de Heartworms, surtout placés dans sa seconde moitié (au début de The Worm's Heart donc, si vous avez tout suivi). Si certaines de ces versions "flipped" gardent quelque charme ("Half a Million", "The Fear", qui sonne comme une répèt à la cool), d'autres sont moins convaincantes ("So Now What" et "Heartworms", qui perdent une bonne partie de leur légèreté). Il leur manque la saveur de leurs devancières, celles-ci étant tout simplement meilleures. D'autres restent agréables, telles "Dead Alive", grâce à l'apport d'un piano lugubre et l'ambiance plus sombre du morceau, ou "Rubber Ballz" et "Mildenhall", qui part un peu dans tous les sens avec un clavier lui instillant un bon grain de folie.
D'autres versions remaniées touchent davantage leur objectif et je dois ici avouer que c'est moi qui suis "flipped" cette fois, puisque ces dernières sont en fait les chansons qui me plaisaient le moins sur l'album original. Ainsi "Fantasy Island", "Cherry Hearts" et "Painting a Hole" me paraissent supérieures sous leur nouvelle forme, surtout les deux premières, qui emportent facilement l'adhésion. L'interprétation plus relâchée, le son un peu plus brut et direct (qui rappellent un peu la fougue des débuts) jouent vraiment en leur faveur et nous montrent tout simplement que ce sont de très bons titres.
Sentiments mélangés au final à l'écoute de The Worm's Heart, cette relecture de Heartworms. Comme on pouvait s'y attendre, certains morceaux se prêtent davantage à l'exercice que d'autres et l'on se prend évidemment à imaginer ce que le meilleur de l'un et de l'autre aurait pu donner assemblé au sein du seul et même disque. Mais plutôt que de fantasmer à ce qui ne s'est donc pas réalisé, il faut retenir l'élément essentiel, ce qui ressort à mon avis le plus de cette aventure, et qui en constitue le point le plus réjouissant et intéressant selon moi pour l'avenir du groupe : alors que les Shins publient maintenant un album tous les cinq ans, selon le désir et la volonté de James Mercer, ils ont toujours cette volonté d'essayer, de créer, de proposer de la musique, même si tout n'est pas parfait. Et si The Worm's Heart est sans doute leur sortie la moins marquante, ce disque témoigne de cet état d'esprit frais, aventureux et désireux d'évoluer et d'avancer. Et quand un groupe parvient à cultiver et à faire perdurer ces dispositions primordiales pour son futur, on ne peut être que confiant pour la suite.
Plutôt qu'un pâle négatif de Heartworms, The Worm's Heart est une réelle réinvention de chacun des morceaux : le groupe ne s'est pas seulement contenté d'appliquer la recette décrite plus haut, il revisite de fond en comble ses compositions, certaines en sortant transformées. Il convient de saluer cet effort appréciable. Mais là où le bât blesse, c'est que cette volonté de changement n'atteint pas toujours totalement son but. C'est notamment le cas, et c'est personnellement assez dommageable, avec les morceaux les plus réussis à mon goût de Heartworms, surtout placés dans sa seconde moitié (au début de The Worm's Heart donc, si vous avez tout suivi). Si certaines de ces versions "flipped" gardent quelque charme ("Half a Million", "The Fear", qui sonne comme une répèt à la cool), d'autres sont moins convaincantes ("So Now What" et "Heartworms", qui perdent une bonne partie de leur légèreté). Il leur manque la saveur de leurs devancières, celles-ci étant tout simplement meilleures. D'autres restent agréables, telles "Dead Alive", grâce à l'apport d'un piano lugubre et l'ambiance plus sombre du morceau, ou "Rubber Ballz" et "Mildenhall", qui part un peu dans tous les sens avec un clavier lui instillant un bon grain de folie.
D'autres versions remaniées touchent davantage leur objectif et je dois ici avouer que c'est moi qui suis "flipped" cette fois, puisque ces dernières sont en fait les chansons qui me plaisaient le moins sur l'album original. Ainsi "Fantasy Island", "Cherry Hearts" et "Painting a Hole" me paraissent supérieures sous leur nouvelle forme, surtout les deux premières, qui emportent facilement l'adhésion. L'interprétation plus relâchée, le son un peu plus brut et direct (qui rappellent un peu la fougue des débuts) jouent vraiment en leur faveur et nous montrent tout simplement que ce sont de très bons titres.
Sentiments mélangés au final à l'écoute de The Worm's Heart, cette relecture de Heartworms. Comme on pouvait s'y attendre, certains morceaux se prêtent davantage à l'exercice que d'autres et l'on se prend évidemment à imaginer ce que le meilleur de l'un et de l'autre aurait pu donner assemblé au sein du seul et même disque. Mais plutôt que de fantasmer à ce qui ne s'est donc pas réalisé, il faut retenir l'élément essentiel, ce qui ressort à mon avis le plus de cette aventure, et qui en constitue le point le plus réjouissant et intéressant selon moi pour l'avenir du groupe : alors que les Shins publient maintenant un album tous les cinq ans, selon le désir et la volonté de James Mercer, ils ont toujours cette volonté d'essayer, de créer, de proposer de la musique, même si tout n'est pas parfait. Et si The Worm's Heart est sans doute leur sortie la moins marquante, ce disque témoigne de cet état d'esprit frais, aventureux et désireux d'évoluer et d'avancer. Et quand un groupe parvient à cultiver et à faire perdurer ces dispositions primordiales pour son futur, on ne peut être que confiant pour la suite.
Bon 15/20 | par Poukram |
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